Virus et libertés

Des attroupements n’ont pu être évités
(Photo AFP)

La France a subi assez de tragédies pour faire des libertés individuelles l’alpha et l’oméga du comportement de ses citoyens. Mais, d’une part, les libertés sont diverses et, d’autre part, une crise sanitaire ne peut pas être combattue sans que ces libertés soient contrôlées. Il existe une différence majeure entre des restrictions décidées par un pouvoir arbitraire et des ajustements qui répondent à la logique et doivent être consentis par chacun d’entre nous.

DANS l’absolu, il n’est pas juste d’empêcher la liberté de mouvement ; il n’est pas juste de dicter des gestes, d’instaurer une distance obligatoire entre individus, de contraindre les gens à porter un masque, de leur dire s’ils peuvent ou non travailler, de les contraindre à se laver les mains dix fois par jour, de se promener ou non dans les parcs et jardins, de fermer des plages publiques. Et il est encore moins juste d’annoncer un déconfinement régionalisé et tellement assorti de précautions qu’il en finit pas ressembler au confinement précédent. Ce n’est pas juste, mais de telles prescriptions ne résultent pas de caprices gouvernementaux ou de folles décisions d’Ubu-Roi. Elles permettent de combattre un ennemi encore plus dangereux que le terrorisme. Lequel n’avait pas d’autre but, en effet, que de forcer toute une population à rester à la maison, de semer la peur, de bouleverser habitudes et traditions et de vider de sa signification la liberté d’être. Souvenez-vous : le pays n’a jamais été aussi uni qu’en 2015 : il s’est levé comme un seul homme pour protester contre la terreur. Aujourd’hui, il ne peut pas s’adresser de la même manière à un virus sourd et aveugle. Une épidémie est un séisme à plusieurs répliques, insensible au sort de l’humanité et de la nature, et d’une férocité ravageuse. Ce qui ne veut pas dire que, même si les armes dont nous disposons se révèlent insuffisantes, nous ne pouvons pas le combattre.

Pas de liberté sans clairvoyance.

La liberté s’accommode mal de l’ignorance. Ce n’est pas faire injure aux médecins et aux chercheurs que de souligner ce qu’ils répètent eux-mêmes, à savoir qu’ils ne disposent pas encore tous les éléments statistiques nécessaires, ni d’un traitement sûr, et que la fabrication du vaccin prendra des mois ou des années. L’exercice de la liberté ne consiste pas à se satisfaire de l’ignorance mais au contraire de développer nos connaissances communes. On est en train de constater l’échec des multiples essais européens nommés Discovery, mais nous n’avons perdu là qu’une bataille, pas la guerre. Le Covid-19 est une affaire planétaire, il faut donc un médicament ou un vaccin planétaires. Cette forme de rébellion constatée dans la formation de nouveaux clusters, en France mais aussi en Allemagne, montre que le moindre relâchement est coûteux pour ceux qui se relâchent et pour leurs familles et amis. La liberté commence par ne pas nuire à la liberté des autres de ne pas tomber malades. Boire une bière autour d’une petite table où s’agglutine une dizaine de personnes, embrasser des amis ou parents retrouvés, se distraire en groupe semble naturel et même bénin, mais pas dans le climat créé par le virus. Le déconfinement n’est pas le retour à la normale, il représente une autre forme de confinement. Nous croyons être libres de ne pas respecter les règles, mais la vraie liberté est de leur obéir.

De la patience.

Ce périple dans un monde empoisonné par le virus nous semble interminable. Il exige une patience infinie, un effort collectif. On peut en vouloir à nos dirigeants pour une foule de raisons, mais nous sommes en démocratie, ce qui est une chance, et nous devons accepter leurs directives qui, si elles étaient excessives ou mal intentionnées, seraient aussitôt modifiées par le Parlement ou par la Loi fondamentale. Le confinement a servi à sauver des vies et qui peut nier que ce travail a été accompli ? Le déconfinement doit nous rendre à terme notre niveau de vie, pourquoi, alors, le combattre ? Le 11 mai n’a pas sonné l’heure de notre libération, mais celle de la reprise du travail, tout aussi indispensable à notre survie que la victoire sur le coronavirus. Nos libertés ne sont pas menacées parce que nous marchons, avec le gouvernement, sur une ligne de crête, mais par la chute à droite ou la chute à gauche : si nous devons battre le virus à plate couture mais arrivés ruinés au terme de la guerre, nous aurons échoué. Si nous devons rétablir l’économie en y laissant une fraction de la population, ce sera impardonnable.

RICHARD LISCIA

 

 

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3 réponses à Virus et libertés

  1. Laurent Liscia dit :

    Sur les faits : absolument.Sachant quand même que la discipline des peuples me paraît être un phénomène plus culturel que juridique. (Une opinion qui n’engage que moi)
    Sur la forme : les États-Unis sont encore sous le coup du Patriot Act. La prison de Guantanamo n’a pas été fermée, malgré les efforts d’Obama. Est-ce normal ?

  2. Michel de Guibert dit :

    « La liberté n’est pas de faire ce que l’on veut, mais de vouloir ce que l’on fait ». (Jacques-Bénigne Bossuet)
    « Être libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut » (Jean-Paul Sartre)

  3. Picot dit :

    Nous sommes en démocratie ? Ce n’est, malheureusement, plus le cas depuis longtemps. Depuis 2005 au moins.
    Réponse
    Vous êtes l’exemple même du persécuté.
    R.L.

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