Erdogan change de camp

Erdogan et Zelensky à Lviv hier
(Photo AFP)

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a accompli, ces dernières semaines, un virage à 180 degrés de sa diplomatie : il a renoué ses relations avec Israël et contribué aux exportations de céréales ukrainiennes.

LES OCCIDENTAUX semblent avoir décidé de prendre Erdogan comme il est, c’est-à-dire imprévisible et versatile. Ils se sont bien gardés de le sanctionner pour des accrocs à la discipline de l’OTAN, son rôle en Syrie, ses ambitions en Libye. Ces derniers temps, il a bénéficié de son statut très particulier auprès de Vladimir Poutine pour obtenir un accord au sujet de l’exportation des céréales ukrainiennes, qui est essentiel. Il permet de donner des devises à l’économie de l’Ukraine et d’empêcher un famine dans le monde.

Il lâche Poutine.

Là-dessus, sans crier gare, il a renoué des relations diplomatiques avec Israël (tout en jurant qu’il continuerait à défendre les Palestiniens), confirmant de la sorte que, après des escapades dans le monde compliqué de la Russie, il préfère désormais consolider son statut au sein de l’OTAN. C’est une preuve de sagesse retrouvée alors que les prochaines élections turques risquent de lui faire perdre la présidence. Mais Erdogan continue à combattre les Kurdes farouchement et maintient sa présence militaire en Syrie.

On ne sait plus où il se situe.

C’est, en effet, l’homme qui saisit des occasions historiques, ne croit à aucun principe, et poursuit sa politique par corrections successives. Il a réussi, en tout cas, à rester crédible aux yeux de la Russie et des États-Unis, qui ont bien fait de ne pas l’expulser de l’OTAN quand il a acheté des missiles S-400 à Moscou, ce qu’interdisent les règles de fonctionnement des directives applicables aux partenaires transatlantiques. On ne sait plus très bien où il se situe, mais est-ce vraiment important ?

Acclamé en Ukraine.

L’essentiel en effet est qu’il poursuive sa politique ukrainienne actuelle alors qu’il semble penser que la Russie n’a aucune chance de gagner la guerre. Le voilà donc qui se rend en Ukraine, où il est accueilli en grande pompe par le président Volodomyr Zelensky, dont la gratitude lui sera éternelle. Bien entendu, le triomphalisme personnel d’Erdogan peut être détruit par des élections qui le mettraient en minorité, mais ça fait toujours plaisir d’être acclamé.

Politique éclectique.

Le bilan intérieur d’Erdogan est bien moins brillant que ses succès extérieurs. L’économie turque est mise en danger par l’inflation et les sondages prédisent, pour le moment, la défaite du parti de M. Erdogan. Cependant, il n’a pas dit son dernier mot et il n’est pas impossible qu’il recoure avant les élections à un stratagème digne de lui, c’est-à-dire propre à relancer les polémiques, s’il sent qu’il va perdre. Ce qui rend sa politique si  éclectique, c’est le pouvoir qu’il détient et qui le met à l’abri de la contestation, pourtant virulente, des partis de l’opposition.

Enfin pacifié ?

Il n’est pas difficile de constater qu’un régime qui ne s’appuie que sur la force et méprise les principes démocratiques n’a pas d’avenir. M. Erdogan ne redeviendra crédible aux yeux de ses concitoyens que s’il n’intervient pas dans le processus électoral. On est assuré qu’entre la démocratie et son avenir, il préfèrera la deuxième proposition. Bref, comme d’habitude, ce n’est pas l’intérêt supérieur de la Turquie qui animera ses réflexes. Mais enfin la sagesse qui l’a convaincu de négocier l’accord céréalier et le rapprochement avec Israël ouvre un espoir, celui qu’il se pacifie lui-même et qu’il laisse le destin faire son choix.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Erdogan change de camp

  1. Laurent Liscia dit :

    Je reste (quasiment) sans voix face a ce retournement … Ce qui prouve une fois de plus qu’il nous faut moins d’Erdogan et plus de démocrates.

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