Terrorisme : la justice passe

Hayat Boumediene en fuite
(Photo AFP)

Quatorze personnes, dont cinq sont absentes, ont été condamnées hier à des peines variables par une Cour spéciales d’assises présidée par Régis de Jorna, dans l’affaire des attentats contre Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher.

CE VERDICT a été énoncé près de six ans après les crimes. La justice française est lente, mais elle finit par être rendue. Les peines annoncées mettent l’accent sur une notion très forte, à savoir que contre des actes terroristes totalement étrangers au droit, les assassins sont jugés chez nous en droit. L’un des accusés, Ali Riza Polat, 35 ans, qui a nié toute participation à l’équipée mortelle des frères Kouachi et d’Amédi Coulibaly, a fait appel du verdict, usant jusqu’au bout des recours offerts par notre justice, là où il continue de croire que contribuer à la logistique des attentats n’aurait pas dû lui valoir une peine de prison à perpétuité. Mais, comme l’a fort bien dit Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, c’est une nébuleuse qui a fomenté les attentats et sans cette nébuleuse, ils n’auraient pas eu lieu.

Boucs émissaires, vraiment ?

Dans ces conditions, on ne tiendra pas compte des remarques de l’avocate d’Ali Riza Polat, qui estime que les juges ont jugé sans preuves des « boucs émissaires ». C’est le droit des avocats de la défense de dire tout ce qu’ils veulent et même ce qu’ils ne pensent pas, mais en traînant les accusés devant la Cour d’assises, les juges ont mis au point la seule riposte dont nous disposions, face à la violence, à la cruauté et à la lâcheté : la définition du crime et du choix de la peine qui, en l’occurrence, aurait pu être encore plus lourde. Ali Riza Polat a été condamné à la réclusion à perpétuité, de même que la compagne de Coulibaly, Hayat Boumedienne, 30 ans, qui s’est enfuie au Proche-Orient avant la commission des crimes.

Bientôt, le procès du Bataclan.

Le procès qui s’est terminé hier a duré 54 jours. Il laisse augurer de ce que sera celui du Bataclan pour des crimes infiniment plus grave et nombreux. Les assassins qui ont survécu doivent savoir qu’ils seront pourchassés jusqu’à la fin de leur vie et, si j’ose dire, ce n’est que justice, car leurs victimes gardent dans leur chair et leur âme les séquelles douloureuses de leur terrible épreuve, sans doute jusqu’à la fin de leur vie. Notre pays se bat contre une sorte de monstre multiforme qui présente un danger à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Nous le combattons sur son propre terrain, par exemple au Sahel, et ce sont nos militaires qui se chargent du travail. Nous le combattons sur notre territoire grâce à la police et à la justice, institutions parfois très discutées, mais dont la présence et le fonctionnement sont absolument indispensables.

Les lois et l’ordre.

Le message des terroristes contient en effet l’abolition des lois et de l’ordre. C’est au moyen des lois et de l’ordre que nous ripostons, non au nom de la vertu mais au nom de la Constitution et de l’État de droit, qui n’est pas sans défense et qui affirme sa vigueur chaque fois que des actes d’une violence inouïe nous expose à la tentation d’exécuter sans autre forme de procès nos agresseurs. La vocation du droit nous expose à des souffrances : pour les familles des victimes, l’appel de Polat annonce un nouveau procès où les faits seront racontés de nouveau, ce qui relancera leur douleur. Il ne faut jamais oublier la configuration spécifique du terrorisme en France : il s’attaque à la société civile, ses carnages sont d’autant plus affreux qu’il prend d’innocents civils par surprise et ne leur laisse pas le temps de se protéger et encore moins de répliquer en utilisant des armes.

Du même coup, le procès relativise nos sempiternels débats sur la police et la justice française. En France, rien n’est parfait, mais les moyens de dire le droit et de le redire sont multiples. Bien entendu, le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme reste la prévention qui permet, d’ailleurs, d’étouffer plusieurs complots par an. Nous allons à la fois améliorer cette prévention et adopter une loi qui définira le sort des assassins quand ils ont fini leur peine et seront censés sortir de prison.

RICHARD LISCIA

 

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