La démocratie en danger

Philippe, parcours splendide
(Photo AFP)

Avec un taux d’abstentions estimé à 59 %, le second tour des élections municipales souligne la désaffection du peuple à l’égard du moyen unique de la démocratie de s’exprimer librement. C’est une réalité plus désastreuse que la défaite de la République en marche ou que la montée en puissance des écologistes, toutes choses qu’elle relativise car elle apporte un biais à la sincérité du scrutin.

AUTREMENT, la victoire de Louis Aliot (RN) à Perpignan ne surprend personne, pas plus que l’immense déroute de Gérard Collomb à Lyon qui s’est engagé dans la campagne d’une manière incohérente, pas plus que le triomphe des Verts, pas plus que la consolidation des bastions des Républicains, pas plus que l’amère victoire de Martine Aubry à Lille avec seulement 127 suffrages de plus que son concurrent direct, pas plus que le magnifique triomphe d’Anne Hidalgo à Paris. Tout au plus la REM peut-elle se féliciter du gros succès du Premier ministre, Édouard Philippe, au Havre avec 58, 83 des voix, ce qui, logiquement devrait empêcher Emmanuel Macron de se séparer de lui, pour autant qu’il en ait envie ou besoin. On a  énormément disserté sur une « crise » qui aurait divisé les deux têtes de l’exécutif en dépit de leurs dénégations, et on a du mal à comprendre pourquoi ils ne seraient pas dans le même bateau. À l’heure qu’il est, il est plus sage de dire que Le Havre renforce la popularité du chef du gouvernement et, même s’il est vrai que sa cote  dépasse de quelque quinze points celle du président de la République, on ne voit pas pourquoi M. Macron, loin de s’en agacer, n’en tirerait pas pour lui-même le meilleur profit.

Une occasion pour Macron.

Bien entendu, le chef de l’État peut croire qu’aux divers défis qui lui sont lancés par le renforcement des Verts, par un Premier ministre en progression, par la pandémie et par la baisse inquiétante du produit intérieur brut, il ne peut créer la sensation qu’en faisant du passé table rase. Mais la réponse qu’il apporte aujourd’hui même ne peut être convaincante que si elle concerne la forme plus que le fond. Peu importent les hommes et les femmes composant son nouveau cabinet s’il ne dit pas qu’il a compris l’appel du peuple à une lutte sans merci contre le réchauffement climatique ; peu importent les ressources humaines s’il ne prend pas rapidement la tête du tout écologie réclamé par le résultat des municipales ; peu importe la répartition des maroquins si, dans le marathon de deux ans qui le conduira aux élections générales de 2022, il ne s’engage pas de toutes ses forces dans un programme contre la pollution sous toutes ses formes. Il reçoit aujourd’hui les membres de la Convention qu’il a lui-même réunie pour qu’elle lui fasse des propositions environnementales, ce qu’elle vient de faire la semaine dernière. Voilà une bonne occasion de promettre que ses actes écologiques seront inspirés par ses propos multiples, rarement suivis d’effets jusqu’à présent.

Une ratatouille monstre.

Il a été suggéré que, contrairement au reste du peuple, la REM a bien participé au suffrage, ce qui laisse imaginer la déroute du mouvement si ses électeurs étaient restés à la maison. Mais aucun vote n’appartient à un parti et la particularité des électeurs de la REM, c’est qu’ils viennent de la droite la plupart du temps ou de la gauche, mais moins souvent. Faire irruption dans un monde électoral fini comme ce fut le cas de la REM en 2017 fut un exploit. Lancer des réformes fondamentales contre la volonté des syndicats et des gilets jaunes, réformer le droit du travail et le régime des retraites dans un climat d’hostilité inquiétant et dans une période où le jugement populaire a basculé comme jamais depuis 1968, tous ces actes ont conduit le peuple à rejoindre en masse ses partis d’origine. M. Macron, on l’oublie vite, n’a cessé de sacrifier la stratégie politique à la réforme. Encore aujourd’hui, il veut bien épouser de nouvelles causes, sans pour autant abandonner la réforme des retraites, signe évident de sa ténacité. Cependant, ce serait douter de son intelligence de penser qu’il va suivre une trajectoire suicidaire. Pour obtenir des voix, il faut séduire le peuple, non pas qu’il n’ait pas essayé, notamment quand il a fourni d’énormes efforts pour reconquérir les maires, mais désormais il doit commencer à acquérir les suffrages par des actes concrets contre le réchauffement climatique.

