Poutine : victoire à la Pyrrhus

Poutine n’est pas fou, mais sinistre
(Photo AFP)

Le jeu de Vladimir Poutine est très clair : il annexe, au terme d’une procédure électorale complètement illégale, quatre régions ukrainiennes. Il déclare qu’elles sont maintenant territoire russe. De sorte que, si elles sont attaquées, il peut riposter avec des armes nucléaires tactiques.

DIRE QUE cet homme est fou reviendrait à diminuer ses responsabilités. L’inventivité de ses actions prouve en tout cas que son intelligence est intacte. Il la met au service d’une plan machiavélique qui nous conduit tous, Russes ou non, au bord de l’abîme. Faut-il le mettre au défi ? Nous pouvons accompagner la logique poutinienne et affirmer que nous n’avons jamais reconnu le Donbass comme territoire russe et que, pour notre part, nous n’avons pas franchi une ligne rouge. Et que si l’armée ukrainienne attaque le Donbass et Kherson, cela ne justifie pas le recours au nucléaire tactique.

Il n’a pas compris ce qu’est la dissuasion.

Il y aura des voix russes pour s’opposer à une telle initiative, notamment dans l’armée. Il n’y aura pas un Chinois ou un Indien pour l’approuver. Poutine, chaque fois qu’il bouge un cil, accroît son isolement. Il n’a toujours pas compris que l’arsenal nucléaire est fait pour dissuader, pas pour être utilisé. En lui répétant trois fois qu’il ne devait pas s’en servir, Joe Biden lui a lancé un avertissement sans nuances. Décidément, cet homme est devenu l’ennemi numéro un de la planète, et pas seulement celui des Ukrainiens.

Condamné avant l’heure.

Le problème ne réside donc pas dans un dérangement mental de Poutine mais dans une série de choix destinés à concilier sa défaite en Ukraine avec sa force nucléaire. Les gens qui échouent deviennent vite embarrassants pour les autres et les États qui l’ont soutenu jusqu’à présent vont souhaiter qu’il disparaisse politiquement. Toute la guerre, tout ce cortège d’atrocités et de destructions, toute cette horreur inutile qui ont plongé non  seulement l’Ukraine mais la Russie aussi dans une sorte de retour au Moyen-Âge, relèvent de sa responsabilité. Il a gagné la médaille de pire dictateur du XXIè siècle.

Bientôt la chute politique.

L’annexion du Donbass et ses conséquences militaires posent tout de même un problème sérieux aux Occidentaux qui, bientôt, n’auront que le choix entre riposter à une attaque nucléaire, fût-elle tactique, avec des moyens équivalents ou abandonner l’Ukraine en rase campagne. Il se peut néanmoins que Poutine renonce à aller aussi loin et alors le monde saura que les Ukrainiens ont commencé à s’emparer d’une partie du territoire russe, ce qui annoncera la chute politique du maître actuel du Kremlin.

Sa plus belle erreur. 

C’est imaginer une phase encore plus douloureuse dans le destin des Ukrainiens ; mais c’est soulever l’hypothèse de la disparition de Poutine qui était moins nécessaire quand il se contentait de martyriser son peuple mais devient inéluctable quand il se gargarise avec sa puissance nucléaire. Il y a encore quelques semaines, quelques États hésitaient à prendre leurs distances avec la Russie ; aujourd’hui, Poutine devient aussi intolérable à ses amis habituels qu’à ses adversaires traditionnels. Entre toutes les choses nouvelles qu’il a faites dans cette sinistre campagne, le fait d’avoir indisposé deux dirigeants autoritaires, Narendra Modi (Inde) et Xi Jinping (Chine) est peut-être la plus belle erreur de son parcours.

Le sabotage des gazoducs.

Il est probable que, dans son désarroi, il est à l’origine du double sabotage des gazoducs reliant la Russie à l’Allemagne ; ils représentent un acte pur de terrorisme et ne peuvent profiter qu’à un seul criminel, suivez mon regard. Il en est là, à casser l’un des instruments mêmes de la prospérité russe, comme si, avant de retourner à la normale, il fallait créer partout un champ de ruines. Pas fou, mais plus sinistre que lui, tu meurs. Pas fou, mais plus sombre et plus monstrueux que lui n’existe nulle part ailleurs.

Cet épisode de l’histoire, à la fois si artificiel et si dangereux, sera un jour enseigné comme la politique étrangère du pire et comme l’exemple même de ce qu’aucun diplomate n’a le droit d’imaginer.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Poutine : victoire à la Pyrrhus

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci. Poutine est un dictateur, d’abord pour son peuple. A l’exception des autres dictateurs, tous les autres pays de la planète, notamment ceux qui s’abstiennent à l’ONU, devraient mettre en balance leur soutien tacite à ce dictateur qui bafoue sans arrêt le droit international, nous menace de l’hiver nucléaire, et leur soi-disant « opposition » à l’Occident. Souhaitons que cette réflexion toute simple commence à s’installer. A l’heure du réchauffement climatique, réelle priorité mondiale, est-il encore possible de soutenir un impérialiste nostalgique des siècles passés ?

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