Une Assemblée imprévisible

Le couple résiste
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a maintenu Élisabeth Borne dans ses fonctions de Première ministre, ce qui écarte tout projet de remaniement gouvernemental pour le moment, lui confie un remaniement ministériel et lui demande de négocier au cas par cas les prochaines réformes.

LE PRÉSIDENT de la République a renoncé à l’idée d’une coalition permanente rassemblant la majorité, LR et les centristes, pour la meilleure des raisons : aucun mouvement d’opposition ne veut prendre d’engagement avec lui. MM. Macron estime que la Nupes et le RN ne sont pas des partis de gouvernement, donc qu’il peut trouver une cinquantaine de sièges supplémentaires chez LR et à l’UDI. Il faut insister ici sur le scepticisme affiché des intéressés qui, en aucun cas, ne voudraient apparaître comme demandeurs de participation au pouvoir.

Une période compliquée.

C’est assez dire que nous entrons dans une période compliquée, pendant laquelle le pouvoir de persuasion de la Première ministre sera mis à l’épreuve et ralentira sensiblement son action. Il reste que Macron a fait le moins mauvais des choix qui s’offraient à lui : le maintien de Borne aura un effet apaisant et la recherche d’alliances éphémères et de circonstance ; il correspond exactement au message des électeurs qui ont accordé un second mandat au président mais ont refusé de le laisser gouverner seul. De sorte que empêcher une solution négociée sera mal vu par tous ceux qui ont cru que c’était possible.

Nupes et RN se plaindront.

Faut-il, comme eux, s’en réjouir ? On regrettera une majorité absolue qui aurait créé des lois rapidement ; on se félicitera de ce que le résultat du second tour des législatives et la réponse apportée par le chef de l’État privent les émeutiers et les casseurs de leur seul argument, le fait qu’ils ne soient pas représentés. Mais la Nupes et le RN, alliés par la même stratégie, se plaindront avec vigueur contre une majorité absolue qui redevient possible et leur interdit d’intervenir dans la marche des réformes.

Changer d’interlocuteur.

Le résultat des tractations qui ont duré une semaine est que la majorité relative de Macron, déjà chargée d’un agenda particulièrement difficile, sera contrainte, en toute circonstance, de soumettre chaque projet à une concertation avec des députés qui  auront parfaitement compris le rôle charnière qu’ils ont à jouer. De ce point de vue, peut-être ne serait-il pas absurde de changer d’interlocuteur quand c’est possible et s’adresser aux Verts,  aux socialistes et aux communistes pour varier les soutiens et montrer qu’ils ne viennent pas du même camp.

Une tactique déjà éventée.

Cela revient à dire que Mme Borne discutera des projets environnementaux avec les Verts et du nucléaire avec les communistes, pour ne prendre que ces deux exemples. Autrement, il y aura toujours des députés compréhensifs dans l’opposition. Il est cependant difficile de croire qu’ils n’auront pas compris le jeu du pouvoir. En définitive, cela dépendra de leur humeur, de leurs convictions et des sentiments que le président leur inspire. Avouez que l’équation est quasiment insoluble.

Il est probable que Mme Borne commencera par les sujets les plus faciles à traiter, par exemple le pouvoir d’achat, qui a besoin d’un investissement de l’État ; c’est certes une dépense, mais indispensable et pour laquelle le gouvernement devrait trouver un consensus parlementaire. Inversement, la retraite à 65 ans n’aura pas lieu et les ambitions contenues dans le projet de réforme du gouvernement devront être réduites.

Le rôle du Sénat.

Ce qui montre aussi qu’un recul de Macron sur un sujet de ce genre sera perçu par LR comme inacceptable et que le développement nucléaire sera vivement combattu par la Nupes. En réalité, la chambre va se déchirer sur les réformes, ce qui n’est pas nouveau. Ce qui le sera, c’est la capacité du Sénat de renvoyer à l’Assemblée des textes amendés qui seront mieux accueillis que s’ils viennent du président ou de la majorité.

Un signal sinistre.

L’opinion française sera exaltée par ce qu’elle considérera comme un surcroît de démocratie. Le problème, c’est le contexte, la guerre en Ukraine, l’urgence de l’environnement, le pouvoir d’achat, la dette, toutes crises qui exigent une réaction très rapide de notre gouvernement. Qu’on le veuille ou non, les électeurs ont envoyé un signal sinistre, celui d’un retour à la IVè République et au renforcement du Parlement. Les deux représentent l’exact contraire d’un régime présidentiel. De sorte que les sièges gagnés par la Nupes et par le RN se traduisent déjà par une réforme institutionnelle qui n’a jamais été discutée sur les bancs du Parlement.

RICHARD LISCIA

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