Brésil : putsch manqué

Lula a tenu bon
(Photo AFP)

La foule brésilienne a envahi les institutions de Brasilia, Palais du gouvernement, Cour suprême, Parlement et Jair Bolsonaro l’a sérieusement encouragée. L’ancien président, réfugié en Floride, reste silencieux, mais vigilant.

NATIONAL-POPULISTE par vocation, Bolsonaro a obtenu un épisode de fiction politique qui montre à quel point il entend garder le pouvoir par des gestes anti-démocratiques. Il a refusé de participer à la passation des pouvois avec Lula, l’homme qui l’a battu aux urnes et n’a pas essayé d’encourager les émeutiers de Brasilia, où les forces de l’ordre se sont montrées incompétentes. Mais l’armée, ultime arbitre, n’est pas sortie dans la rue, alors qu’elle a les moyens d’imposer son point de vue. Elle a choisi de rester légaliste et c’est la chance de Lula. Elle peut néanmoins changer d’avis, d’autant que les lieutenants du nouveau président ne veulent pas en rester là et se sont lancés dans une poursuite éperdue des émeutiers.

Trump, référence historique.

L’imitation du 6 janvier 2021 à Washington où des trumpistes, par milliers, ont mis à sac le Capitole, faisant quatre morts, avec l’encouragement implicite, mais clair, de Donald Trump, est flagrante : Bolsonaro raisonne comme Trump, comme lui il refuse de céder à la loi des urnes et, comme lui, il tente de récrire l’histoire. Il échouera tant qu’il demeurera incapable de rallier l’armée à son panache blanc.

Vacances ou pouvoir.

Lula, cependant, a une forte partie à jouer. Il sait de quel bois les émeutiers se chauffent. Il sait qu’il n’ont pas la moindre considération pour la démocratie et qu’ils veulent l’avènement d’un président fort, même si Bolsonaro semble hésitant, peu sûr de lui, et si son silence prouve que, pour lui, l’affaire est terminée. Il semble d’ailleurs plus amateur de longues vacances que de pouvoir.  La différence entre lui est Trump est que l’ancien président américain considère qu’il existe une vérité en dehors des urnes, celles-là même qu’il a voulu contourner en achetant des suffrages. Tandis que Bolsonaro, en choisissant d’emblée l’exil, semble indiquer qu’il en a assez.

Un procès en bonne et due forme.

Les forces de l’ordre semblent aujourd’hui avoir éliminé les émeutiers et tenir les postes de pouvoir. Toutefois, l’affaire n’est pas terminée, Lula, qui n’y tenait pas, devra réprimer les auteurs du crime qui, comme ceux de Washington, croient qu’il existe des moyens alternatifs pour arracher la présidence au suffrage universel. Les peuples veulent croire à la démocratie, pourvu qu’elle se montre forte : la normalisation du Brésil passe par un grand procès en bonne et due forme qui placera les auteurs de violences devant leurs responsabilités.

Réduire les inégalités.

Il faut se méfier de l’eau qui dort. Pour le moment, on n’a aucune preuve de la collusion entre Bolsonaro et les émeutiers, alors que Trump, lui, n’a pas hésité il y a deux ans, à encourager les acteurs du coup d’État et a tenté d’empêcher le vice-président Mike Pence de lire le résultat qui donnait Joe Biden vainqueur avec sept millions de voix d’avance.  Le Brésil devrait s’en sortir et il en a besoin : c’est un pays qui doit corriger ses inégalités sociales. En revanche, l’ensemble de la crise de l’hémisphère américain est lourde : la crise brésilienne n’est pas vraiment terminée et, aux États-Unis, on entend le bourdonnement incessant des nationaux-populistes dont les élus au Congrès se sont déjà livrés à une mascarade : il a fallu quinze tours de scrutin pour élire Kevin MacCarthy à la présidence des représentants républicains de la Chambre.

Trump va vers la sortie.

On s’inquiète pour le sort de Joe Biden que certains continuent à juger trop naïf pour tenir tête à Trump. Ce n’est pas vrai. Le président en exercice décidera en famille s’il veut ou non se présenter pour un second mandat. Vu son âge, il aurait tort, mais c’est une décision qui lui appartient. S’il se présente, il devrait l’emporter contre Trump. Mais le paysage politique américain a  profondément changé : Trump n’est pas assuré de représenter le parti républicain. S’il tente de se battre en indépendant, il a détruira toute la droite américaine. Il risque donc de ne pas être en capacité de prendre sa revanche.

RICHARD LISCIA

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.