Macron à Beyrouth

Accolade sans frontière
(Photo AFP)

Le voyage éclair d’Emmanuel Macron à Beyrouth a été vivement critiqué en France (sauf par Jack Lang), comme si nos problèmes nationaux devaient nous éloigner de la souffrance du peuple libanais après une explosion qui a fait plus de 150 morts, 5 000 blessés et des dégâts incalculables.

LE POINT principal de la démarche du président est qu’il est le premier et, pour le moment, le seul des chefs d’État ou de gouvernement à s’être rendu sur place, dans les ruines fumantes de la double explosion et au cœur d’une foule de citoyens libanais sincères qui hurlaient en pleurant leurs désillusions, leur lassitude face à la corruption, leur désespoir devant une  mécanique implacable qui les plonge toujours plus dans la misère alors que quelques potentats s’emplissent les poches. Devant le peuple en colère, devant l’exécutif libanais, et au cours de sa conférence de presse, le chef de l’État n’a pas mâché ses mots, ce qui, d’ailleurs, lui a valu la mauvaise humeur de quelques-uns de ses interlocuteurs. Mais la catastrophe a servi de catalyseur. Elle s’est produite en pleine crise financière, sociale et économique. Elle ne permettait plus aux roitelets du Liban d’avancer masqués. Macron lui-même les a désignés. Qu’ils soient contents ou non, ils devront utiliser avec rigueur les aides internationales et ne les obtiendront que s’ils mettent en route les réformes dont ce pays, comme le nôtre, a tant besoin. Et, de ce point de vue, on a assisté hier après-midi à Beyrouth aux embrassades entre un dirigeant étranger réformateur et un peuple libanais qui voudrait avoir sa copie à la tête de son gouvernement.

Des mots, jamais des actes.

Ici, à Paris, on dénigre, comme toujours, la démarche du président. On lui dit qu’il doit seulement se préoccuper des problèmes nationaux restés sans solutions. On répète cyniquement qu’une nouvelle aide au Liban ira à la corruption. Et qu’au Liban comme en France, Macron, c’est des mots, jamais des actes. Ce qui est faux, bien sûr, mais quelle importance ? Diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose. Les élections de 2022 sont évidemment dans toutes les têtes et personne ne dira que M. Macron n’y pense pas. Mais ses adversaires y pensent encore plus que lui et attribuent le moindre de ses gestes à un calcul électoral. Pourquoi pas ? Mais il fallait beaucoup de témérité pour aller se jeter, d’un coup d’aile, dans le chaudron libanais. La preuve, c’est que personne, à part lui, ne s’y est précipité. En agissant de la sorte, il a tout de même donné au peuple libanais ce dont il manque le plus : un peu d’espoir, et accessoirement, il s’est inscrit parmi les grands leaders européens. Toute la journée d’hier, il a représenté l’Europe et, en se montrant sévère pour les gestionnaires du pays des Cèdres, il a donné le ton de ce que diront Angela Merkel et les autres chefs de gouvernement européens.

Une scène éloquente.

Et puis, il s’est produit, lors de son bain de foule, une scène éloquente. Une jeune fille, l’âge d’une étudiante, l’a apostrophé, en criant puis en hurlant ses doléances. Il l’a écoutée et puis, sa voix s’est cassée, elle semblait à court d’arguments. Comme il ne répondait pas, elle s’est jetée dans les bras accueillants du président de la République française. Et tant pis pour la pandémie. Un moment bouleversant, symbolique de la rencontre entre une jeune fille révoltée, soudain justicière et un chef d’État étranger qui la comprenait, ne cachait pas son émotion et la consolait (voir la photo). Gilets jaunes, prenez-en de la graine !

Les mamelles du redressement.

Bien entendu, il faudra du temps pour que le plan proposé au Liban soit rédigé, puis appliqué. Sa solidité sera mise à l’épreuve des nombreuses secousses causées par les potentats qui ne veulent pas lâcher prise, par les factions que la fin de la guerre civile, il y a trente ans, n’a pas fait disparaître, par l’avidité de ceux qui pensent que le pouvoir, c’est le moyen de s’enrichir. Aussi bien M. Macron n’avait-il pas la prétention de régler la crise libanaise en un jour et d’un coup de baguette magique. Il a néanmoins lancé aux dirigeants libanais un avertissement qui les met à nu sous le regard de leurs créanciers et de leur population. Il a prononcé des mots de compassion à comparer avec l’analyse de Donald Trump : « C’est un attentat » ! Et il poursuivra sa tâche au niveau des sommets européens. Emmanuel Macron n’a pas réussi toutes ses réformes, mais il a encore 20 mois utiles pour en peaufiner quelques-unes ; on peut tirer sur lui à boulets rouges, on ne peut pas ignorer son courage et son efficacité stratégique. De sorte qu’il a la personnalité du leader, celui qui sait saisir une occasion historique. Or, parmi ceux qui prétendent le remplacer, officiellement ou secrètement, il n’est pas facile d’en trouver un qui ait déjà les mêmes compétences avec quelques résultats positifs. Il arrêterait la pandémie en levant le petit doigt qu’on dirait encore qu’il s’est trompé ; il créerait le plein emploi en France qu’on le critiquerait quand même ; il est en train de prendre le leadership de l’Union européenne et l’on se moque de sa prétention à la diriger avec une économie française aussi endommagée. Y a-t-il, pourtant, une autre manière de traiter la crise ? Activisme et optimisme sont les mamelles du redressement.

RICHARD LISCIA

 

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