Défiance et déconfinement

Martinez, sous-marinier de choc
(Photo AFP)

Le déconfinement, assorti de mesures-barrière draconiennes a commencé aujourd’hui dans un ordre acceptable dont on ne sait s’il est servi par la discipline ou le fatalisme ni s’il va durer. Cependant, les résultats de la lutte contre la pandémie sont encourageants puisqu’ils indiquent un nombre moins élevé de patients en réanimation et de décès et un nombre croissant de malades guéris.

LES oiseaux de malheur, qui annonçaient le chaos pour les transports et à l’école, en sont pour leurs frais. Les menaces d’amende pour les non-porteurs de masque ne sont pas applicables avant demain car la prolongation de l’état d’urgence sanitaire n’a pas été adoptée par le Conseil constitutionnel qui vient d’émettre des réserves sur le traçage des malades. Ce dont il faut se féliciter : le Conseil est là pour dire le droit et la preuve est ainsi fournie que nous vivons dans une démocratie. Emmanuel Macron a d’ailleurs exigé que la prolongation de l’état d’urgence lui soit confiée, et personne, cette fois, ne peut le lui reprocher.

Si les voyageurs restent calmes et coopératifs, la répression ne sera pas nécessaire. On imagine que les modalités de la reprise resteront compliquées, dans les trains, les bus et le métro, dans bon nombre de commerces et dans les services, comme les coiffeurs, dont la liste des rendez-vous est saturée pour les trois semaines à venir. Mais deux éléments positifs se dégagent clairement de la situation : le déconfinement, tel qu’il est voulu par l’État, est applicable et le risque d’une deuxième vague, qui terrifie à la fois la population et le gouvernement, ne devrait pas se matérialiser. Un sondage Odoxa réalisé pour « le Figaro » et France Info dans cinq pays européens, France, Grande-Bretagne,  Allemagne, Italie et Espagne, indique que les Français (comme les Italiens) ne sont confiants qu’à 32 % dans la gestion de la crise par le gouvernement, contre plus de 50 % dans les trois autres pays. Cela est dû vraisemblablement aux critiques sévères lancées contre les pouvoirs publics depuis le début de la crise sanitaire par les réseaux sociaux et par les partis d’opposition, car les bilans des autres pays, sauf celui de l’Allemagne, sont clairement moins bons que les nôtres. Le Royaume-Uni est le plus touché mais Boris Johnson est bien plus populaire qu’Emmanuel Macron.

Un fait dont il faut tenir compte.

On doit donc accueillir les chiffres du sondage avec un minimum de circonspection, même si la défiance à l’égard des pouvoirs publics se présente comme un fait politique avec lequel il faut compter. L’avenir n’est pas radieux pour la majorité, minée par ses querelles internes et constamment bombardée de sarcasmes par des individus ou des partis qui la dénoncent systématiquement, sans tenir compte des progrès de la lutte contre la maladie. L’aversion pour le pouvoir s’accompagne d’ailleurs d’un ressentiment contre le corps médical qui n’aurait pas trouvé le remède miracle ou la solution fulgurante, comme si la France, seule au monde, devrait disposer d’une thérapie ou d’un vaccin avant toutes les autres nations. De plus, personne ne fait l’effort de comparer la situation en France, où la mortalité est légèrement inférieure à celle de l’Italie et de l’Espagne et largement inférieure à celle de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Certes, l’Allemagne présente un bilan bien meilleur que le nôtre car elle était infiniment mieux préparée que nous et a pratiqué les tests à grande échelle. Il s’agit d’une des preuves de la supériorité économique allemande, qui n’a jamais manqué de masques ni de lits de réanimation. Mais nulle part la victoire contre le virus n’a eu lieu, puisque, en Allemagne comme en France, de nouveaux foyers du Covid-19 sont apparus, vite enrayés par la pratique des tests.

Les torpilles de Martinez.

La stratégie du stop and go adoptée par le gouvernement semble contradictoire. Elle a conduit plusieurs de nos essayistes, de Michel Onfray à Pascal Bruckner, à dénoncer l’infantilisme des mesures de confinement au moment tardif où elles étaient levées. Seront-ils soulagés par le déconfinement ? Rien n’est moins sûr. Derrière cette crise d’ampleur inédite, il existe tout un background politique qui aggrave singulièrement le bilan des pouvoirs publics et annonce de sérieuses difficultés politiques pour nos dirigeants actuels. Mais en réalité la logique des deux grandes phases de lutte engagées par eux est imparable et la guérilla que syndicats et oppositions ont lancée contre eux n’est ni saine ni sanitaire : il s’agit, avant tout, d’affaiblir un homme et son parti, quels que soient les services qu’ils ont rendus à la population. Le paroxysme de ce combat, nourri par une passion destructrice plutôt que par l’intérêt général, se situe à la CGT qui a fait fermer, sur ordre de justice, l’usine Renault de Sandouville, sous le prétexte de la sécurité, notion appuyée sur le principe de précaution inscrit dans la Constitution. Des juges ont estimé rationnel de donner suite à la plainte de la CGT qui, accessoirement, a déclenché une série d’attaques venimeuses contre la CFDT, sans même essayer de maquiller la nature répugnante de ces attaques. Bien entendu, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, avec la main sur le cœur, a dénoncé ensuite une affiche caricaturant le chef de la CFDT et le président du patronat, présentés  comme des homosexuels de connivence, comme s’il n’avait pas encouragé, depuis des mois, de tels débordements. Il est curieux que le malheur national ne fasse pas reculer l’ignominie et que l’enjeu soit ainsi perdu de vue. L’enjeu, c’est la mortalité et la souffrance, l’horrible menace sociale, l’appauvrissement inéluctable du pays. Ne dites surtout pas que M. Martinez essaie de couler la société française. Il lance des torpilles et se moque de leur trajectoire. Et de leurs cibles.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Défiance et déconfinement

  1. Laurent Liscia dit :

    Le problème politique semble maintenant découplé des résultats réels obtenus par les pouvoirs publics français. Aux États-Unis, c’est le même phénomène à l’envers: quel que soit le degré d’incompétence de Trump, sa cote ne semble pas sombrer.

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