La gauche cassée par le féminisme

Bayou avec Macron
(Photo AFP)

Tout à coup, sous l’effet d’une campagne fulgurante menée par Sandrine Rousseau, elle-même leader des écologistes, la Nupes, coalition des communistes, des Verts, de LFI et du PS, s’aperçoit que l’affaire Quatennens se transforme en abcès. En tout cas, Jean-Luc Mélenchon a administré la preuve qu’il est incapable de gérer les problèmes de machisme.

LES REPROCHES adressés à Adrien Quatennens parce qu’il a giflé son épouse et confisqué son portable ont réveillé les accusations lancées contre Julien Bayou, l’autre chef des écologistes. Mme Rousseau se moque bien des conséquences de cette crise. Quatennens, Bayou, Taha Bouhafs, Éric Coquerel et d’autres sont dans son viseur. Et elle tire à vue, transformant un scandale de mœurs en crise politique.

Gloire à Quatennens !

C’est d’abord Jean-Luc Mélenchon, visiblement mal à l’aise pour commenter l’affaire, qui s’est fendu d’un tweet pour… faire l’apologie de M. Quatennens, puis en a édité un second pour condamner la gifle et se souvenir de la victime. Ce sont ensuite les dirigeants de LFI, les plus brailleurs d’entre eux, qui ont réagi par un mutisme embarrassé. Puis Sandrine Rousseau est allé sur la 5 demander la mise en retrait de Julien Bayou, ce qu’il a fait promptement.

Trois objectifs atteints.

On peut sûrement avancer la thèse en vertu de laquelle la campagne féministe est libre de tout calcul politique et que Mme Rousseau n’hésitera pas à sacrifier son propre parti à la cause féministe qui lui est au moins aussi chère. On peut aussi croire qu’elle ne songe qu’à éliminer un rival. Mais quoi qu’il en soit, elle a détruit en 24 heures plusieurs objectifs : elle a affaibli M. Bayou ; elle a ramené l’arrogance constante de LFI à un bredouillage peu glorieux ; elle ne supportera pas la Nupes tant qu’elle ne sera pas nettoyée de ses éléments machistes, travail sanitaire qui prendra du temps mais qui risque de révéler de nouvelles affaires.

Le choc des radicalités.

Le féminisme français est une forme de radicalité qui se dresse contre celle de l’extrême gauche. Non pas qu’il conteste le contenu des idées de M. Mélenchon, mais il inscrit le respect des femmes en tête des priorités de la gauche. Il oblige LFI à une réflexion profonde sur la manière d’aborder le sujet dans notre pays. Cela passerait par une sorte d’épuration de la Nupes auquel on peut douter que M. Mélenchon ait envie d’adhérer.

Parlons d’autre chose.

Les lieutenants de Mélenchon, qui n’avaient rien à dire en conférence de presse, ont bien essayé de reporter le débat vers la droite dont les membres accusés de sexisme seraient, selon eux, protégés par le pouvoir, alors que la gauche s’entre-déchire. Et de citer le cas de Damien Abad, ce qui est surprenant puisqu’il a disparu des radars du pouvoir à la faveur de la formation du gouvernement d’Élisabeth Borne. Du coup, les plateaux de télévision résonnaient de dizaines de noms jetés au pâture aux téléspectateurs, sans souci de la présomption d’innocence.

Au bord de la chute.

C’est une crise complètement artificielle, déclenchée par une seule femme, mais dont le caractère ultra-polémique plonge M. Mélenchon dans l’embarras, d’autant qu’il voulait faire de M. Quatennens son successeur. Le chef des insoumis est à la fois au sommet de sa popularité et au bord de la chute. Il est soutenu par des communistes qui expriment des idées d’extrême droite, par des socialistes très contestés et par des Verts très divisés. Il est bien trop tôt pour en conclure que la Nupes va s’effondrer et c’est le danger immense auquel elle est exposée qui maintient son unité. Mais si vous avez un mouvement qui risque de disparaître chaque fois que l’un de ses membres tient des propos ravageurs, vous n’en ferez pas une arme de combat.

Chambardement ?

Néanmoins, le président de la république s’appuiera sur les tourments de la gauche pour poursuivre ses projets. M. Mélenchon ne sera pas privé de sa vigueur contestataire, mais il a fait mille fois son numéro et, de fait, il est moins attaqué par la majorité que par les siens, y compris au sein de LFI. Comme nous le constatons à la faveur de cet étrange épisode de la vie publique, un parti survit souvent à ses déchirements internes. Mais la crise de la gauche pourrait être le signe avant-coureur d’un grand chambardement.

RICHARD LISCIA

 

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