La droite dans le désarroi

Sophie Cluzel
(Photo AFP)

En multipliant les conditions au rassemblement, en Paca, des forces LR et d’En Marche annoncé il y a quelques jours par le Premier ministre Jean Castex, les Républicains s’offrent le vain espoir de sauvegarder leur liberté d’action. Ils n’empêcheront pas cependant la recomposition des partis politiques qui, si elle n’est pas visible lors des régionales, deviendra une nécessité lors des présidentielles et législatives de 2022. 

EN 2017, l’irruption du candidat Macron dans la campagne électorale induisait à la fois le changement et la voie à suivre. Les Républicains ont tout fait pendant quatre ans pour retarder la recomposition, les alliances de circonstance, et la lutte contre les extrêmes. Leurs efforts ont produit des effets. LR dominera les régionales en île-de-France, même si Valérie Pécresse a formé son propre mini-parti. Laurent Wauqiez est indéboulonnable en Rhône-Alpes. Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand a de très fortes chances de vaincre le Rassemblement national, sans l’aide de LR, et en allant joyeusement à une bataille pour lui vitale car sa candidature à la présidence en dépend. Si le problème s’est vraiment posé en Paca, c’est parce que Renaud Muselier sait qu’il risque d’être battu par le RN et qu’une alliance, dès le premier tour, avec la République en marche lui permettrait de se maintenir à la tête de la région.

« Trahison ! »

Au nom de l’intégrité de LR, les ténors les plus à droite du parti, comme Éric Ciotti ou Bruno Retailleau ont dénoncé ce qu’ils ont appelé une « trahison » mais ne représente rien d’autre que l’honnête constat du rapport de forces dans la région. À partir de là, s’en est suivi une épisode peu glorieux, qui a permis à M. Muselier de ne pas être exclu de LR mais l’a contraint à faire à moitié l’expérience envisagée. Il faudra que Sophie Cluzel, secrétaire d’État aux Handicapés, quitte ses fonctions ministérielles si elle veut rester sur la liste Muselier. On ne voit pas bien ce que ça change, mais, dit-on chez LR, « l’honneur est sauf ». Comme si l’honneur déterminait l’action politique. Mais, entretemps, le maire de Toulouse, Hubert Falco, a quitté LR, celui de Toulouse, Jean-Louis Moudenc, LR, n’est pas hostile à une union des forces démocratiques contre les extrêmes et, à Nice, Christian Estrosi, qui souhaite obtenir un maroquin, entretient de bonnes relations avec Emmanuel Macron.

La droite se bat contre son avenir.

On peut donc considérer que, d’une certaine manière, la droite se bat contre son avenir. Elle se défendra fort bien aux régionales, elle est assurée de perdre la présidentielle. Même Xavier Bertrand, qui n’est plus LR, mais est perçu comme son représentant, ne semble pas en mesure de se qualifier pour le second tour. En tout état de cause, LR n’a comme espoir présidentiel qu’un homme qui a quitté ce parti, mais refuse toute forme de rapprochement avec la REM. Rapprochement qui, avant même d’être accompli, divise déjà les macronistes de gauche  : ils ont compris l’évidence, à savoir que le pouvoir se droitise et cherche beaucoup moins qu’en 2017 à réussir le parfait équilibre entre éléments de gauche et éléments de droite. La vérité est que, même à gauche, il y a des hommes et des femmes prêts à faire un bout de chemin avec le président, Manuel Valls par exemple.

La majorité invisible.

Il y a en France un noyau large de gens qui ne veulent ni de l’extrême gauche ni de l’extrême droite. Ils forment une majorité invisible, mais seulement parce que LR estime que Macron lui a arraché ses chances en 2017. C’est une analyse franchement ridicule. LR avait perdu dès le rassemblement du Trocadéro, à la fin de 2016, en sacrant François Fillon, alors que, de toute évidence, l’ancien Premier ministre ne passerait pas le cap judiciaire. Certes, Macron en a tiré avantage, de même que le renoncement de François Hollande en novembre 2016 a donné des ailes à sa candidature. Mais ce qui est épisodique dans l’affaire n’est pas déterminant. Les Français sont peut-être déçus par Emmanuel Macron, mais ils sont toujours à la recherche d’un président centriste, réformateur, défenseur acharné des institutions et doué d’assez de sang-froid pour résister à la diffamation permanente.

Deux partis.

En 2021, comme en 2016, cet homme providentiel, qu’on le dise ou non, c’est Macron. Ce à quoi nous assistons, c’est l’explosion d’une étoile, c’est la pulvérisation d’un système trop anachronique pour survivre. Macron en a eu l’intuition (sa meilleure qualité) et les faits l’ont vérifié. Il y a deux partis en France : les extrêmes qui vont des Verts e de Mélenchon jusqu’à Le Pen et les centristes qui rassemblent LR, une faible partie de la gauche et les macronistes. Il ne fait aucun doute que Marine Le Pen va réduire l’écart. C’est une question de conscience qui s’adresse à chaque homme ou femme politique : la vraie question, est-ce le rôle de Sophie Cluzel, ou la prise du pouvoir par l’extrême droite, avec des conséquences historiques incontrôlables ?

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La droite dans le désarroi

  1. Sphynge dit :

    Pourtant, toutes les enquêtes montrent l’existence d’une large majorité de droite en France, représentée par le RN (qui n’est pas, ou plus, loin s’en faut, un parti d’extrême droite), la frange droite de LR et l’ensemble de la droite dite « hors les murs ». Les giscardiens de type Macron et les gauches étant, aujourd’hui, selon les mêmes enquêtes, minoritaires. Dans la situation de pré-guerre civile dans laquelle se trouve le pays, toutes les autres questions passent au second plan et la droite devrait faire élire facilement le président de son choix. Mais, la tactique de Mitterrand est toujours utilisée et fonctionne bien : toute alliance avec le RN est interdite de fait. Plus de trente pour cent de la population ne peuvent pourtant pas rester hors du pouvoir indéfiniment ; même les pires extrémistes – le PC – a fini par y accéder à la faveur d’un Programme Commun de Gouvernement, qui, s’il n’a pas été utile au pays, n’a quand même pas entraîné de catastrophe. Bien que ne votant pas pour les candidats du RN, on peut souhaiter que la démocratie ne soit pas indéfiniment repoussée. Tout bien pris en compte aujourd’hui, le RN en est probablement son meilleur défenseur.

    • D.S. dit :

      Je réponds à Sphynge: Je suis de droite et je voterai Macron en 2022.

    • D.B. dit :

      Le R.N. « meilleur défenseur de la démocratie » ? Depuis quand ? On ne les a pas encore vus à l’œuvre, et Dieu nous en garde ! Les « y’a qu’à -faut qu’on », « Macron dehors », téméraires pourfendeurs de tous les gouvernements (de Mitterrand à Hollande et Macron, en passant par Chirac et Sarkozy), que proposent-ils, à part faire intervenir l’armée ? Le RN se sent pousser des ailes lorsqu’on évoque le « délitement » et un risque de « guerre civile », exactement comme le patriarche J-M Le Pen s’était bien défoulé en Algérie pendant la guerre du même nom.

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