Marine est gaulliste

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(Photo AFP)

Marine Le Pen, sans doute pour achever la « normalisation » de son parti, le Rassemblement national, se lance soudainement dans une forte apologie du général De Gaulle, alors que toutes les composantes du RN n’ont cessé de rejeter cette figure historique et vénérée par les Français, sauf par l’extrême droite, pétainiste et favorable à « l’Algérie française ».

C’EST dans la « Revue politique et parlementaire », et révélée par « le Figaro », que la patronne du RN publie ce bijou d’hypocrisie et du grand écart idéologique de neuf pages où elle revendique les sources gaullistes de son action et rend hommage, en des termes enflammés, au général. Sans doute voit-elle, dans cette reddition au gaullisme naguère honni, une façon d’élargir encore son électorat avant les municipales et plus tard les élections générales de 2022. Il faudrait être bien ignorant pour la croire. Les racines les plus profondes du RN s’enfoncent dans le pétainisme et les plus récentes dans la domination de l’Algérie par la France. Dans les deux cas, la grandeur de De Gaulle ne vient pas seulement de son immense et risqué patriotisme mais de la lutte qu’il a engagée en 1940 contre les terribles  choix du pétainisme et pour la résistance contre l’envahisseur hitlérien, puis dans le réalisme qui l’a conduit, après avoir feint de « comprendre » les factieux hostiles à l’indépendance de l’Algérie, à conclure les accords d’Évian par lesquels l’Algérie est devenue indépendante.

C’est le parti de Jean-Marie.

Après la Seconde Guerre mondiale, toutes les forces de l’extrême droite ont combattu De Gaulle et même tenté de l’assassiner. Non contentes d’avoir participé à la clique de Pétain, puis d’avoir combattu par le terrorisme le terrorisme algérien, elles ont trouvé leur homme-lige, Jean-Marie Le Pen, et un refuge politique, le Front national. Les Français qui, comme tous les peuples, ont la mémoire courte, se sont peu à peu habitués à la présence en leur sein de cette force et lui ont même ménagé une place confortable. Rien, dans les textes publiés par Jean-Marie Le Pen ne trahissait la moindre indulgence à l’égard du général. On peut même dire qu’il a construit son parti sur la haine à l’égard de De Gaulle. Il est facile de rappeler que Marine n’est pas Jean-Marie et qu’elle doit son succès à la « normalisation » progressive du RN, qu’elle présente aujourd’hui comme un mouvement large et centriste, qui ne menacerait aucune minorité et se serait réconcilié avec la Résistance et la libération des Algériens. Or c’est faux. Mme Le Pen a bien le droit de changer de stratégie, surtout si ce changement améliore ses chances personnelles. Elle ne peut pas écarter d’une pichenette les nombreux membres du RN qui sont intolérants, antisémites et racistes, anti-européens et voués à une souveraineté française qui serait, à tout le moins, la meilleure voie vers l’effondrement du pays.

Humaniste à sa manière.

En d’autres termes, Marine Le Pen ne peut pas réécrire l’histoire. Il ne faut pas, bien sûr, que la droite classique se reconnaisse en elle et se mette à croire que Marine a enfin rencontré De Gaulle, comme d’autres rencontrent la foi. Il y avait, il n’y a pas si longtemps, un numéro deux du FN qui était gaulliste : Florian Philippot. Marine l’a laissé partir. Si, il y a quelques années, elle avait vraiment l’intention de se convertir au gaullisme, elle aurait dû garder  M. Philippot à ses côtés. Si elle ne l’a pas fait, c’est bien parce qu’elle craignait qu’une partie de ses adhérents la quittent. D’une certaine manière, elle est encore et toujours sous le plafond de verre. Elle peut se hisser au second tour de la présidentielle, elle ne peut pas réunir une majorité absolue parce que, justement, si elle tente d’attirer plus d’électeurs de droite ou du centre, elle perd son électorat enragé, qui fait tout le sel du RN. On doit néanmoins reconnaître sa constance : les frasques sinistres de son père, ses commentaires odieusement antisémites, sa haine pour De Gaulle l’ont suffisamment importunée pour que, tout en lui demandant de l’argent pour ses campagnes, elle l’ait écarté définitivement. Elle s’est aussi humanisée, rejoignant, le cœur sur la main, le vaste clan des humanistes, mais sans modifier d’un iota le poids de sa xénophobie, son projet de bunker pour l’hexagone, mais en assouplissant, par la force des choses, ses rigidités européennes qui, appliquées, nous conduiraient à un  désastre.

Gaulliste ou pas, Marine Le Pen n’est pas viable. En brandissant l’icône De Gaulle, elle ne fait rien d’autre qu’ajouter à sa panoplie de commémorations une image qui concurrence celle de Jeanne d’Arc, l’antinazi s’ajoutant à l’anti-anglaise. Mais le RN ne peut conquérir le pouvoir que s’il se fond dans la droite et non l’inverse. C’est un parti qui, n’ayant jamais gouverné, tire sa vigueur (et sa violence verbale) de sa réécriture de l’Histoire. Ne nous laissons pas embobiner par ce qui n’est qu’un stratagème. L’extrême droite a un rêve qui s’appelle pétainisme et Algérie française. En réalité, c’est un cauchemar, pour le passé et pour l’avenir.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Marine est gaulliste

  1. admin dit :

    Laurent Liscia dit :
    Personne n’est dupe. Très bonne, la formule du grand écart.

  2. Xiep dit :

    Le départ de Philippot n’a rien à voir avec le gaullisme. De plus, elle a viré du parti tous les anciens de la résistance à Charles le dérisoire.

    Réponse
    Je maintiens que Philippot est inspiré par le gaullisme.
    R. L.

    • Num dit :

      Philippot, que je connais très bien, se dit et se croit inspiré par le gaullisme. Mais il ne l’est pas. Pauvre Général ! Il mérite mieux comme disciples ou héritiers.

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