Le désespoir des perdants

Mélenchon fait son devoir
(Photo AFP)

Comme à Waterloo, on observe une morne plaine jonchée de soldats tombés au champ d’honneur. On n’envoie plus les perdants sur l’île d’Elbe, ils cherchent un remède en empruntant des chemin empoisonnés à l’écart du parcours démocratique. 

LE PS négocie avec la France Insoumise, à la surprise douloureuse des socialistes. Qu’ont-ils en commun ? Rien. À la voie démocratique, dépourvue de tout risque de soumission, ils préfèrent l’alliance du pot de fer et du pot de terre. Chacun des camps joue, depuis longtemps, la même partition. Emmanuel Macron a un faible pour Beethoven, ce n’est pas un mauvais choix. Les Républicains répètent depuis cinq ans le même air éraillé et grinçant qui accompagne leur inéluctable déclin. Les écologistes sont devenus inaudibles. Éric Zemmour va écrire un livre, ça rapporte plus et ça éloigne de l’enfer politique.

Le désert des Tartares.

Les perdants n’ont pas le choix, pour deux raisons : la première, c’est qu’ils pratiquent une politique fondée sur une émotion si vive qu’ils en oublient le premier de leurs objectifs, survivre. Ils sont dans le désert des Tartares, et attendent la tempête de sable qui les emportera. La deuxième décrit un rapport de forces entre réserves de suffrages si distantes qu’elles les conduisent à l’impuissance. Christian Jacob est le chef d’orchestre du Titanic, il joue pendant que le navire s’enfonce dans les flots, ignorant qu’il existe au moins une chaloupe de sauvetage, le ralliement à Macron. Mais les passagers ne sont pas fous et, au moment des législatives, ils feront au moins des alliances de circonstance.

L’ogre insoumis.

Le désarroi des oppositions traduit une politique erronée depuis le début. Les LR n’ont pas compris que ceux des leurs qui faisaient défection n’étaient pas des traîtres, mais des réalistes. La direction du PS n’a pas compris que Mélenchon est un ogre qui avale un socialiste pour chacun de ses petits déjeuners et ne prétend organiser une « coalition populaire » que pour changer de République. Il peut, à la rigueur, obtenir le soutien  des communistes, il peut conclure un accord avec le PS, il n’aura pas leurs suffrages. Ceux-ci n’appartiennent qu’aux électeurs, il est temps de le rappeler, surtout quand on prétend, comme Mélenchon, être « élu » Premier ministre.

La gestion du malheur.

Il veut dire par là qu’il est en mesure de constituer un vaste parti qui aurait la majorité et forcerait le président à cohabiter. Mais, comme sœur Anne, il ne verra rien venir. Aucun signe annonciateur de la révolution qu’il appelle de ses vœux. Ce qui est d’ailleurs étrange, dans la mesure où, placés devant le choix Le Pen-Macron, les Français ont souvent boudé le scrutin, ignorant, les pauvres, que c’était s’engager quand même pour l’extrême droite. On pense à cette vague énorme, ce ras-de-marée de mécontentement, depuis les grèves à la SNCF aux gilets jaunes, en passant par la pandémie, qui a menacé très sérieusement le pouvoir. La victoire de Macron ne résulte pas seulement du nombre de voix qui se sont portées sur son nom, elle résulte aussi de sa capacité à surmonter des obstacles élevés.

C’est comme ça !

Qui l’a aidé, à part lui-même ? Pas ceux qui ont continué à dire, après leur déroute, qu’il n’était « pas légitime », pas bien élu, même s’il distançait de 17 points sa rivale du second tour. Pas ceux qui ont vu en lui une menace plus sérieuse que Le Pen ou Zemmour. Pas ceux qui se sont acharnés contre lui avec une mauvaise foi sans pareille et ont perdu parce qu’ils ont déçu leur électorat. Quand on parle à Daniel Cohn-Bendit,  soutien de Macron, de cette « fatalité » du duel Le Pen-Macron », il répond : « C’est comme ça ! ». Ce n’est pas un cri simplificateur, c’est la description des institutions qui nous contraignent et que les extrêmes veulent justement éliminer pour s’emparer du pouvoir.

Il faut un peu de chance.

Tout se déroule sur du papier à musique, fût-ce l’Ode à l’Europe. Pour un moment très bref, Emmanuel Macron ne pense pas à la tâche accablante à laquelle le scrutin l’a invité. Il lui faut un Premier ministre  qui allie charisme et efficacité et qui réponde à des critères affreusement nombreux. Une femme ? Une jeune ? Qui ait de l’allant et du charme, du dynamisme et de l’humour ? Il lui faut une majorité présidentielle mais ce ne sera pas le plus difficile car les partis d’opposition s’y entendent pour se faire hara-kiri. Il lui faut aussi de la chance, celle dont il n’a pas manqué depuis cinq ans. À moins qu’il soit ce président si contesté, mais aussi si habile, une sorte de judoka qui se sert de la puissance du malheur pour le renverser et le subjuguer.

RICHARD LISCIA 

 

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2 réponses à Le désespoir des perdants

  1. Doriel Pebin dit :

    Merci pour ces commentaires. Nous assistons, une fois de plus, à la défaite de l’intelligence par ignorance ou paresse. Macron est réélu largement. Mais curieusement, selon le buzz médiatique, la victoire est allée à Le Pen et Mélenchon ! La sempiternelle ritournelle « le peuple contre les élites » en est un autre exemple tout comme le « on n’a pas encore essayé Le Pen ou Mélenchon ». Comme le disait A Lincoln, « si n’aimez pas le savoir, choisissez l’ignorance ». Faites vous soigner par… un non professionnel de santé et tout ira bien ! Le soi-disant « mépris des élites » est très largement partagé par le soi-disant « peuple » vis à vis des élites. Il serait temps de changer de logiciel et de dialoguer et débattre de façon rationnelle. Ce sera difficile sinon impossible avec ces populistes de droite et (un peu moins) de gauche qui n’acceptent pas le verdict des urnes. Ils optent pour celui de la rue en vrais trumpiens. L’émotionnel est leur fonds de commerce, savamment entretenu et partagé via la colère, la peur, la jalousie et le ressentiment. Ces soi-disants « dirigeants » politiques ne vivent que dans leur silo et s’opposent à la démocratie. Continuez à défendre les libertés fondamentales et dénoncer ces apprentis fascistes qui réfutent les élections libres.

    Réponse
    Je continue.
    R. L.

  2. Dominique S dit :

    Après des oscillations de plus en plus rapprochées entre la droite et la gauche, il était logique que le métronome finisse par se stabiliser au centre. Mais quand Macron aura tiré sa révérence, on repartira peut être dans l’autre sens. En politique et contrairement à la Formule 1, le pilote a plus d’importance que la voiture.

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