Une liberté sacrifiée

Indispensable télé
(Photo AFP)

Le conflit opposant Canal+ à TF1 ne semble pas près de trouver une issue. En attendant que le procès en référé fasse l’objet d’un verdict, les abonnés de Canal+ sont privés de plusieurs chaînes de la TNT.

LA TÉLÉVISION n’est indispensable que pour ceux qui n’ont pas d’autres instruments culturels à se mettre sous la dent. On n’est pas surpris par la violence du conflit entre deux mastodontes de la télé, on ne comprend pas qu’il ait donné lieu à une solution extrême et inique. Canal+ aurait dû trouver un autre domaine où exercer son bras de fer avec TF1. En réduisant l’audience de la première chaîne, il amoindrit certes ses recettes, mais ce sont ses propres abonnés qu’il sacrifie, qu’ils soient des fans de la télé-réalité ou qu’ils préfèrent le sport, l’information avec LCI, ou encore les séries.

Une campagne de promotion.

Il n’y a pas si longtemps, Canal+ lançait une campagne  d’abonnements afin de gonfler son audience. Il proposait un accès à ses chaînes à la moitié du prix en vigueur. Il n’a pas cru bon de faire cette offre au public déjà abonné, introduisant d’emblée une injustice dans la tarification. J’ai reçu un appel de Canal + me demandant si « tout allait bien ». J’ai répondu qu’on venait de donner un coup de canif au contrat en limitant le nombre de chaînes visibles à partir de Canal+. Ma remarque, bien entendu, a été ignorée et mon abonnement augmente tous les printemps aussi sûrement que la froidure recule.

Absence d’équité.

La question ne porte pas sur le prix ou la qualité des programmes. Elle porte sur le pouvoir accordé à Canal+ par les autorités, sur la liberté de tout possesseur d’un appareil télé d’accéder à un maximum d’offres, la TNT étant gratuite, comme chacun sait. Ainsi les manœuvres commerciales ont eu raison à la fois des droits du consommateur, de la diversité culturelle, des rapports entre l’offre et la demande, des coûts arbitraires et invariables même quand l’offre se réduit considérablement, et enfin de l’équité qui devrait régner dans notre démocratie.

Décider vite.

La justice trouvera avant la fin du mois une solution, mais elle ne règlera pas pour autant le partage de l’espace télévisuel. Contrairement aux pays totalitaires, nous bénéficions tous d’un libre accès à l’information, mais voilà un conflit commercial qui anéantit nos droits et nous livre à un arbitraire aussi ferme que celui qu’on trouve à Moscou ou à Pékin. C’est le danger qu’une justice sereine doit écarter en prononçant avant la fin du mois le rétablissement de l’accès à toute la TNT, quitte à laisser les deux parties négocier pendant des mois jusqu’à ce qu’elles trouvent un accord.

Changer d’opérateur ? 

Les abonnés de Canal+ ont, certes, la possibilité, d’annuler leur contrat et de trouver un autre opérateur. Ce n’est pas simple. Le changement d’accès nécessiterait le déplacement d’un technicien, une livebox différente et exigerait un nouvel abonnement à Canal+ pour ceux qui ne souhaiteraient pas s’en passer. Ainsi une partie du public est-elle prise en otage, alors qu’elle n’a aucun pouvoir pour contribuer à la résolution de cette crise. Inutile de souligner les méthodes répugnantes d’un opérateur arrogant et méprisant qui, au lieu de remercier ses abonnés, les condamne à la portion congrue. En d’autres termes, Canal+ exerce sa censure sur les programmes avec la même sévérité qu’un régime autocratique.

On veut espérer que le troisième pouvoir saura déjouer cette politique funeste en contraignant Canal + en rétablissant la diffusion des chaînes de la TNT. Il n’y parviendra que si la justice prend en compte non pas l’affaire de gros sous qui détériore les relations TF1-Canal+, mais l’enjeu culturel et juridique qui oppose les deux sociétés.

RICHARD LISCIA

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