Biden : nouvelle ère

Joe Biden hier
(Photo AFP)

Joe Biden a donné une vigueur exceptionnelle à son envol en se présentant comme le chef de « tous » les Américains, en tendant la main à l’ensemble de ses concitoyens et en remplaçant le rapport de forces entre majorité et minorité par l’alternance démocratique.

ON ATTENDAIT de M. Biden qu’il fît un discours historique. Il faut ici souligner la forme et le contenu de son adresse à la nation. L’homme qui bégayait encore il y a quelques années a prononcé sans notes un discours de près d’une demi-heure qui décrit son programme pour les quatre années de son mandat. Il y a mis cette compassion qui est devenue sa marque mais il a mis en garde les séditieux en répétant qu’ils « ne gagneront pas », qu’ils « ne gagneront jamais ». Il s’agit donc à la fois de changer quelques millions de votes et de livrer aux « terroristes intérieurs » une guerre sans merci.

Aucun incident.

À noter qu’aucun incident ne s’est produit, grâce à la surveillance militaire, ce qui, du coup a atténué le malaise créé dans le monde par le sac du Capitole. À l’Amérique divisée et affaiblie non seulement par le Covid mais aussi par l’immense fossé qui sépare deux parties presqu’égales de la population, il demande un sursaut, un retour à la raison et à la confiance. Il a même eu cette formule assez belle : « Nous agirons non pas en montrant l’exemple de la force, mais en montrant la force de l’exemple ». Joe Biden est l’alter ego de John McCain, sénateur républicain de l’Arizona, un maître du compromis avec les démocrates, décédé d’un cancer il y a quelques années, qui aurait fait un bon président mais a échoué face à Barack Obama.

Soutenu par le monde des affaires.

Il n’y a peut-être pas de quoi nous rendre ivres de bonheur, et encore moins de s’abîmer dans le culte de la personnalité, ce qui ne constitue pas l’objectif de Biden. Mais pour tous ceux qui, sur la planète et pas seulement aux États-Unis, voyaient l’Amérique sombrer dans une sorte de cinquième dimension, c’est un soulagement. Le verdict des urnes a balayé Ubu-Roi et l’a remplacé par un homme d’État qui combattra les atteintes à la démocratie, mais respectera le peuple, a déjà signé 15 décrets présidentiels pour donner la direction de son action, multi-latéralisme, dialogue avec les alliés, fermeté avec les adversaires. Nul ne doute qu’il fera très vite sa priorité du combat contre le Covid et organisera une campagne fédérale de vaccination massive. Nul ne doute qu’il apportera aux plus pauvres un nouveau soulagement financier. Il se trouve que, depuis que Biden est candidat, curieusement, le monde de la Bourse et des affaires a lâché Trump et joué la victoire de Biden.

Trump sera occupé.

Toutes sortes d’éléments favorables sont donc réunies pour assurer le succès de sa gouvernance. Nombre de commentateurs français qui, pourtant, craignaient que Trump ne l’emportât, ont choisi la rigueur pour le juger. Je veux bien que l’on perçoive les immenses difficultés qui attendent Biden. Mais on peut aussi souligner ses atouts. Il n’est pas certain, par exemple, qu’il retrouve Trump sur son chemin ; que la procédure de destitution lancée par les démocrates pour destituer le président sortant aboutisse ou non, il devra faire face aux enquêtes judiciaires qui seront lancées contre lui et ne retrouvera pas aisément le niveau minimum d’éligibilité qu’il avait en 2016 ; Trump a donné rendez-vous à ses partisans en 2024 « sous une forme ou une autre », il n’est pas exclu qu’il soit contraint de les appeler à manifester contre sa mise en détention éventuelle. La pandémie peut aussi être jugulée par une campagne massive (et fédérale) de la population et vous assisterez assez vite à un rebond exceptionnel de l’économie, avec des créations d’emplois et des jours meilleurs pour les foyers.

La question existentielle des républicains.

Il y aura sûrement un apaisement des relations internationales qui sera obtenu par le dialogue et la fermeté. Biden reprendra ses responsabilités à l’Otan et ne désignera pas l’Union européenne comme « une entité pire que la Chine », ce propos scandaleux que Trump a prononcé. Les États-Unis sont déjà retournés à la conférence de Paris sur le climat et à l’OMS, reviendront à une Otan qu’ils n’ont jamais quittée, mais resteront fermes avec Pékin et Moscou. Biden, cependant, défendra âprement les intérêts de son pays, y compris face à ses alliés. Il poursuivra ainsi un mouvement amorcé par Barack Obama dont il fut le vice-président pendant deux mandats. Il donnera de l’air aux immigrants, il a déjà gelé les fonds pour le financement du mur avec le Mexique. Il régularisera le sort des « dreamers », ces 800 000 jeunes venus d’Amérique latine pour étudier aux États-Unis et qui souhaitent y rester. Une révolution morale est en train de succéder à un coup de force contre les institutions. Enfin Biden s’est entouré d’une équipe de rêve, une concentration de talents et d’expérience qui assurera le suivi des décisions, tandis que le parti républicain se posera sa grande question existentielle : est-ce que ça vaut encore la peine de soutenir un président défait qui, en s’attaquant aux institutions, a obéré la carrière de ses amis ?

RICHARD LISCIA

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