Macron, pour le moment

La partie continue
(Photo AFP)

Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, avec un score de 27,35 % des suffrages, devant Marine Le Pen, qui obtient 24 % des votes. Jean-Luc Mélenchon crée la surprise avec un score de 21,70 %.

ON N’EST pas surpris par les résultats car les instituts de sondages ne se sont pas trompés. Ils ont prévu la victoire de Macron, la qualification de Le Pen, ils n’ont pas prévu la percée de Mélenchon, qui s’inscrit à la troisième place, absorbant ainsi tout l’oxygène de la gauche. Les résultats sont encourageants pour le président sortant, mais seulement  s’il s’engage dans une campagne effrénée. Certes il reçoit publiquement des soutiens de candidats importants, comme Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Anne Hidalgo, ainsi que celui, désormais crucial, de Mélenchon, mais il faut compter avec les 7 % d’Éric Zemmour, qui a appelé ses électeurs à voter au second tour  pour Marine Le Pen.

Le canevas de 2017.

On peut dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et que les Français ont eu droit, bien malgré eux, à une répétition du canevas de 2017, avec un duo Macron-Le Pen. Mais il est plus sérieux de croire à une déroute durable de la droite et de la gauche classiques, à une ascension irrésistible de l’extrême droite, à une fragilisation du pouvoir en place, qui, lui aussi, doit se renouveler. Valérie Pécresse, à 4,73 %, n’atteint pas la limite des 5 % qui lui aurait apporté le soutien financier de l’État. Et il en va de même avec Hidalgo (1,70 %) et Yannick Jadot (4,49 %), alors qu’un candidat aussi « petit » que Lassalle obtient tout de même  3,23 %. On assiste donc à un éparpillement sans précédent de l’électorat qui invite au pire, le régime des partis et le scrutin à la proportionnelle.

La faute de LR.

L’Élysée ne peut pas ignorer la fragilité de la position d’Emmanuel Macron. Avant que nous nous lancions tous sur les perspectives d’avenir et l’inévitable reconstruction de la gauche et de la droite, il faut finir l’élection et les démocrates doivent voter pour Macron comme un seul homme au second tour. C’est la seule manière de sauvegarder nos fondamentaux démocratiques. Il ne faut pas se tromper non plus d’analyse. Hier soir sur la deuxième chaîne, on pouvait entendre Rachida Dati accuser Macron d’avoir favoriser l’ascension de l’extrême droite alors qu’il s’était engagé à l’éliminer. S’il n’a pas accompli cet exploit, c’est en réalité parce  que les caciques de LR ont tout fait pour combattre le président, pour le désigner à la vindicte populaire, épargnant ainsi les deux extrêmes droites. Il n’y a pas eu de jour pendant les cinq années du mandat présidentiel où LR n’ait lancé une offensive contre le président, sous la forme d’un faux scandale ou en poussant des cris d’orfraie disproportionnés par rapport à la faute commise. À la décharge de Mme Dati, il faut reconnaître qu’elle a appelé à voter Macron.

Un noyau dur.

Macron est menacé, mais ceux qui ont un soupçon d’objectivité, reconnaîtront que ce président lardé de cicatrices, qui a eu à surmonter les grèves massives à la SNCF, les gilets jaunes, l’épidémie de Covid 19, a gagné brillamment le premier tour, là où d’autres auraient été lessivés par le cumul des crises. Ce qui lui nuit le plus, c’est ce noyau dur d’électeurs qui le haïssent au delà de toutes les qualités possibles et imaginables dont il puisse faire preuve. C’est le paradoxe d’une mentalité française qui regarde Marine Le Pen et ses chats comme une diva de magazine féminin, mais réserve à Emmanuel Macron sa haine la plus épaisse, la plus destructrice, la moins raisonnée. Peu de gens, en dehors de ces quelque 30 % qui osent voter Macron, restent obstinément opposés au président, quoi qu’il fasse ou dise et à peu près personne n’a la moindre gratitude pour son prestigieux plan de relance post-Covid qui a protégé le patrimoine de tous les Français, riches et pauvres.

