Le suffrage en péril

Le Maire après le second tour des législatives
(Photo AFP)

Dans de nombreux pays, France comprise, le suffrage universel est de plus en plus contesté : aux résultats officiels d’un vote sont souvent opposés des résultats fantaisistes, inventés par les battus. 

CETTE position du déni obère le fonctionnement de la démocratie. L’exemple du Brésil est à cet égard convaincant. Le président Lula a été élu avec un seul point d’avance sur Jair Bolsonaro, ce qui a entraîné un refus du résultat par les électeurs du président battu, des manifestations et des blocages de route. Ce n’est pas un phénomène propre à ce que l’on appelait autrefois le tiers-monde : M. Bolsonaro lui-même a demandé aux Brésiliens de continuer à le soutenir mais à reprendre le travail ; et le même problème affecte les États-Unis, la France et d’autres pays.

Trumpisme florissant.

Le résultat des élections de mi-mandat qui auront lieu mardi prochain aux États-Unis sera contesté par les républicains s’il leur est défavorable. Ils l’ont dit à l’avance pour créer une forme de légitimité à leur déni de réalité. La vérité est que ni le bolsonarisme ni le trumpisme n’ont été aussi florissants. Ce sont deux formes abouties d’une pensée en vertu de laquelle les candidats populistes ne peuvent que gagner et que, s’ils perdent, la consultation a été truquée.

Élection volée.

Ce n’est pas la première fois que les républicains adoptent ce comportement. Donald Trump, depuis le premier jour de sa défaite à l’élection présidentielle de 2020, n’a cessé de répéter qu’elle lui avait été volée et a pris l’initiative d’encourager ses partisans à faire le sac du Capitole, le 6 janvier 2021. C’est assez dire que, dans une grande démocratie, les institutions peuvent être réduites en cendres par une bande de fanatiques à la fois ignares et violents. Ce que l’on peut comprendre à la rigueur dans un État dont la population est dans la misère est parfaitement inacceptable dans un pays riche et démocratique où les moyens de recours contre les injustices sont multiples.

Un mode de scrutin fantasmé.

En France, l’extrême droite et l’extrême gauche, dont les affinités sont plus nombreuses qu’on le croit, estiment que la présence d’Emmanuel Macron à l’Élysée n’est pas légitime car la nature du scrutin uninominal majoritaire à deux tours amplifie la majorité au détriment des oppositions. C’est pourtant sous ce régime que M. Macron a été réélu. Pour que la thèse des extrêmes soit valable et applicable, il faut au préalable que la constitution change grâce à une nouvelle majorité, pour le moment inexistante. Rien n’indique que les Français veuillent modifier le mode de scrutin et il est absurde de s’y référer tant qu’il n’a pas été instauré.

Les ravages de la proportionnelle.

Un dernier exemple est celui d’Israël qui élit ses députés à la proportionnelle absolue. C’est le mode de scrutin le plus juste démocratiquement, mais aussi le plus sûr de créer une Assemblée chaotique, divisée, incapable de gouverner. Les gouvernements qui se succèdent à un rythme frénétique s’appuient sur des coalitions qui ressemblent davantage à un patchwork bigarré qu’à une forme de convergence. À ce jour, de tels gouvernements n’ont jamais réussi à adopter une politique réaliste quant à leurs relations avec la Palestine et avec le monde arabe. De sorte qu’un tour électoral peut être utile à satisfaire une ambition, mais pas à soutenir un programme.

Ainsi malmené, le suffrage universel, fondement essentiel de la démocratie, est en danger car il conduit trop souvent à de telles impasses. Lassés par les échecs répétés de leurs gouvernements, des peuples finissent par préfèrer l’abstention et par se détourner des rendez-vous électoraux. C’est pourquoi le scrutin majoritaire est le plus efficace : il va produire un gouvernement stable là où la proportionnelle intégrale offre une galaxie de partis minuscules, qui peuvent s’entendre pour exercer le pouvoir mais pas pour satisfaire les besoins du peuple.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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Une réponse à Le suffrage en péril

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour, le meilleur moyen passe encore et toujours par l’éducation (notamment à l’esprit critique), l’information vérifiée au niveau des agences de presse et des grands médias. Les réseaux sociaux et les petits médias, trop dépendants de la publicité , sont dans l’impossibilité de travailler dans la nuance et avec la temporalité nécessaire à une analyse critique et objective. Trop de journalistes ont perdu leur éthique. Il ne faut pas baisser les bras mais utiliser les mêmes réseaux et médias pour contrecarrer les fakes news. Ne laissons pas les apprentis fascistes de droite et de gauche penser qu’ils peuvent gagner. Ils perdront car la réalité est têtue. Le RN et la LFI veulent nous faire croire qu’ils sont les gagnants des élections (raison pour laquelle ils veulent le chaos par la rue, aveu de leur impuissance à gagner les élections ! Les Trump, Bolsonaro et consorts ne trompent que ceux qui ne veulent pas sortir du tribalisme et refusent de penser « contre eux-mêmes » en allant regarder des avis divergents mais posés. Chacun dans son coin peut agir en dénonçant ces imposteurs et impostures. Continuez à le faire.

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