La prison et le scandale

Éric Dupond-Moretti en visite à Fresnes
(Photo AFP)

Une vidéo montrant des détenus de Fresnes qui participent à un concours de karting a déclenché une nouvelle polémique entre partisans des initiatives au sein des prisons et ceux qui souhaitent un régime plus sévère.

À CEUX qui se battent en toute circonstance, on pourrait répliquer que le temps électoral est terminé et qu’ils devraient se consacrer à des domaines plus productifs. Entre nous, on voit bien qui s’offusque de la vidéo et qui n’y trouve aucune source d’indignation. Premier constat : les contre sont à droite ou à l’extrême droite, les pour à gauche. La polémique se nourrit des commentaires des uns et des autres mais il est clair qu’au lieu de dénoncer la dégradation d’une des prisons les plus célèbres de France, on préfère s’inquiéter d’un moment de répit accordé et organisé avec l’aval du ministère de la Justice et du directeur de Fresnes, dont on murmure déjà qu’il devrait être licencié.

Drôle et bon enfant.

Tout de suite, la répression ! Fort heureusement, nous ne sommes pas en Russie et chacun d’entre nous est libre de répondre avec sa sensibilité : peu importe si une prise de position nous entraîne à droite ou à gauche. C’est précisément le rôle des gens libres de subir les assauts de tous les camps. L’occasion est ainsi offerte à l’auteur de ces lignes de dénoncer l’attitude de la droite et de l’extrême droite quand la vidéo a fini par être vue par tous les amateurs de réseaux sociaux. Si vous prenez la peine de la regarder, je ne crois pas qu’un seul d’entre vous soit saisi par l’indignation ou la colère : c’est le bref récit d’une après-midi consacrée à un concours de karts, c’est drôle et c’est bon enfant.

Conditions de vie inhumaines.

Éric Ciotti et Éric Zemmour peuvent toujours rappeler les crimes ou délits commis par les détenus, on me permettra de me référer à la déclaration du président Giscard d’Estaing : « La peine d’emprisonnement, c’est la détention et rien d’autre ». Donc, une peine de dimension humaine, où le détenu a droit à un minimum d’espace vital, à une hygiène personnelle, à des repas décents. Envahie par les cafards et les rats, à trois individus par cellule, la prison de Fresnes ajoute à la détention des conditions de vie indignes que Giscard n’a jamais prévues. Il me semble que le vrai problème, c’est la surpopulation des prisons et, si on ne veut pas assister à des émeutes parmi les détenus, il leur faut des moments de répit.

Une montagne d’hypocrisie.

Qu’Éric Dupond-Moretti n’ait pas compris le projet karting ou n’en ait pas compris les rouages, indique plutôt qu’il a le sentiment d’avoir perdu la main dans cette affaire et qu’il lui aurait suffi de cacher l’événement à l’opinion publique. On a assisté tout à coup en France à un réflexe généralisé de décence et de bon goût, comme si justement, les détenus n’avaient même pas le droit de trouver un dérivatif à leur détresse. Sur le kart en prison, on a élevé une montagne d’hypocrisie, dont on veut espérer que le président et la Première ministre sauront se tenir à l’écart. Le sujet, ce n’est pas la répression de ceux qui purgent déjà leur peine, allons, un minimum d’humanisme ne nous tuera pas. L’état dans lequel se trouve le système carcéral ne peut être amélioré que si le gouvernement procède à des investissements massifs.

Un préjugé tenace.

La vérité est que les hommes et les femmes politiques qui sont hostiles au kart en prison, ont renoncé depuis longtemps à donner une chance de rédemption aux condamnés. Ils sont punis et  jetés aux oubliettes, comme au temps de la Bastille. C’est nier la part d’humanité que recherchent inlassablement chez les criminels les juges d’application des peines et les autorités judiciaires. Qu’il soit permis de dire que, en définitive, le non au kart de Fresnes n’est rien d’autre que la manifestation d’un préjugé tenace et la traduction d’une pensée limitée.

RICHARD LISCIA

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à La prison et le scandale

  1. Laurent Liscia dit :

    On est, comme d’habitude sur les sujets qui requièrent un minimum d’empathie, en plein délire. Je te rejoins à 100 %: il y a bien sûr, l’inhumanité du crime commis, mais ca n’est pas une raison pour priver le (ou la) criminel de ses droits, comme il (ou elle) l’a fait envers sa victime. On n’est plus aux temps bibliques de « oeil pour oeil ». La justice est une mise en action des valeurs d’une société. L’incarcération est déjà une punition suffisante; et peut-être plus qu’une punition, une manière de retirer des individus dangereux de la circulation. Pas de raison de les faire souffrir en sus.

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci de rappeler les valeurs humanistes et de lutter contre cette régression de l’esprit qu’est le positionnement simpliste pour ou contre. Un peu de recul et d’humanité ne fait pas de mal quand la dégradation de prisons comme Fresnes paraît secondaire par rapport à un banal moment ludique.

  3. deregnaucourt dit :

    Médecin, chef de service d’un USMP depuis 20 ans, je ne peux souscrire à votre posture intellectuelle. En bref, si vous jugez le critère de l’humanité (qui ferait défaut en détention d’après vous) à l’aune de l’accessibilité aux loisirs, on en arrive à la conclusion du commentaire de Laurent Liscia. « Pas de raison de les faire souffrir en sus »…de les priver de kart ?
    NB Je ne suis pas de droite.
    Réponse
    Rien ne vous oblige à être de droite ni à partager mon point de vue. Vous êtes le bienvenu dans cet espace.
    R. L.

  4. Dominique S. dit :

    D’accord avec Macron et Dupond-Moretti: Une piste de karting n’a rien à faire dans une cour de prison.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.