Lula et sa femme hier soir
(Photo AFP)
Le candidat de la coalition de la gauche brésilienne, Luiz Iñacio Lula da Silva, dit Lula, a gagné le premier tour de l’élection présidentielle par 48 % des voix contre 43 %, obtenus par son adversaire, Jair Bolsonaro. La majorité absolue n’ayant pas été atteinte par Lula, un second tour aura lieu le 30 octobre.
C’EST une déception, dans la mesure où les sondages annonçaient la victoire de Lula dès le premier tour. Le candidat de la gauche fait l’objet d’une campagne de désinformation, pour ne pas dire de diffamation, qui recommence de plus belle dès aujourd’hui et qui pourrait lui coûter des suffrages. Ce qui se passe en ce moment dans cet immense pays est extrêmement important pour le monde entier : M. Bolsonaro est un clone de Donald Trump et a pour la défense de l’environnement une fatale indifférence.
Le poumon de la planète.
Or l’Amazonie est considérée comme le poumon de la planète, alors que M. Bolsonaro n’a cessé d’encourager la productivité à outrance et par conséquent le déforestation. La popularité du président sortant reste immense, malgré des discours faits de fake news et de mépris pour les Brésiliens, plus spécifiquement les femmes. Lula a déjà dirigé le pays deux fois et il a fait ses preuves en améliorant notamment le sort des gens les plus pauvres et ceux de la classe moyenne. Sa base électorale est large, mais six millions de voix seulement le séparent du score de Bolsonaro. Il a néanmoins commis une erreur assez grave en début de campagne quand il a indiqué sa préférence pour la Russie contre l’Ukraine.
Qui est impérialiste ?
Sans doute un résidu de rancœur à l’égard des forces conservatrices qui l’ont traîné en justice pour cause de corruption puis l’ont jeté en prison pendant plusieurs années. A-t-il compris que l’impérialisme est moins l’affaire des États-Unis que de la Russie aujourd’hui? Il faudra qu’il le prouve s’il est élu à la fin du mois. Cependant, pour les Occidentaux, le choix clair : avec Lula (76 ans), nous aurons un partenaire actif dans lutte contre le réchauffement climatique, alors qu’un second mandat pour Bolsonaro (67 ans) se traduirait presque automatiquement par l’épuisement des ressources du Brésil, un appauvrissement inéluctable de sa population et à des inégalités croissantes.
Un patriote.
Lula est un authentique patriote. Bolsonaro, pour sa part, joue de l’autoritarisme et vend à une partie du peuple, celle qui n’est pas la plus éduquée, des sornettes de magicien. Il est dangereux parce qu’il n’a aucun respect pour la démocratie, même s’il a montré ses muscles au premier tour, qui a prouvé sa résistance. Il a réuni autour de son nom une fraction très importante de la population qui a cédé à une rhétorique dictatoriale, mais pleine de contradictions.
Voix centristes.
Lula compte ans doute sur l’appui de deux partis au second tour, pour un total de 10 % des voix qui lui permettraient de franchir le seuil de la majorité absolue. On peut toujours penser que la réélection de Bolsonaro ne serait pas une catastrophe, que l’extrême droite brésilienne peut se réformer et que le même homme peut s’améliorer, mais les défauts du président sortant sont irrémédiables tandis que ceux de Lula disparaîtront dès qu’il aura conscience des responsabilités uniques qui lui seront confiées. Encore faut-il qu’il arrive à désamorcer les diffamations dont il fait l’objet.
Le monde est concerné.
S’il y réfléchit, il est forcé d’élargir son électorat et, pour y parvenir, il doit tenir des propos moins gauchistes, par exemple en admettant qu’il fait cause commune avec les Occidentaux contre toute présidence arbitraire. S’il ne l’a pas encore dit, c’est peut-être parce qu’il tient plus à sa pureté idéologique qu’à la victoire. Mais cette victoire, il la doit au monde autant qu’aux Brésiliens.
RICHARD LISCIA