La stratégie de la REM, qui a tenté les alliances à gauche et à droite, a échoué. Il n’en existe pas d’autre, de sorte qu’elle a très bien réussi pour les Verts, souvent des hommes et des femmes de gauche ou d’extrême gauche déçus par le PS et par le PC, qui ont trouvé chez EELV des bras accueillants. Les municipales, c’est ça, un mixage extrême des idéologies, une ratatouille monstre. La présidentielle, c’est tout à fait autre chose.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à La démocratie en danger

  1. admin dit :

    Laurent Liscia
    Danger aux États-Unis aussi avec 50 % en moyenne. Faut-il rendre le scrutin obligatoire ?

    • Num dit :

      La principale leçon de cette élection c’est le désintérêt de plus en plus marqué des Français pour la politique et les élections, à l’image des États-Unis en effet. En mettant fin au clivage gauche droite, Macron a finalement mis en évidence qu’il n’y a plus vraiment d’enjeu politique, économique et social national car les différences sont faibles. Les gens ne raisonnent plus en termes d’intérêt collectif mais d’intérêt personnel. Donc, soit ils ne votent pas soit ils votent pour ceux qu’ils connaissent (dans les petites villes et les campagnes) soit pour ceux qui leur promettent la qualité de vie en plantant des arbres et construisant des pistes cyclables (dans les grandes villes).

  2. Num dit :

    Attention à la lecture des résultats d’un triomphe des écologistes à ces élections : cela ne concerne que quelques (très) grandes villes. A l’échelle du pays, c’est marginal. Ça témoigne surtout d’une fracture grandissante entre France des villes et France des champs, elle même déjà a l’origine des gilets jaunes. Donc conclure qu’il faut faire une politique tout écologisme serait une grave erreur.

  3. PICOT dit :

    Les problèmes écologiques sont ils vraiment l’urgence du moment? Pas d’autres gros soucis en vue qui devraient être prioritaires ? Il semble bien que si. La démocratie en danger ? Effectivement, et cela depuis un bon moment : à la louche depuis 2005. Les maires ont souffert, oui, du ras le bol des Français pour les politiciens en général alors que ce sont eux qui sont les plus proches des citoyens et de leurs tracas. Dommage, mais aussi ces élections, vu le contexte, pouvaient attendre un peu. C’est sans doute là les raisons de cette abstention historique. Messages sous entendus pour les dirigeants : occupez vous de nos problèmes, arrêtez de nous écraser de taxes et d’impôts, faites en sorte que les moins bien payés puissent vivre normalement de leur travail, fichez nous la paix avec votre « réforme » des retraites qui va appauvrir encore plus de monde contrairement à ce que vous racontez, et contre laquelle se dressent 75 % des Français, etc..etc.. Et quant au réchauffement climatique, la pollution c’est autre chose, on nous dit que c’est de notre faute mais, malgré tout, cela reste à prouver, beaucoup de scientifiques n’étant pas de cet avis. Par exemple personne n’arrive à expliquer vraiment comment le CO2 serait un gaz à effet de serre alors qu’il ne représente, c’est facilement vérifiable, que 0,041 % de la totalité des gaz atmosphériques (oxygène 30 %). On dirait plutôt que c’est un gaz à effet de taxes…carbone. Ah oui c’est vrai : je serais un affreux complotiste!

    Réponse
    Vous ne l’êtes sûrement pas. En revanche, vous nous jouez constamment la complainte du persécuté.Je ferais un blog sur l’opéra que vous plaindriez quand même. Si vous n’avez pas un chagrin d’amour, qu’est-ce qui vous rend si malheureux ?
    R. L.
    R. L.

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