Contre la crise, l’État

Ursula von der Leyen
(Photo AFP)

Aucun de nos concitoyens n’oubliera que la crise sanitaire a déséquilibré l’État, en le contraignant à prendre des mesures parfois contradictoires et injustes, et obéissant à des logiques différentes. Le président de la République défend néanmoins sa méthode et l’Europe essaie d’universaliser la vaccination.

APPLIQUER la stricte discipline européenne n’a pas été la meilleure voie pour combattre la pandémie. C’est d’autant plus regrettable que la santé ne fait pas partie de la compétence de l’Union européenne, ce qui laissait à chacun des pays membres le soin d’engager sa propre politique de vaccination. Dans un système d’abondance, on pouvait autoriser Bruxelles à distribuer le vaccin, mais pas dans un contexte de pénurie. Il fallait que La France achetât du vaccin coûte que coûte. Elle ne risquait pas d’encourir les foudres de ses partenaires et alliés, plus prompts à fermer les frontières qu’à se faire des procès.

Breton fait un miracle.

Depuis quelques jours, la situation se détend un peu, notamment grâce à l’optimisme affiché de la présidente de la commission de Bruxelles, Ursula von der Leyen et à Thierry Breton, commissaire au marché intérieur qui affirme que l’Union dispose aujourd’hui de 360 millions de doses, de quoi assurer rapidement, en tout cas d’ici à l’été, la vaccination de la population de l’UE. Nous avons été assez échaudés par nos rechutes pour ne pas prendre à la lettre ce que nous dit M. Breton. Il ne suffit pas d’avoir des doses, il faut les distribuer dans tout le territoire européen et l’apporter à proximité des bénéficiaires. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Je souligne ces aspects de la logistique parce que seule la vaccination massive nous tirera d’affaire. Si le plan Breton réussit, il deviendra notre héros.

Approvisionner les pharmacies.

Car il faut mettre en parallèle la vaccination et le sommet de la crise sanitaire que nous avons atteint et, peut-être, dépassé. Les polémiques avec arrière-pensées électorales sont devenues un exercice insupportable. Ni le couvre-feu ni le semi-confinement ne sont capables de donner un répit aux hôpitaux, de réduire sensiblement le nombre de cas de contamination, ou le nombre des hospitalisations. Le monde a conçu des vaccins en un an (un exploit historique) et, au bout de trois mois, on constate une pénurie de doses (un échec historique). Il n’y a rien là de surprenant : nous sommes allés sur la Lune, nous avons beaucoup de mal à donner un emploi à un chômeur. Pour vacciner sérieusement, il faut des centaines de millions de doses et des dizaines de milliers d’infirmières et de médecins. Jusqu’à aujourd’hui, les pharmacies, autorisées à vacciner avec AstraZeneca n’ont pas commencé à vacciner. Pourtant, la pharmacie est un lieu sanitaire idéal, elle est proche du patient qui, dans la majorité des cas, peut s’y rendre à pied, et elle est en lien avec le médecin familial.

Le gazon n’est pas plus vert chez les autres.

Une politique d’abondance de doses, qui serait applicable dès avril si l’on entend bien M. Breton, nous eût évité les débats incessants sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Si on avait dit au gouvernement ce qui l’attendait, à savoir trois vagues épidémiques successives,  il aurait peut-être rendu son tablier. C’est pourquoi les jugements sur ses hésitations, sur la pertinence des mesures qu’il a adoptées, sur le refus, en janvier, de M. Macron de confiner n’ont qu’une portée électorale. Rien ne prouve qu’un autre gouvernement n’aurait pas pris les mêmes décisions, ou qu’il n’aurait pas aggravé la crise par quelque geste intempestif. À noter, pour contribuer à la justice, que les pays qui s’en sortent le mieux du point de vue de la vaccination, par exemple les États-Unis et le Royaume-Uni, ont quand même une mortalité plus élevée que la nôtre et commencent eux aussi à souffrir de la pénurie de vaccin.

Les Américains, engagés dans une politique rapide de rapprochement avec l’Europe, se gardent bien de lui adresser des reproches. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, dans ses fréquents accès de populisme, estime que, grâce au Brexit, son pays se débrouille mieux que les pays de l’UE. Vite dit et pas prouvé. Dans cette affaire, le rôle joué par AstraZeneca a fait l’objet de menaces de la part d’Ursula von der Leyden qui lui reproche, en gros, d’avoir favorisé ses ventes au Royaume-Uni au détriment de l’UE, après avoir prolongé les délais de mise du vaccin à la disposition des pays qui l’avaient commandé. L’Europe s’occupera de la firme quand la poussière sera retombée sur la mêlée épidémique la plus grave depuis 1918.

RICHARD LISCIA

 

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