Un match électoral

Le Real Madrid a battu Liverpool
(Photo AFP)

La finale de la Coupe des champions au stade de France, samedi dernier, a donné lieu à un retard de 45 minutes et à des troubles divers dont la police et le gouvernement sont comptables. L’extrême gauche et l’extrême droite dénoncent le traitement répressif d’un désordre qui semble avoir été déclenché par la présence de faux billets.

IL NE S’AGISSAIT PAS d’une manifestation et encore moins d’une émeute, mais d’un mécontentement des spectateurs qui n’ont pas été autorisés à pénétrer dans le stade parce que les contrôleurs ont décelé la présence de faux billets. Les supporters anglais, notamment, ont crié à l’injustice et le préfet, Didier Lallement, a ordonné l’usage de gaz lacrymogènes, comme s’il avait affaire à des black blocs. Il est possible, probable, que des jeunes gens de la Seine-Saint-Denis, attirés par la confrontation entre les services d’ordre et les spectateurs, aient contribué aux actes de violence. Visiblement, les policiers n’étaient pas préparés à la dégradation de l’atmosphère.

Incident diplomatique.

En tout cas, l’affaire est assez grave pour que les relations franco-britanniques en aient pâti, dans un contexte où elles sont mauvaises depuis le Brexit. Impréparation, incident diplomatique évitable, injustice à l’égard des porteurs de vrais billets qu’ils ont payés cher, les « troubles » de samedi ont eu un effet négatif qui sème le doute sur la capacité de la France à accueillir les jeux Olympiques en 2024. Bien, entendu, les ténors de l’opposition demandent des têtes, celle du préfet, du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et pourquoi pas ? celle du président de la République qui, en prenant la responsabilité de toutes les décisions gouvernementales, y compris l’organisation des matches de football, est devenu la cible ultime de ses adversaires.

Un cadeau à la gauche.

Il ne suffit pas, en effet, qu’il les ait battus à l’élection présidentielle. L’affaire n’aurait peut-être pas eu un tel retentissement si Jean-Luc Mélenchon n’avait pas fait des élections législatives (12 et 19 juin) une sorte de troisième tour électoral autour de la majorité absolue qu’il veut ravir au camp de M. Macron. Bref, le hasard et la fatalité viennent d’offrir à la France insoumise un cadeau inattendu dont elle entend bien faire le meilleur usage. Ainsi va la vie politique en France : depuis le début de la campagne électorale, il y a deux champs de bataille, celui des quatre scrutins décisifs et celui de la diffamation, qui couvre de plaies les candidats.

Un coup à l’autorité.

Un peu comme dans le « Portrait de Dorian Gray », le président réélu semble invulnérable aux coups portés. C’est seulement l’image qu’on a de lui qui se dégrade. Il affiche la même fraîcheur, le même dynamisme, la même indifférence aux polémiques, qu’elles soient réelles ou artificielles, qu’en 2017. Mais les succès donnent des ailes à ses ennemis, qui se demandent si cette fois n’est pas la bonne, si le coup ainsi porté à l’autorité de l’État, à la diplomatie française, à la réputation d’un pays qui se veut l’un des plus beaux du monde, ne ruine pas les espoirs légitimes d’Emmanuel Macron.

Le foot, c’est la violence.

Mais un match de foot, si important qu’il soit, n’a rien à faire dans le processus des élections et ce serait bien la première fois qu’un différend entre des partis politiques se règle dans l’enceinte d’un stade. Certes, le gouvernement a pris l’affaire très au sérieux et une réunion ministérielle a lieu ce matin pour adopter des mesures rassurantes, pour l’UEFA et les organisateurs des jeux Olympiques, mais pas nécessairement pour les oppositions politiques. À l’égarement d’un moment, succède en effet, dans la réflexion, l’analyse la plus durable : le foot, c’est la violence, elle peut surgir à chaque instant sous n’importe quel prétexte et les services d’ordre devraient s’en persuader. Le foot est, par certains aspects, une malédiction que ne sont pas d’autres sports, comme le tennis ou la natation. Le foot est une cocotte-minute parce qu’il fait bouillir jour et nuit les esprits et les âmes des supporteurs.

Rêve collectif.

Mais le foot est aussi un rêve collectif, de la même manière que les manœuvres de Jean-Luc Mélenchon correspondent à une vaste illusion. Les Français ne vont pas voter pour la Nupes à cause d’un match raté et encore moins pour le contenu du programme de la France insoumise. Si le rassemblement des forces de gauche est une idée forte et utile pour des partis à la dérive, il est bien improbable qu’il conduise à une majorité de gauche, dont le ciment s’effrite avant même qu’elle ait commencé à exercer le pouvoir. Cela n’empêche pas de se poser la question : qu’est-ce qui n’est pas politique en France, à part la politique elle-même ?

RICHARD LISCIA

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