La diplomatie du retrait

Biden se veut rassurant
(Photo AFP)

Joe Biden a répété hier que l’armée américaine aura évacué l’Afghanistan à la date du 31 août. Le même jour, les Talibans annonçaient qu’ils avaient pris un poste-frontière important.

LE RETRAIT américain des Proche et Moyen-Orient ne date pas de Biden, mais de Barack Obama, dont le retour à l’isolationnisme a été poursuivi par Donald Trump. La vérité est donc que le désengagement est devenu l’axe de la diplomatie des États-Unis. Ceux des partenaires de l’Amérique qui dénoncent sa « lâcheté » sont souvent ceux qui reprochaient le plus vivement à Washington son interventionnisme militaire. On  se souvient, par exemple, que la France s’est opposée très vivement à l’ONU à l’expédition militaire américaine en Irak en 2003. Il s’agissait, selon George W. Bush, de découvrir et éliminer des armes de destructios massive que personne n’a trouvées. Il y avait un démocrate afghan, le commandant Massoud, qui combattait les Talibans, il a été assassiné deux jours avant l’invasion américaine. Vingt après une guerre cruelle qui se poursuit encore, le bilan est affreusement lourd, pour les Américains et pour les Afghans.

Négocier et conquérir.

Les négociations entre Afghans au pouvoir, Talibans et Américains, qui se sont déroulées sous auspices arabes, n’ont donné aucun résultat. Pour les Talibans, le temps de négocier est aussi celui de la conquête. Le dialogue n’est qu’une duperie puisqu’il augmente la portion de territoire dominé par les Talibans et l’exercice de la Charia. Le départ des Américains n’est donc pas glorieux. La création d’une force militaire gouvernementale n’a été d’aucune utilité. Pourquoi les soldats afghans ne se battent pas, tandis que les Talibans sont d’une cruauté indescriptible, cela est incompréhensible. Mais Joe Biden doit à la vérité de dire, contrairement à ce qu’il a fait hier, qu’une fois les Américains partis, les Afghans seront sous la coupe d’un de ces régimes dictatoriaux dont l’Orient a le secret. Il rejette la comparaison avec le Vietnam, que les derniers Américains ont quitté en 1975 en allant rejoindre un hélicoptère placé sur le toit de leur ambassade. Le terrible épisode afghan, pourtant, ressemble fort à ce précédent. À quoi il faut ajouter que les États-Unis ont livré en Afghanistan leur guerre la plus longue, près de vingt ans, qu’elle leur a coûté mille milliards de dollars et de nombreux morts et blessés.

Afghanistan et Sahel.

Les guerres longues entraînent une fatigue chez ceux qui les livrent. Les États-Unis ne sont pas le seul exemple de lassitude. En France, l’engagement dans un conflit militaire est automatiquement associé à l’idée qu’il fallait éviter la guerre et faire en sorte qu’elle soit la plus courte possible, de sorte que le ver est dans le fruit. Le Sahel nous a contraints à intervenir. Nous nous y battons depuis 2013, nous en avons assez, d’autant que nous n’y sommes pas les bienvenus et que la junte qui a pris le pouvoir a décidé de négocier avec les terroristes, ce qui a conduit le président Macron à exprimer un certain agacement. Nous sommes encore au Sahel, mais sommes décidés à réduire la voilure. Donc plaider pour le maintien de la présence américaine en Afghanistan n’a de sens que, si parallèlement, nous restons au Mali.

Sombre avenir.

Mais le plus important est l’avenir de l’Afghanistan : il est très sombre. Or le peuple afghan ne mérite pas le sort auquel le destinent l’irrédentisme et le fanatisme. Il y a, en Afghanistan, des jeunes gens éduqués, civilisés, occidentalisés qui ne supporteront pas le régime des Talibans et se dresseront sans  doute contre lui avec des conséquences terribles. La responsabilité des Américains dans leurs aventures en Irak et en Afghanistan était immense ; elle est terrible dans la défaite. Car il faut donner un nom à ce qui se passe dans ces pays où, assez brusquement, les Américains ont changé leur fusil d’épaule et abandonné à leurs ennemis des peuples qui ont emprunté leurs us et coutumes et leur vision des choses.

Il ne s’agit pas, ici, de donner une leçon à M. Biden. Ce qu’il constate, c’est qu’une guerre de vingt ans n’a produit aucun résultat positif et qu’il faut savoir la terminer. Mais combien d’erreurs psychologiques, morales, intellectuelles ont-elles été commises pour que les Afghans, à ce jour, ne soient pas en mesure de maîtriser leur destin, de refouler et éliminer les Talibans, et de faire de leur pays une démocratie parlementaire ? À la lâcheté américaine, s’ajoutent l’incompétence et la corruption des dirigeants de Kaboul. Combattre les terroristes ? Certainement. Mais combattre aussi ceux qui ont tout obtenu des États-Unis et n’en ont rien fait.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à La diplomatie du retrait

  1. Laurent Liscia dit :

    « Mais combattre aussi ceux qui ont tout obtenu des États-Unis et n’en ont rien fait. » Exactement. Cette classe politique afghane corrompue qui se moque de son peuple. Même situation au Mali… On peut aussi se souvenir qu’a la source de tous les mouvements chi’ites on trouve l’Iran. Peut-être est-il temps d’adopter une politique beaucoup plus ferme envers cette puissance cynique et dangereuse.

  2. Michel de Guibert dit :

    Il faudrait aussi s’indigner des interprètes afghans au service de la France qui ont été abandonnés et ont subi le sort des harkis en Algérie…

    Réponse
    Je note que Biden a ouvert les bras à tous les Afghans compromis avec les Américains.
    R. L.

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