Biden sur tous les fronts

Liz Cheney
(Photo AFP)

Joe Biden entre dans le vif du sujet : il rencontre des difficultés sur le front intérieur (il a été contraint de limiter ses dépenses) et sur le front extérieur : il ne souhaitait pas intervenir dans le conflit israélo-palestinien.

LES AMBITIONS du président des États-Unis ne sont pas à la hauteur de ses moyens : il dispose d’une majorité très mince au Sénat au sein duquel un démocrate, le sénateur de Virginie-Occidentale, Joe Manchin, refuse de se plier à la discipline de son parti. Ce qui est suffisant pour empêcher l’adoption par la chambre haute d’un des plans fiscaux les plus ambitieux de l’histoire américaine. Biden a déjà réduit de 650 milliards le projet pharaonique de quelque 4 000 milliards qu’il veut consacrer à son nouveau New Deal. Sa référence, en effet, est moins Obama que Franklin Delano Roosevelt. Au Sénat, il dispose d’une majorité de 50 voix (contre 50 pour les Républicains) portée à 51 par le vote de Kamala Harris qui, en tant que vice-présidente, est automatiquement présidente du Sénat. De sorte que, si Manchin fait un caprice, les plans de la Maison Blanche s’effondrent.

Majorité fragile.

En même temps, c’est une présentation des faits un peu caricaturale. Joe Biden a 40 ans d’expérience parlementaire et diplomatique. Il a su par le passé convaincre des adversaires autrement plus belliqueux que M. Manchin. Son retrait de 650 milliards de dépenses (sur huit ans et seulement pour des projets infrastructurels, dont l’étalement dans le temps sera moins douloureux qu’une diminution des aides à l’emploi) montre qu’il s’achemine, dans tous ses projets, vers le compromis, y compris avec les Républicains. Mais la partie n’est pas gagnée. En effet, Donald Trump, l’adversaire qu’il a expulsé de la Maison Blanche, a réussi à renforcer son pouvoir sur le parti républicain. Il dispose de fonds considérables et s’apprête à lancer la campagne des législatives de 2022. Il veut faire en sorte que les démocrates perdent la majorité au Congrès.

L’éviction de Liz Cheney.

Trump a écarté tout républicain susceptible de lui faire de l’ombre. Il a maille à partir avec le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, mais celui-ci est indéboulonnable. En revanche, il s’est offert le luxe d’ôter à Liz Cheney, numéro trois du parti, les fonctions qu’elle avait à la Chambre des représentants. Fille de l’ancien vice-président de George W. Bush, Dick Cheney, Mme Cheney n’est pas une gauchiste, c’est une élue qui se situe à droite, notamment sur les questions sociétales. Elle est seulement hostile au mythe trumpiste d’une « vérité alternative ». Non, a-t-elle déclaré fermement, Trump n’a pas gagné l’élection de nombre 2020. Elle a été trahie par les siens, ce qui montre clairement que, désormais, tout le parti est à la botte de Trump.

Trump reste très puissant. 

La persistance d’un mouvement trumpiste vaste et puissant conduit les commentateurs à faire de multiples réserves sur les chances de Biden d’appliquer la majeure partie de son programme. Il ne faut pas perdre de vue, cependant, que si, pour Trump tous les coups sont permis, le programme des démocrates (hausse des impôts pour les plus riches et nouvelles mesures sociales) est au service de l’électorat le plus pauvre qui, jusqu’à présent, pensait que Trump était un bon président parce qu’il savait gagner de l’argent en tant que businessman. Cet électorat peut changer de point de vue l’année prochaine car c’est pour son intérêt que sont mises au point les mesures de Biden.

Des Insoumis américains.

On insiste aussi sur la fronde des démocrates de gauche. De Bernie Sanders à Alexandra Ocasio-Cortez, ce sont, en quelque sorte, les Insoumis de Biden et ils ont pris prétexte du conflit Israël-Hamas pour réclamer au président une politique plus stricte à l’égard d’Israël et plus compassionnelle à l’égard des Palestiniens. Le chef de l’exécutif, agacé par Benjamin Netanyahu qui l’a obligé à réitérer son soutien au droit d’Israël de se défendre,  a assez d’expérience pour caresser ses gauchistes dans le sens du poil. Et peut-être leur faire remarquer qu’ils ont sur le conflit israélo-palestinien une grille de lecture qui n’est pas la bonne. Il y a au Proche-Orient un conflit militaire, puis religieux (ce qui en soi est déjà un désastre puisqu’on n’arrive jamais à un  résultat par la religion), mais il ne s’agit pas d’une crise raciale. Jusqu’à présent, juifs et musulmans vivaient en  bonne intelligence ; il est impossible de distinguer un juif séfarade d’un arabe ; de très nombreux Noirs venus d’Éthiopie, ou leurs enfants, se sont intégrés à la société israélienne. Israël n’est pas un pays où l’on doit crier « Black lives matter ! », les vies noires y comptent déjà.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Biden sur tous les fronts

  1. Laurent Liscia dit :

    Très exact. Ce que je vois, c’est plutôt une subtile partie d’échecs où les citoyens américains sont pris à témoin: « Voyez, je compose, mais les républicains ne sont pas flexibles », nous dit Biden. Ceci oblige littéralement les républicains à proposer à chaque initiative de Biden une alternative, par exemple sur son projet infra-structurel, puisque personne aux Etats-Unis n’est contre la réparation des ponts et chaussées! Même pour la constitution d’une commission d’enquête sur l’insurrection du 6 janvier, qui nuira forcément à Trump et à ses supporters, les républicains sont dans l’embarras car une très forte majorité d’Américains n’a jamais digéré cet incident. Biden est très malin, et finalement sincère. Quant à la politique étrangère, il s’en contrefiche. Les chantiers nationaux sont prioritaires.

    Réponse
    Bien vu, donc j’approuve.
    R.L.

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