Populisme contre démocratie

Ce qu’il y a sous le sourire
(AFP)

La campagne du second tour s’accélère, s’électrifie et expose deux visions diamétralement opposées : celle d’une candidate RN qui veut remettre le référendum au goût du jour et celle d’un président sortant qui défend à la fois son bilan et les institutions.

LES JEUX ne sont pas faits. Le premier sondage effectué au lendemain du premier tour montre que, si Emmanuel Macron dispose d’une avance, elle est courte : le rapport de forces est de 52,5 %/ 47,5 %. Il peut encore s’inverser. Les reports de voix feront la différence. M. Macron a reçu le soutien de Nicolas Sarkozy et de Lionel Jospin ainsi que du parti centriste UDI, qui se situait dans l’opposition. D’une façon générale, le président candidat bénéficie d’une aura que n’a pas Mme Le Pen, qu’il s’agisse de la France ou de l’Europe. Mais on ne vote qu’en France et si Mme Le Pen continue à faire des promenades de santé, M. Macron affronte des manifestants qui lui demandent le remboursement de l’impôt sur la fortune. « Il n’est pas dans ma poche », a-t-il judicieusement répondu, en faisant remarquer par ailleurs que, si lui va au devant des foules et participe aux foires d’empoigne qu’elles déclenchent, son adversaire se contente de visiter les lieux sûrs où elle est plus souvent applaudie que contestée.

Le jeu de Marine.

Ces journées qui nous séparent du second tour seront donc très tendues, ne serait-ce que parce que la moindre erreur de communication suffira à assurer la défaite d’un des deux candidats. Nous ne sommes pas en 2017, à l’époque ou le wonder boy enthousiasmait la France et représentait une offre politique nouvelle. Le « dégagisme » qui  l’avait porté en tête des candidats il y a cinq ans le désigne aujourd’hui comme celui qui doit dégager. L’enjeu est d’une importance historique parce que le discours de Mme Le Pen est une sorte d’entreprise de démolition qui veut abattre la Cinquième République. Elle rassemble tous ses efforts autour de la personne honnie de Macron, mais hier encore encore, elle est allée plus loin, sous le prétexte d’instaurer une démocratie participative qui se passerait de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle est assurée de recevoir au moins les quatre cinquièmes des suffrages obtenus par Éric Zemmour, une petite partie des électeurs de LR et une grosse partie de ceux qui ont voté Mélenchon.

Un septennat et la proportionnelle.

Le débat sur la durée du matin et le mode scrutin a été vivement relancé, Marine Le Pen proposant un septennat, auquel Emmanuel Macron est lui aussi favorable. Le quinquennat qui précède les élections législatives n’est pas, effectivement l’idée la plus heureuse qu’a eue Lionel Jospin. Il a certes l’avantage de donner une majorité au nouveau président, mais il la ferme hermétiquement. Ce qui a provoqué, dans le cas de Macron, des frustrations populaires dont il a failli ne pas se relever. La proportionnelle, y compris l’intégrale, que le président sortant propose, est d’un autre ordre. Elle est par son essence, contraire à la stabilité politique que garantit la constitution. Elle restaure le régime des partis, la majorité introuvable et donc la déstabilisation politique.  Elle est vivement recommandée au nom de la justice, un certain nombre de partis étant privés d’une représentation suffisante pour peser sur la politique du gouvernement. Mais elle efface une injustice en créant les conditions du chaos et il faudra y réfléchir à deux fois avant de l’adopter, d’autant qu’il suffit d’une loi simple pour l’instaurer.

Si Mélenchon avait été le deuxième homme…

Le travail d’Emmanuel Macron consiste à décrire l’âme cachée de Marine Le Pen, ses objectifs secrets, sa répugnance pour l’Europe, sa complicité avec les populistes de l’union européenne, son mépris de l’euro, et plus que tout, son indifférence pour les lois, pour le droit et pour la valeur d’une vie humaine. Elle n’a été dé-diabolisée que grâce à Éric Zemmour, dont la surenchère a fait de Marine Le Pen une femme fréquentable, mais elle n’a jamais renoncé à ses propres idées. Pour la République, pour la démocratie, elle représente un danger de mort. Macron, lui, a toujours été, quoi qu’en dise la droite LR, un rempart contre la tentation lepéniste. On lui reproche d’avoir souhaité la réédition du second tour de 2017, mais c’est l’électorat, qui tout en tempêtant contre le déjà vu, a sélectionné le président et la cheffe du RN. Bien entendu, il aurait été préférable que dans la version de 2022, Jean-Luc Mélenchon fût le deuxième homme. Cela aurait calmé ceux qui exigeaient un changement.

…Il aurait perdu.

Mais le chef des Insoumis n’aurait pas été le plus difficile à battre. Les projections fournies par les enquêtes d’opinion le plaçaient dans un rapport 60/40 avec Macron. Du point de vue purement démocratique, cette configuration aurait été idéale. L’extrême droite aurait été repoussée dans ses retranchements par la défaite dès le premier tour ; le populisme gauchiste, de son côté, aurait subi un coup d’arrêt au second. Le verdict des urnes, le poids des nombres, l’arithmétique sont les clés du second tour. C’est un marathon au terme duquel il faut avoir le nombre le plus élevé, de manière à obtenir la victoire et la légitimité à la fois. Marine Le Pen ne peut pas réaliser cet exploit. Emmanuel Macron le peut encore, mais il doit se battre.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Populisme contre démocratie

  1. mathieu dit :

    Contrairement à un Zemmour, figé dans ses certitudes (jusqu’à sombrer dans une défaite annoncée), Macron est un pragmatique (vertu cardinale en politique), pour qui la victoire justifie bien des compromis, bien des renoncements. C’est habile, mais il ne faudrait pas que sa démagogie toute neuve l’éloigne par trop de la véritable mission que lui assigne le pays: stabilité et sauvegarde des institutions. Tout paraît négociable dans les 10 jours qui viennent, y compris le marqueur premier de la Vème: le scrutin majoritaire à deux tours. La proportionnelle intégrale devient envisageable. Il s’approche à petits pas lui aussi d’une VIème République! Comme l’a dit dans un sarcasme sa challenger: « À force de rapprochements à mon programme, il finira par voter Le Pen le 24 avril! ».
    Rappelons le fondement du système majoritaire: si un parti a du poids, des idées, un rayonnement, une assise populaire, il va naturellement trouver pour les assemblées législatives tous les talents qu’il mérite…et qui se feront élire sans mal dans leurs circonscriptions. Ce qu’a fait LaRem en 2017! Si Marine n’a pas de députés, ce n’est pas la faute du système, personne ne lui interdit de présenter 540 bons candidats, pour chacune des circonscriptions.

  2. Michel de Guibert dit :

    La réforme institutionnelle prioritaire serait le rétablissement du septennat, ce qui éviterait les confusions entre le président et le gouvernement et les confusions entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

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