L’horreur migratoire

Des rescapés
(Photo AFP)

Vingt-sept personnes sont décédées au cours d’un voyage à travers la Manche. Elles tentaient de gagner l’Angleterre. Le nombre des victimes est quatre à cinq fois celui d’une année entière.

LA DIMENSION de la tragédie se passe de commentaires, ce qui n’a pas empêché les dirigeants français et britanniques de s’exprimer abondamment sur le sujet. Il est simplement inconcevable qu’un bateau aussi fragile et défectueux ait pu prendre le large avec autant de personnes à bord ; il s’agissait d’un suicide collectif, si l’on tient compte de la houle et du froid en cette saison ; le temps alloué aux éventuels sauveteurs est affreusement court ; les migrants paient cher aux passeurs pour qu’ils les conduisent non pas en Angleterre mais à la mort.

Larmes de crocodile.

Le drame s’est produit en un moment particulièrement délicat des relations franco-britanniques. Il existe d’abord un conflit sur la pêche, Boris Johnson refusant d’appliquer les engagements qu’il avait signés de sa main au bas du document qui scelle le Brexit. Ensuite, il a tenté de faire diversion en accusant la France de ne rien faire pour empêcher le départ des migrants, alors qu’il doit à notre pays plusieurs dizaines de millions censés financer les opérations de surveillance des côtes françaises. C’est dire à quel point l’affaire se déroule dans un contexte minable, de gros sous, de rivalités nationales, de mauvaise foi britannique. « Nous ne laisserons pas la France devenir le cimetière des migrants », a déclaré Emmanuel Macron, sur un mode quelque peu dérisoire si l’on tient compte du carnage. Quant à M. Johnson, il verse des larmes de crocodile, comme s’il n’avait jamais ressenti une telle souffrance.

Il fallait s’entendre plus tôt.

Cependant, pour la première fois depuis le Brexit, Boris Johnson a tendu la main au gouvernement français avec la ferme intention de parvenir à un accord sur le problème, qui en est un de taille, puisque, depuis le début de l’année 28 000 personnes ont gagné illégalement les côtes anglaises. On ne saurait minimiser la pression exercée par le flux migratoire sur le Royaume-Uni, pays privilégié de tous les rêves africains d’évasion. Par ailleurs, quatre passeurs suspects ont été arrêtés, ce qui est une chose positive. Mais on ne comprend pas qu’il faille une catastrophe humanitaire pour que les dirigeants parlent enfin de dialogue et de coopération.

Un crime des passeurs.

En effet, ce n’est pas après le drame qu’il fallait réagir, mais avant. Certes, cette embarcation aura échappé à la vigilance des gardes-côtes français (et d’ailleurs pendant un temps court), mais il s’agit d’un crime puisque le bateau n’était pas en état de marche. C’est le temps qui aura manqué aux sauveteurs : traverser la Manche est toujours dangereux, à cause du trafic des navires et d’eaux agitées, mais en hiver, c’est un suicide. Quant aux passeurs, ils ne pouvaient ignorer qu’ils avaient fait une économie mortelle en choisissant ce bateau.

Examen de conscience.

Si on veut que reprenne l’examen du contentieux franco-britannique, on sera contraint de ne porter de jugement sur personne, même si l’opinion adresse la même critique aux Anglais et aux Français, ce qui est quelque peu injuste. Mais il est clair que la querelle franco-britannique prend un tour dangereux. Les Français doivent admettre qu’ils ne peuvent pas changer M. Johnson, lequel, à son tour, doit comprendre que le cynisme, le mensonge, le populisme ne conduisent à rien dans ses relations avec l’Europe qu’il vient de quitter. Il est en train de prouver tous les jours qu’on ne peut rien faire avec lui parce que ses idées ne sont pas bonnes. Et viendra le moment où on ne verra en lui qu’un tueur de migrants.

RICHARD LISCIA

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