L’affaire Navalny

Navalny fait peur à Poutine
(Photo AFP)

Dissident du pouvoir et donc haï par lui, Alexei Navalny représente à Moscou l’une des résistances à la dictature  de Vladimir Poutine, qui vient de manipuler la Constitution russe pour rester au Kremlin jusqu’en 2034. M. Navalnya été empoisonné lors d’un voyage en Sibérie.

L’APATHIE de l’été m’avait quelque peu éloigné d’une actualité internationale que j’ai préféré, à tort, laisser pour la rentrée. Mais dans le genre « on achève bien les dissidents », Poutine a fait très fort. Navalny n’est pas mort. Après avoir poussé des cris de douleur et sombré dans le coma, il a été débarqué de l’avion régulier qui, de Sibérie, l’emmenait à Moscou, puis soigné à l’escale dans un hôpital. Sa famille a réclamé son transport vers un ville occidentale, en dépit des affirmations et réaffirmations des médecins russes qui n’en voyaient pas la nécessité. Finalement, sans doute sur l’ordre de Moscou, M. Navalny a été transporté à Berlin où, s’il survit, il gardera probablement de graves séquelles. Dans le processus qui lui a apporté la liberté en même temps que des dégâts physiques, rien n’a été possible sans le consentement de Poutine, ni l’empoisonnement ni son transfert à Berlin. S’il y avait un aspect comique dans cette mésaventure, ce serait le regard faussement innocent de M. Poutine, puis sa compassion factice pour la famille alors que, s’étant débarrassé d’un adversaire politique très crédible, il ne lui coûtait rien de livrer Navalny aux autorités allemandes, lesquelles ont beaucoup de mal à détecter le poison mais sont sceptiques quant à sa capacité à recouvrer complètement sa santé.

Cruauté du régime.

De quoi M. Poutine peut-il bien avoir peur ? La réunion de toutes les forces dissidentes en Russie n’est pas en mesure de menacer son pouvoir, même s’il en abuse exagérément. Il a un aplomb hors pair quand il s’agit de démentir sa responsabilité dans un crime, même si c’est un habitué de l’empoisonnement ou de l’arme à feu. Il n’y a pas si longtemps, il a fait empoisonner un espion rallié à l’Occident, Serguei Skripal, et sa fille, dans un restaurant anglais. Les prompts secours britanniques les ont sauvés de la mort. Le pire, c’est que Poutine préfère montrer par ses attentats, à la fois grotesques et scandaleux mais hérités du KGB dont il fut un officier supérieur,  son autorité mais aussi sa culpabilité honteuse. Il y a deux vérités : celle de l’Occident appuyée sur des preuves et celle de Moscou basée sur la violence et l’hypocrisie, mais que le Kremlin partage avec tous les Russes. Il lui suffit de dire, chaque fois que se produit un crime politique, qu’il n’a rien à voir avec ça. Les souffrances de Navalny suffisent à montrer la cruauté du régime russe ; elles dévoilent aussi l’incapacité du KGB à « finir le travail », à n’empoisonner les activistes russes qu’à moitié et à n’avoir jamais préparé la suite de l’attentat sur le plan de la communication, que la victime décède ou non.

Interlocuteur valable.

Poutine, c’est cet assassin et c’est aussi l’homme du dernier recours quand l’Union européenne cherche un « interlocuteur valable » en cas de crise politique. Il a envahi une partie de l’Ukraine, annexé la Crimée, plongé la Tchétchénie dans un ordre implacable, au terme d’une guerre civile (il est vrai conduite par des islamistes) et dépecé la Géorgie. C’est lui néanmoins que les Européens sont allés chercher pour contribuer à l’apaisement de la crise biélorusse déclenchée par la falsification d’un scrutin présidentiel. Le président, Alexandre Loukachenko, a gagné cette élection avec 80 % des suffrages alors que son opposante s’exilait en Lituanie. Mais il a remporté une victoire à la Pyrrhus. L’opposition, qui semble bien avoir la vraie majorité, continue à manifester, à le conspuer et à réclamer des élections libres. Loukachenko s’est fait filmer avec une mitraillette à la main. Cela dit, le peuple biélorusse n’est pas anti-russe,  pas hostile à une médiation de Poutine qui, lassé par les facéties de l’un de ces clowns de l’époque qui défraient la chronique, pourrait bien lui dire d’aller se faire voir ailleurs, ce qui serait un précédent négatif pour Poutine lui-même.

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Une réponse à L’affaire Navalny

  1. Laurent Liscia dit :

    Poutine ne peut pas lâcher Lukachenko, pas plus qu’Al Capone ne pouvait lâcher Bugsy Siegel, son ami d’enfance et compère mafieux. Avec l’assassinat rate de Navalny et moultes affaires du même acabit, on peut se demander à quoi songe cette (extrême) droite française qui nous présente une Grande Alliance Chrétienne avec la Russie comme le seul rempart valable contre l’Islam jihadiste. Et le premier pas vers la tyrannie absolue. Disons-les choses comme elles sont: ceux qui voient le salut dans Poutine ne sont autres que des nostalgiques du pétainisme.

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