Une planète à bout de souffle

Fragile splendeur du monde
(Photo AFP)

Aujourd’hui 28 juillet est le jour où la Terre a épuisé les ressources qu’elle a offertes à l’humanité pour l’année. Pour les cinq mois qui restent, nous allons dévaster un peu plus la planète.

INUTILE de rappeler qu’il n’y a qu’une planète Terre et que toute alternative relève du fantasme des films de science-fiction. Inutile de souligner la distance existant entre les formules des gouvernements et l’action qu’ils entreprennent pour modérer l’usure de cette vaste machine à oxygène et à bienfaits de toutes sortes. Inutile de dire que nous avons été prévenus. Inutile de remarquer que nous commençons à comprendre, à cause des sursauts  effrayants du climat, que nous sommes physiquement menacés.

Producteurs impénitents.

Et pourtant, notre lutte contre la pollution est de faible intensité. D’abord, la valeur numéro un reste la production. Nous n’arrêtons pas de transformer des minerais en objets de consommation, depuis le téléviseur jusqu’à la voiture. Ensuite, peu de gouvernements accordent leurs actes et leurs promesses. Il suffit de noter cet épisode d’une Russie refusant de vendre son gaz et provoquant en Europe de l’ouest une panique, alors qu’il serait plus sage de se saisir de l’événement pour en faire une première expérience de la sobriété.

Guerre et pollution.

Là-dessus, voilà que la Russie décide de déclencher une guerre contre l’Ukraine. Il n’y a pas pire pollueur que la guerre : il faudra des décennies pour reconstruire l’Ukraine si seulement elle arrive à défaire son agresseur. Ainsi Vladimir Poutine, en se jetant sur l’Ukraine, nous-t-il raconté ce que pensent du réchauffement climatique ses collègues, les Xi, les Bolsonaro ou les Erdogan. Personne ne mentionne une évidence : on ne peut pas commencer sérieusement à lutter contre les gaz à effet de serre si cette lutte n’est pas unanime. La guerre en Ukraine n’est qu’une des plaies du monde. On se bat en Afrique et en Asie mineure, les budgets militaires augmentent, et les provocations se multiplient.

Sable précieux.

J’apprends ce matin que le sable, denrée vulgaire mais très abondante dans les déserts, commence à manquer. Pourquoi ? Parce que le sable désertique a un grain trop gros et que, pour la construction, la fabrication du verre et de certains composants électroniques, il faut le sable fin des plages. Elles ont été surexploitées, nous sommes confrontés à un début de pénurie. N’est-ce pas l’occasion unique de se tourner vers le bois ou d’autres matériaux ? On en est au stade l’exploration. Exemple édifiant : quand un produit vient à disparaître, nous n’essayons même pas de trouver une alternative, nous sombrons dans la panique, comme pour le gaz ou le pétrole.

Croissance, notre idole.

Soyons sérieux. Nous avons des idoles, ce sont la croissance, le plein emploi, la prospérité, tous plus polluants qu’une activité ralentie. On tient simultanément les mêmes discours, on glorifie la sobriété, pour ne pas dire l’ascèse, mais on applaudit des deux mains quand le PIB augmente. À l’aune de ces contradictions, il n’y a pas la moindre chance que l’humanité échappe à une chaleur intolérable à la fin du siècle. Le seul fait que nous mesurions encore le taux de chômage et la progression du PIB sans avoir un indicateur national, régional et mondial du réchauffement climatique montre que nous courons vers notre perte.

Du nucléaire… au charbon.

Nous sommes tous concernés, nous devrions donc être unanimes, mais il y a encore des dirigeants climato-sceptiques. De plus, nous ne faisons pas forcément les bons choix en chemin. Comment l’Allemagne, par exemple, a abandonné l’énergie nucléaire au profit du charbon est un cas d’école ; comment la France, face à la pénurie, rouvre une mine de charbon en est un autre. Nous n’avions pas terminé notre réflexion sur le nucléaire que nous fermions déjà Fessenheim. Nous avons négligé nos réacteurs atomiques, en voici à l’arrêt avant un hiver qui sera dur. C’est quoi, ce travail ? Comment se fait-il qu’une large fraction de notre production d’électricité d’origine nucléaire est à l’arrêt ?

Je ne me vois pas autorisé à terminer sur une note d’indulgence. Nous sommes collectivement coupables. Nous devons nous réveiller.

RICHARD LISCIA

PS- Cette chronique clôt la saison. Je prends trois semaines de vacances et vous retrouverai après le 15 août, si tout va bien.

R. L.

 

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3 réponses à Une planète à bout de souffle

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonnes vacances.
    Réponse
    Merci, à vous aussi.
    R. L.

  2. Lefrançois dit :

    Merci pour cet article extrêmement lucide.
    Il s’agit effectivement de se réveiller…avant que ce ne soient des cauchemars à répétition qui le fassent.
    Donc, continuez (dès que vous rentrez de vacances !) à crier aussi fort que possible tout ce que vous avez souligné dans l’article ci-dessus,
    Bien cordialement,
    Dr Jérôme Lefrançois
    Réponse
    Merci pour votre encouragement.
    Bonnes vacances.
    R. L.

  3. jean lecru dit :

    Votre article est intéressant et on ne peut qu’être d’accord avec vous.
    Mais je pense que vous ne parlez pas d’un thème majeur responsable de cette situation qu’est la démographie. Notre planète n’est pas prévue pour faire vivre plus de 7 milliards d’individus et la démographie est l’arme nucléaire de bien des pays peu avancés et pauvres.

    Réponse
    J’ai parlé de la démographie à plusieurs reprises dans le blog et dans le Quotidien. Mais on ne peut pas lui imputer une pollution qui ne disparaîtra que grâce à la discipline.
    r. L.

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