Mourir pour le Mali ?

Macron en Afrique
(Photo AFP)

Dans un entretien avec « le Journal du dimanche » (JDD), hier, le président de la République a menacé de rapatrier les troupes françaises engagées au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane si la junte  au pouvoir, qui a procédé à deux coups d’État en neuf mois, persiste à vouloir négocier avec les djihadistes islamistes.

LES DÉCLARATIONS du chef de l’État ne sont pas surprenantes. L’irruption des généraux maliens dans la gestion du pays a été contestée par la France qui en a dénoncé la légalité. En outre les cadres militaires ont une approche nouvelle de la longue crise provoquée par le terrorisme : ils envisagent d’ouvrir un dialogue avec les différents groupes qui menacent la stabilité de l’État malien. Deux problèmes s’additionnent : le premier est la longueur du conflit qui a commencé avec l’envoi d’urgence, en janvier 2013, d’une force française qui a repoussé une colonne terroriste. Celle-ci, après avoir occupé Tombouctou, s’approchait dangereusement de Bamako, risquant de balayer le pouvoir. La France n’est intervenue qu’à la demande du Mali. Nul ne pouvait prévoir que notre engagement dans ce pays africain durerait huit ans, avec certes quelques résultats sur le plan militaire mais sans avoir apporté la stabilité démocratique dont il a besoin pour se défendre contre des combattants venus de l’étranger.

Un malaise croissant.

Il en est résulté un malaise : de plus en plus, la population ressent la présence française comme une atteinte à sa souveraineté, alors qu’à aucun moment, les opérations de notre armée ne se sont dispensées de l’aval des autorités politiques à Bamako. Notre action militaire nous expose à des sacrifices : nous avons perdu plus de cinquante militaires en huit ans et Barkhane nous coûte environ un milliard d’euros par an. Il n’est pas question que de tels sacrifices soient consentis au détriment des relations entre Paris et Bamako et c’est pourquoi, non sans agacement, M. Macron s’est déclaré disposé à envisager un retrait de nos troupes.

Un échec.

Du point de vue politique, ce serait néanmoins un échec : Macron et François Hollande n’ont cessé de répéter qu’en se battant au Mali, nos troupes assuraient aussi la sécurité de la France et de l’Europe. Ce discours a gagné en force et en gravité tant que nous assurions la stabilité politique du pays. C’est le deuxième problème : la facilité avec laquelle les militaires ont mis à bas, deux fois en neuf mois, le pouvoir politique, leur prétention à se présenter comme les vrais représentants du peuple malien, les vains espoirs qu’ils nourrissent d’un dialogue constructif avec de multiples mouvements voués à mettre le Mali sous coupe réglée ont complètement désorganisé une stratégie qui, si elle n’a pas pu éliminer la subversion islamiste, l’a quand même cantonnée hors des grandes villes. Nous n’avons pas envoyé au Mali un corps expéditionnaire de plus de 5 000 hommes pour nous soumettre aux caprices de généraux parfaitement impuissants à éradiquer le terrorisme mais capables d’avoir des projets politiques dont l’idée centrale est de donner par la négociation ce qu’ils refusaient  de céder par la force.

Conséquences négatives.

Les conséquences d’un départ français seraient profondément négatives : il ouvrirait la voie à une invasion du Mali qui a été évitée de justesse il y a huit ans ; il menacerait d’effondrement toute l’Afrique occidentale ; il permettrait à une force islamiste installée confortablement à Bamako de faire des projets d’attentats en France et en Europe. Le gouvernement français souhaite vivement que les généraux s’effacent devant un pouvoir politique issu d’élections libres et exerçant démocratiquement la souveraineté du Mali. Nous n’avons jamais eu pour objectif de conquérir ne fût-ce qu’une parcelle du Mali. Nous y sommes allés pour protéger au contraire un système fondé sur les libertés et le droit. Cependant, il fallait tenir compte de l’usure produite par une présence trop longue de nos militaires au Mali : fatigue de nos soldats, lassitude d’une population prête à déceler des relents de colonialisme alors que nous avons lié leur sort au nôtre, incapacité des Africains de se défendre seuls, indifférence des Européens qui ne nous guère aidés dans la tâche protectrice que nous nous sommes attribuée et, en définitive, rôle néfaste d’une armée malienne impuissante contre les vrais dangers mais prompte à retourner ses moyens contre le pouvoir politique, et contre la France.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Mourir pour le Mali ?

  1. Laurent Liscia dit :

    Les Etats-Unis n’ont pas fait mieux en Afghanistan. C’est toujours le même choix pour tous les corps expéditionnaires : soit rester indéfiniment au Mali et faire face à l’instabilité locale; soit se retirer et livrer le peuple malien à ses bourreaux. Personne n’a trouvé la réponse à ce dilemme. On peut aussi se demander si la lutte contre le djihadisme ne commence pas plutôt en France, dans ces quartiers où même la police n’entre plus.

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