Non au vote anticipé

Larcher : M. « niet »
(Photo AFP)

Le Sénat a rejeté l’amendement à une loi organique qui prévoyait l’introduction du vote anticipé. Le débat aura été aussi vif que rapide.

EFFECTIVEMENT, on ne voit pas à quoi est censé servir le vote anticipé dans un pays qui va aux urnes toujours le dimanche, ce qui permet à tout électeur d’accomplir son devoir civique sans interférence avec son travail. Aux yeux de Gérard Larcher, président du Sénat, le vote par anticipation ne saurait être l’appendice d’une loi sur un autre sujet : il correspond à une réforme en profondeur du scrutin et mérite donc un débat assez long pour qu’il soit impossible d’aborder la question avant la fin du mandat actuel d’Emmanuel Macron. Le projet de l’exécutif est curieux parce que le besoin et l’urgence d’un vote anticipé ne sont nullement prioritaires, si ce n’est que l’abstentionnisme a pris des proportions épidémiques (58,4 % aux municipales de l’an dernier) qui faussent la réalité du rapport des forces politiques en France.

L’argument de la fraude.

Mieux que le vote anticipé, le vote par correspondance semble le plus approprié pour lutter contre l’abstention, nouveau fléau de la démocratie. Empressons-nous d’ajouter que, par sa nature même, il représente lui aussi un vote anticipé. Il est largement utilisé aux États-Unis et il vient de prouver qu’il représentait le meilleur instrument pour venir à bout de Donald Trump. Même si comparaison n’est pas raison, même si rien l’oblige la France à copier les États-Unis, voilà tout à coup que M. Larcher se met à ressembler à M. Trump et se transforme en Monsieur « niet » de la République. Car il invoque le même argument, celui de la fraude, qui serait facilitée par le vote par correspondance et anticipé, fraude qui a été récusée par tous les bureaux de vote et par tous les tribunaux américains, y compris la Cour suprême.

Cynisme contre systématisme.

Incontestablement, le chef de l’État recourt à tous les moyens dont il dispose pour que les citoyens qui lui sont favorables puissent voter massivement pour son camp. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, il est installé confortablement dans le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui pourrait lui permettre, au grand dam des oppositions, de franchir le cap du premier tour et trouver une majorité après le second. On ne saurait lui reprocher ce calcul sans reconnaître que Gérard Larcher, de son côté, a des intentions parallèles et que, qui sait ?, il rêve de sa propre candidature, même s’il prétend tout le contraire. Il se peut également que Macron pousse le président du Sénat dans ses retranchements et qu’il s’efforce de donner de M. Larcher l’image de ce qu’il est en ce moment, un acteur politique qui sait  toujours rejeter, jamais approuver. S’il y a du cynisme dans la tactique de M. Macron, il y a du systématique dans celle de ce rival potentiel qui, pour le moment, joue, grâce à sa majorité sénatoriale, le rôle d’antidote au macronisme. Si on croit apercevoir chez Larcher la vague silhouette de Mitch McConnell, chef de la minorité républicaine au Sénat des États-Unis, on ne manquera pas de deviner celle de Joe Biden à l’Élysée.

Le choix de l’adversaire.

L’abstentionnisme se nourrit certes du mécontentement populaire et profitera arithmétiquement aux extrêmes. Plus on avance dans la crise, plus on découvre la dimension du désarroi des partis et de l’incertitude des rendez-vous électoraux à venir. La droite classique, encore une fois, pense refouler le macronisme en le combattant frontalement. Curieusement, elle ne semble pas croire qu’une offensive contre le Rassemblement national, qui lui a pourtant volé une bonne fraction de l’électorat ex-gaulliste, serait plus gratifiante. Ce n’est pas en affaiblissant la majorité actuelle que LR s’imposera au premier tour mais en récupérant ses déserteurs partis grossir le camp du RN. L’élément qui semble s’incruster dans le paysage électoral, c’est que, pour diverses raisons qui relèvent plus de l’émotionnel que de la stratégie, le pays ira à la bataille présidentielle avec des instruments électoraux qui n’auront pas été changés. Pour la droite, qui, pourtant, a beaucoup plus de chances de l’emporter que les Verts ou la gauche, le scénario qu’elle abhorre, celui d’un affrontement au second tour identique à celui de 2017, sera donc plus que probable.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Non au vote anticipé

  1. Bruno Pierre dit :

    La solution, à mon humble mais néanmoins important avis, c’est de rendre le vote obligatoire avec amende de 135 euros (par exemple !) mais cela ne règlera pas la question de la démocratie qui a TROIS épines dans le pied : 1) le peu de connaissances économiques et politiques 2) la crédulité de nombres de personnes enfermées dans leurs convictions et incapables intellectuellement d’analyser la situation de leur Nation. 3) le manque de confiance dans les hommes politiques qui sont les seuls à se présenter aux élections.

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