La bataille de l’énergie

Le symbole de la pénurie
(Photo AFP)

Les recommandations du gouvernement pour consommer le moins d’énergie possible ne peuvent pas s’étendre au choix des appareils utilisés par le foyers. La première injustice réside dans des habitations trop vastes ou dans des voitures trop gloutonnes.

LA LUTTE contre la consommation est compliquée depuis quelques jours par la grève des raffineries et l’acheminement insuffisant de carburants qui s’ensuit. Les pouvoirs publics évaluent à 15 % le manque d’énergie. Mais dans certaines régions, l’absence de ravitaillement provoque des queues interminables, notamment chez Total-Énergies, où la ristourne offerte par le gouvernement s’ajoute à celle que consent la société à ses clients.

Un début de panique.

Ceux qui parviennent à trouver de l’essence la payent donc plus cher que les autres. L’exécutif songe à puiser sans ses réserves stratégiques, ce qui, dans quelques jours, devrait éviter la panique naissante. Il est, officiellement, interdit, d’emplir des jerricans, mais le public qui fait ses courses en SUV ne donne pas nécessairement l’exemple éclatant de la sobriété. Nous ne sommes qu’au début de la crise énergétique, qui nous frappera de plein fouet en hiver. Nous ne sommes pas surpris de voir les ménages qui aiment les grosses voitures jouer davantage le sauve-qui-peut que la solidarité.

Logique sociale.

Il appartiendra au gouvernement d’instaurer des contrôles efficaces, et même un rationnement. Nous connaissons très bien les propriétaires d’automobiles voraces. Quand tout va bien, ils ont de bons arguments pour défendre leur comportement : ce sont les achats de voitures à forte consommation qui permettent à l’industrie automobile de réaliser de gros bénéfices. Porter atteinte à ce marché, c’est mettre des milliers d’ouvriers sur le carreau.

Vie publique, vie privée.

Cette contradiction résulte de plusieurs facteurs, dont le plus important est que devrions nous engager dans une économie de guerre, alors que nos concitoyens voient dans l’invasion de l’Ukraine un événement lointain par lequel ils ne se sentent pas concernés. Il est vrai que la  guerre n’explique pas la totalité de la pénurie. Mais il y a une contradiction dans l’analyse quand, pour justifier le conservatisme énergétique, on prend le risque d’un assèchement de tous les réservoirs. Déjà, les conseils et les principes énoncés par les pouvoirs publics sont perçus comme une ingérence dans la vie privée : le gouvernement ne doit pas dire de quelle manière les foyers français doivent vivre.

Une politique européenne.

Mais le manque de carburants ne frappe pas tout le monde à la fois, et les plus sanctionnés par la pénurie sont sacrifiés sur l’autel du système D, qui est aussi le plus injuste en ce qu’il privilégie un citoyen au détriment des autres. De la même manière, les mesures adoptées en France doivent être corrélées à des mesures européennes. Certes, les problèmes ne sont pas identiques dans l’Union. Mais un minimum de concertation devrait permettre d’éviter la pénurie dans une région au profit d’une autre région.

C’est l’occasion ou jamais.

En réalité, la crise énergétique, contre laquelle nous devons nous battre sans la coopération des pays producteurs, qui viennent de décider de diminuer leur offre de deux millions de barils-jour, représente une occasion d’apprendre à consommer moins. Ce que nous ne faisons pas délibérément et avec courage, nous serons obligés de le faire sous l’empire de la nécessité. Il est bon que Total propose une ristourne, mais il demeure que plus l’essence sera chère, et plus vivement nous diminuerons notre consommation.

Le prix du salut, c’est la douleur.

Certes, la crise nous a pris par surprise et nous nous y sommes très mal préparés. Mais ce n’est ni l’affaire d’un jour ni celle d’une année. La guerre en Ukraine a déclenché celle de l’énergie, encore plus perverse. Il est temps de nous prouver à nous-mêmes que nous sommes capables de nous conduire en adultes et non en enfants excités par le jouet le plus clinquant, le plus cher, celui que l’autre enfant ne peut pas se payer. Tout le monde va devoir faire des sacrifices : le consommateur, le constructeur automobile, l’industrie en général. Comme le savent les Ukrainiens, le prix du salut s’établit en douleur.

RICHARD LISCIA

 

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