La « trahison » d’Estrosi

Christian Estrosi
(Photo AFP)

C’est un coup de théâtre, une « trahison », un séisme : Christian Estrosi, ancien ministre de Chirac et maire de Nice a déclaré hier soir que son parti, les Républicains, incapable d’emporter la présidence de la République en 2022, devrait conclure un accord, sous conditions, avec Emmanuel Macron.

AURÉLIEN Pradié, secrétaire général de LR, a aussitôt dénoncé, en des termes accablants, l’initiative « misérable » de M. Estrosi qui, selon lui, « se vend au plus offrant ». Ce ne sera pas la seule réaction de la droite, il y en aura d’autres et sans doute encore plus fracassantes, ce qui aura pour effet d’enterrer la proposition du maire de Nice. Lequel n’a jamais caché qu’il reconnaît, au sujet du président de la République, quelques évidences que LR n’a cessé de balayer sous le tapis : les réformes de M. Macron correspondent à peu près à celle que la droite aurait faites si elle avait eu le pouvoir ; le chef de l’État, à la faveur des difficultés populaires et syndicales qu’il a rencontrées, semble infiniment mieux soutenu par l’électorat de sensibilité droitière que par celui de la gauche.

À quoi il faut ajouter qu’aucune bataille n’est perdue à 18 mois du jour où elle aura lieu et que le tableau du rapport de forces fourni le 1er septembre peut changer en profondeur en quelques semaines : ce qui est au passif de M. Estrosi, c’est sa précipitation, sa démarche solitaire (il n’a consulté aucun de ses amis avant de s’exprimer) et une reddition en rase campagne d’autant plus surprenante et inattendue que les Républicains ont fait jusqu’à présent avec un zèle très remarqué le procès à charge des gouvernements Macron.

Éviter une guerre intestine.

D’autant qu’il y a déjà des candidats de la droite plus ou moins déclarés : Valérie Pécresse, présidente d’île-de-France, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, François Baroin, Bruno Retailleau, sénateur dont l’idéologie est structurée et les méthodes fermes, et peut-être Gérard Larcher, président du Sénat, qui n’a pas, avec M. Macron, des relations très apaisées. Cependant, le constat de M. Estrosi, même s’il est favorisé par les affinités qu’il paraît avoir avec le chef de l’État, est dicté par les chiffres : pour le moment, un candidat purement LR ne franchirait pas le seuil de 15 % et serait donc éliminé au premier tour. M. Estrosi se pose donc en sauveur de la droite à qui il veut éviter une déroute en 2022.

De plus, sa suggestion vient alimenter ce dont LR a le plus horreur : l’inévitable choc Macron-Le Pen au second tour. Mais l’état de la droite exige une réflexion plus profonde que celle des va-t-en guerre : ils souhaitent une primaire tout en la craignant. S’ils l’instituent, ils savent que le parti, déchiré, risque de ne pas s’en remettre. M. Estrosi, par sa proposition céleste, écarte la perspective d’une guerre intestine.

Et qu’en pense Macron ?

Enfin, M. Estrosi n’a pas demandé non plus l’avis du président de la République qui devrait logiquement rester dans son « en même temps », c’est-à-dire tous les électeurs de bonne volonté, quelle que soit leur appartenance idéologique. Macron, qui vient de la gauche, se retrouve président avec le soutien d’une bonne fraction de la droite. Il voudra, me semble-t-il, faire campagne sur le thème du président de tous les Français. Même si, sur le plan économique, il applique les règles de l’économie de marché, il tente, de temps à autre, de donner un gage à la gauche. Tout dépend, en réalité, de l’état des lieux dans un an : les enquêtes d’opinion dicteront les diverses stratégies. Est-il possible qu’entretemps LR renonce à sa primaire ? Cela ressemble à un objectif trop éloigné pour qu’il soit jamais atteint. Mais si primaire, il y a, l’accord avec Macron deviendra impossible et ce d’autant plus que, de jour en jour, il apparaîtrait comme une défaite, le combat cessant faute de popularité.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à La « trahison » d’Estrosi

  1. D.S. dit :

    Christian Estrosi a raison. LR n’a rien à espérer pour 2022 dans le contexte actuel. Mais pourquoi ne fait-il pas comme Edouard Philippe, Bruno Lemaire et d’autres ? Ces derniers n’ont pas eu jusque là, à regretter leur choix de se rallier à Macron en 2017.

  2. Laurent Liscia dit :

    Je rejoins D.S. C’est une « trahison » pragmatique, non ? Car ce deuxième tour apocalyptique semble se répéter de cycle en cycle. Le danger Le Pen ne se dément pas.

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