L’art de la persuasion

Alexis Corbière
(Photo AFP)

La vaccination obligatoire de soignants fait l’objet d’un vaste débat en France. Le gouvernement prépare un texte à ce sujet, qui serait applicable à partir de la rentrée.

SUR LES soignants, il faut en tout premier lieu reconnaître le mérite de leur dévouement, salué naguère par les applaudissements de toute la population, le soir à 20 heures. Ils nous ont conquis par leur stoïcisme. Ils n’ont jamais démérité. Ils restent cette catégorie professionnelle que nous admirons, la dernière au monde que nous réprouverions. Ils admettent eux-mêmes qu’ils sont dans la contradiction : leur métier est de soigner et guérir, mais leur refus du vaccin fait peser sur leurs patients un danger inadmissible.

Des voix s’élèvent pour  que rien ne leur soit imposé, même s’ils sont 57 %, selon les sondages, à être immunisés. Les mêmes voix préconisent le dialogue et la persuasion. Mais la crainte du vaccin n’est pas de nature logique et cartésienne, elle est née du chaos social déclenché par la pandémie. De même, la vaccination obligatoire, notamment chez les enfants protégés contre diverses maladies susceptibles d’abréger leur longévité, existe. Il suffirait que la loi soit étendue au Covid-19.

Le problème n’est-il pas la discussion ?

Le problème ne vient pas du dialogue proposé. Il serait conforme aux règles qui régissent notre démocratie. Il vient de ce que le débat devient permanent, sans avancée vers une solution qui protègerait les patients, au moment même où la médecine craint une rentrée pénible avec un quatrième confinement dont nul ne saurait douter qu’il aurait des conséquences économiques et sociales catastrophiques. Il appartient au gouvernement, quel qu’il soit, de gouverner, donc de trancher ce nœud gordien. Collectivement, nous avons expérimenté des milliers de fois le dialogue, sans résultat. Personne ne peut dire que la question sera réglée par une bonne discussion et encore moins que les réfractaires seront enfin persuadés.

Le temps presse.

Si le respect des cas de conscience individuels fait l’objet d’une insistance largement partagée, le temps qui est accordé aux pouvoirs publics est court. À trop y réfléchir, il sera, tôt ou tard, submergé par la nouvelle épidémie, annoncée sobrement et avec consternation par le monde médical. Les résultats de la campagne vaccinale sont pourtant excellents. Ils se heurtent aux ravages causés par le variant indien dit D, très contagieux ; et à un ralentissement de la vaccination. Nous avons assez souffert de la pénurie de vaccins pour accepter de  ne pas atteindre l’immunité collective. Certes, il n’y a pas que les soignants et nous serions tout autant confrontés à l’échec si nous ne persuadons pas les catégories de personnes âgées de 18 à 60 ans, qui n’ont rien contre le vaccin mais ne trouvent pas le temps d’aller se faire vacciner, de passer à l’acte. On doit dire aussi que les campagnes radiophoniques et télévisées du gouvernement occupent un temps d’antenne suffisant, mais sans réel effet sur le comportement des classes d’âge concernées.

Un devoir civique.

La loi, si elle voit le jour, doit donc éviter de stigmatiser les soignants et s’adresser à tous ceux qui ne sont pas encore vaccinés. Une exploration brève dans le monde de la logique suffit à démontrer que la vaccination est un devoir civique. L’embellie a prouvé l’efficacité de la prévention. Ne pas la poursuivre serait absurde et dangereux. Les gens doivent se faire vacciner pour eux-mêmes et pour les autres et ceux qui ignorent ce devoir  devront se soumettre au texte de loi, qui pourrait être adopté par le Parlement dès ce mois-ci.

En réalité, la difficulté ne réside pas dans la peur que nourrissent les patients, mais dans un conflit entre élus, les pour et les contre. Ce matin encore, Alexis Corbière (France insoumise), prônait le dialogue le cœur sur la main, insistant sur une politique vertueuse digne de notre république. C’est bel et bon, mais en même temps, on peut discuter jusqu’à la dernière victime du virus. Il est facile de lui rétorquer que la liberté individuelle s’arrête là où elle menace la santé des autres.

Le Covid a cette seule qualité de nous concerner tous et de nous contraindre à nous unir. Il s’attaque aux puissants et aux misérables, aux riches et aux pauvres, à ceux qui veulent être protégés et ceux qui ne le veulent pas. On peut tout dire des inégalités en France, on ne niera pas que nous sommes tous covidables.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à L’art de la persuasion

  1. Laurent Liscia dit :

    Une incohérence fondamentale qui ne paraît pas passible de débat. On peut certes permettre le « cas par cas », mais dans le cadre d’une obligation professionnelle. Vaccin obligatoire d’abord. Discussion ensuite.

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