Le choix de chaque électeur doit être respecté, sinon le régime ne serait pas démocratique. Mais le seul moyen de ne pas craindre l’ascension de l’extrême droite et de l’extrême gauche, c’est de les combattre farouchement sans faire de quartier. Ils ne se gênent pas, pour leur part, pour nous dire ce qu’ils réservent aux démocrates si par extraordinaire Le Pen bat Macron le 24 avril. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi nous leur ferions le cadeau de notre mansuétude. Les adversaires sont devenus des ennemis ; la bataille des idées s’est transformée en guerre au finish (il suffit de compter les victimes du séisme électoral); nous devons repousser la bête immonde.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Macron, pour le moment

  1. mathieu dit :

    Tout à fait, d’accord, la position de la droite classique pendant 5 ans a été un contre-sens historique, mais pour elle (à tort) la seule façon de survivre face à un président qui lui a siroté l’intégralité de son programme de 2017, son ADN politique.
    Pour le reste, « bête immonde » me paraît un poil excessif pour qualifier la mémère à ses chatons! Populiste, dépourvue de réalisme économique, versatile et sans vraie structure mentale politique, changeant de programme tous les 5 ans, sans colonne vertébrale certes, danger pour la santé économique du pays et sa position internationale, sûrement! En revanche je n’ai pas cru déceler dans son programme (qui, je le reconnais, n’est pas mon livre de chevet) de pogrom antisémite, de « remigration » massive, de prise d’assaut de l’Assemblée nationale, de préparation de lois d’exception, d’interdiction de l’islam en France, de mutation vers un État policier, marques classiques de l’extrémisme (de droite ou de gauche), dont il faudrait maintenant accuser 49 % des Français?… mais peut-être suis-je bien naïf !
    Je pense humblement que cette « rediabolisation » excessive, carte que semble vouloir jouer le président dans sa campagne de second tour, est surannée, et exaspère ces 50% de Français qui par réaction s’apprêtent (ils vont sûrement, et heureusement, se « dégonfler » dans ces deux semaines) à voter pour ce prétendu « extrémisme » le 24 avril.

    Réponse
    Marine Le Pen n’est pas une bête immonde. Mais ce qui grouille dans son parti et chez Zemmour qui va voter pour elle, cela fait beaucoup de gens dangereux.
    R. L.

  2. Doriel Pebin dit :

    Merci pour cette analyse. Chaque Français républicain et démocrate doit lire très attentivement le programme de Marine Le Pen qui nous endort avec ses histoires de chat ! En réalité, elle s’inscrit clairement dans la lignée d’Orban et des régimes illibéraux avec une volonté affichée de sortir clandestinement de l’Europe en modifiant la constitution (lire Le Monde d’hier qui se réveille enfin et sort de son sempiternelle anti-macronisme primaire). Par ailleurs, qui et où sont ses alliés en dehors de Zemmour, qui n’a pas arrêté de la critiquer pendant toute la campagne ? Nombre d’ex-amis importants de Marine Le Pen ont de fait viré leur casaque pour aller chez Zemmour. Cela témoigne de la qualité de l’entourage de Mme Le Pen. Va-t-on laisser une TPE incompétente, n’ayant exercé aucune fonction de responsabilité à un haut niveau, devenir présidente ? Poser la question suffit à y répondre. Les démocrates et les républicains de droite et de gauche (notamment) ont une responsabilité majeure dans ce second tour. Le monde périra par ceux qui regardent sans rien faire disait Einstein. Ne l’oublions jamais. Les passions tristes (colère, haine, ressentiment, peurs…) largement entretenues par les extrêmes, nous conduiront à des catastrophes civiles et économiques. Donnons les clés de la République à des personnes compétentes ayant exercé un minimum de fonctions régaliennes. Voulons-nous réellement que la France soit l’alliée de Poutine comme Orban, le grand ami de Mme Le Pen qui a déclaré que l’Europe et M. Zelensky étaient ses ennemis ? Un minimum de rationalité dans ces océans d’émotionnel et d’infox seraient les bienvenus. Après, il sera trop tard. Il faut se réveiller et sortir de cette paresse intellectuelle et égocentrée qui caractérise la France contemporaine.

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