Un plan prudent

Le choix de Macron
(Photo AFP)

Ce n’est pas dans l’enthousiasme qu’Emmanuel Macron a annoncé son plan de déconfinement, qui s’étale sur deux mois. Les inconnues de sa stratégie sont assez nombreuses pour qu’il envisage d’en arrêter éventuellement l’application.

IL S’AGIT principalement de soulager les salles de réanimation, saturées depuis longtemps, tout en donnant une chance de survivre aux activités économiques particulièrement sinistrées (loisirs, voyages, hôtellerie, culture, restaurants et boîtes de nuit). Mais la France ne réunit pas les conditions permettant un retour au statut antérieur à la pandémie. Les autorités sanitaires sont parvenues à accélérer sensiblement la vaccination et les patients présentant des symptômes de co-morbidité seront vaccinés en premier. D’aucuns préconisent le libre accès à la vaccination des personnes, quel que soit leur âge, mais on ne peut exclure que cette méthode créerait de fortes inégalités dans la population. Le président en est donc resté à son credo qui est de réduire la mortalité et de soulager les hôpitaux.

L’humilité du gouvernement.

Le gouvernement fait donc preuve d’une certaine humilité, conforme à l’état des connaissances et induite par la présence sur notre territoire de plusieurs variants, dont le variant indien, particulièrement contagieux, dont cinq cas ont été détectés. Il a rejoint le concept de passe sanitaire, document qui autoriserait les vaccinés ou les voyageurs testés à se quitter la France et à y revenir. De fait, le chef de l’État a donné hier à ses concitoyens une série de gages, limite des 10 kilomètres supprimée, couvre-feu diminué puis aboli, réouverture progressive et prudente des restaurants, mais en conservant, comme arme ultime, la suppression de ces mesures libérales, si le nombre de personnes contaminées ne diminue pas. Or, à ce jour, il n’a pas diminué, il est resté à un plateau élevé, dans un contexte où les affres du Brésil et de l’Inde invitent à moins de libéralisme et plus de contrôles.

Le rôle du tourisme.

Si l’exécutif prend des risques, c’est aussi parce que la situation économique et sociale n’est pas florissante, la croissance au premier trimestre ne dépassant pas 1,4 %, alors que l’inflation atteint 1,6 % en Europe (performance cependant supérieure à celle de l’Italie et surtout de l’Allemagne, dont le PIB a reculé d’1,7 %). Le tourisme joue un rôle important dans le développement économique en France, de sorte qu’un répit accordé à l’industrie touristique pourrait améliorer le pourcentage de croissance. Dans ce tableau, le plus urgent, c’est l’accélération de la vaccination, qui n’est pas le point le plus faible de l’action gouvernementale. C’est pourquoi le sempiternel débat sur ce qui est fait, ce qui aurait dû être fait ou n’a pas été fait est plus oiseux que jamais ; attendons plutôt les effets d’une stratégie rationnelle, à savoir la baisse de la pression que la pandémie exerce sur le pays, ce qui suffira à avaliser les choix du gouvernement.

Quelques motifs d’espoir.

Plusieurs éléments concourent à l’espoir national : l’arrivée de l’été qui devrait faire reculer le virus ; la généralisation territoriale et par tranches d’âge de la campagne vaccinale ; les capacités suffisantes en doses de vaccin ; le reflux de l’hostilité populaire au vaccin. Le temps a fait son œuvre : ce qui semblait incompréhensible aux Français alimente désormais leurs conversations. On finit par trouver des spécialistes de la pandémie dans toutes les couches de la population. Cela peut faire sourire, mais, en même temps, les patients s’associent de la sorte, même s’ils en contestent certains aspects, à la vaccination.

Un progrès psychologique.

De sorte que les Français savent : les restaurateurs savent que là où l’on décèlera un cluster, l’établissement sera fermé ; les cinémas sauront qu’ils ont une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête ; les intégristes anti-vaccins ont de plus en plus le sentiment qu’ils courent un risque croissant. Tout a été fait sur le plan politique pour que le virus se transforme en instrument de division. Ce n’est plus le cas. Les plus âgés, ceux qui bénéficiaient d’une priorité vaccinale, n’ont plus d’excuse s’ils ne sont pas vaccinés. On entend de moins de moins de nos concitoyens traiter la pandémie comme une « grippette » et le Covid comme un virus inoffensif, tout en excipant d’une « liberté » dont ils oublient qu’elle ne doit pas conduire au suicide ni menacer celle des autres. Les progrès sont donc plus psychologiques que sanitaires. Mais qu’est-ce qui n’est pas psychologique aujourd’hui ?

RICHARD LISCIA

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