Zemmour candidat

Éric Zemmour
(Photo AFP)

Il ne l’a pas annoncé officiellement, mais c’est tout comme : Éric Zemmour brûle de se présenter à l’élection présidentielle. S’il maintenait son projet, il pourrait provoquer l’échec de Marine Le Pen dès le premier tour.

MME LE PEN n’avait pas besoin de cette concurrence inattendue : elle a subi une défaite aux élections régionales et départementales, victime, comme tous les concurrent,s d’une vague massive d’abstentions qui a démenti le principe selon lequel « les RN votent comme un seul homme ». Beaucoup d’observateurs voient dans la démarche de M. Zemmour une tentative suicidaire, puisque le dernier sondage en date le crédite de 5,5 % des voix. Mais, à dix mois de l’élection présidentielle, les chiffres vont forcément évoluer et, en tout état de cause, Marine Le Pen n’a pas besoin de perdre une partie des suffrages qui vont directement vers elle. À quoi s’ajoute une polémique bizarre : l’éditeur de Zemmour, Albin Michel, qui a déjà publié quatre de ses livres, rompt son contrat avec lui, sous le prétexte qu’il est devenu un homme politique et non plus essayiste. Comme si les politiciens ne publiaient pas des ouvrages chez tous les éditeurs, étant entendu qu’ils expriment leur opinion et non celle des maisons qui fournissent le papier et l’encre.

L’ange Gabriel.

La cheffe du Rassemblement national souffrirait d’un déficit de radicalisation. En se dé-diabolisant, elle serait rentrée dans le rang centriste et il n’y aurait aucune différence entre ses thèses et celles de la droite classique. M. Zemmour aurait donc pour tâche de revivifier le RN dans le sens d’un programme plus sévère, plus à droite et plus susceptible de satisfaire ceux des électeurs qui sont obsédés par l’immigration et l’insécurité. Bref, c’est l’ange Gabriel qui descend sur terre pour dire à Mme Le Pen comment il faut rédiger sa profession de foi et comment il faut faire campagne. Ce qui est intéressant, c’est le cas classique d’une trahison au sein du même camp, si classique en politique, et parfaitement conforme à la vocation du RN, dont l’histoire est parsemée de coups de Jarnac, avec la sécession de Mégret, puis celle de Philippot, et maintenant celle de Zemmour.

Traître, mais avec sang-froid.

On note que celui-ci n’est pas membre du RN. Mais il ne saurait nier qu’il a des affinités avec Marion Maréchal, qui le laisse faire ce que, par décence et respect pour sa tante, elle n’ose pas faire. Ainsi Éric Zemmour revêt-il le costume du traître avec un sang-froid remarquable qui montre bien qu’en politique, il ne faut jamais nourrir de scrupules. C’est fascinant que ça arrive, mais ce l’est encore plus quand ça se passe au sein d’un parti où, il y a quelque semaines encore, Mme Le Pen régnait sans partage. Au crédit de M. Zemmour, si l’on peut dire, il faut bien reconnaître qu’il apporte une incertitude au sujet de 2022, après celles qu’ont apportées les régionales. Xavier Bertrand a parlé avec assurance d’un « match à trois », mais quels trois ? Ce ne sont peut-être pas ceux auxquels il pense. Dans les semaines et les mois qui viennent, les sondages feront le tri entre des candidatures multiples dont aucune primaire ne réduira le nombre.

La fin du « dégagisme ».

On n’ose pas imaginer un second tour entre Macron et Zemmour, mais qui peut dire jusqu’où peut aller la versatilité de l’électorat ? Il faut tenir compte de la fréquence de ce qu’on appelle le « dégagisme ». Les gilets jaunes ont voulu dégager Macron avant le milieu de son mandat. Voilà que Mme Le Pen est à son tour menacée.  Les élections régionales ont donné un coup d’arrêt au phénomène : il est vite devenu clair que les dégagistes ne croient pas aux élections pour satisfaire leurs revendications. En y réfléchissant, ce taux monstrueux d’abstentions était prévisible : c’est la politique et le fonctionnement des institutions actuelles que les dégagistes haïssent le plus. Ils se sont mis à l’écart, sans sembler se douter que, du coup, leurs thèses ont reculé, le « dégagisme » n’étant plus qu’un très mauvais souvenir, mais qui a permis tout de même l’avènement de Macron. Et c’est parce qu’ils sont déçus par le président qu’ils ne se sont pas rendus aux urnes.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Zemmour candidat

  1. D.S. dit :

    La politique est donc comme le foot, un jeu avec une bonne composante de hasard. Ainsi, une candidature non crédible est en mesure de bouleverser le scénario initial et de permettre la victoire d’un outsider, non favori au départ ? Seule parade : une élection à trois tours.

  2. anaxagore dit :

    Zemmour est tellement supérieur, pragmatique, visionnaire que c’est une chance pour notre pays.

    Réponse
    Vous me permettrez de ne pas être d’accord. Vous êtes en plein culte de la personnalité. Vive Staline !
    R. L.

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