Retraites : de vaines concessions

Borne impavide, hier
(Photo AFP)

Le gouvernement a présenté hier sa réforme des régimes de retraite, à la faveur d’un tir groupé de conférences de presse, de déclarations ministérielles et de communication avec les Français. Sous plusieurs aspects, elle représente une avancée, mais elle a fait l’unité syndicale et populaire contre le projet. 

POURQUOI un syndicat réformiste, la CFDT, récuse-t-il le document mis au point par le gouvernement avec le concours de la droite ? Les raisons de l’aversion exprimée par Laurent Berger sont liées sans doute à se position personnelle au sein de son syndicat. Apparemment, il n’aurait pas résisté longtemps aux récriminations de la base. Depuis qu’Emmanuel Macron a été élu en 2017, la question de la faisabilité d’une réforme des retraites en France n’a cessé de peser sur les négociations et sur la réflexion de nos gouvernants.

Feue la retraite à points.

Le désarroi syndical et populaire est alimenté principalement par la crainte des Français d’une hausse des cotisations associée à une diminution des pensions. Les garanties offertes par le gouvernement ne convainquent personne. Pour parvenir à un résultat tangible, nos gouvernants ont renoncé à la retraite à points, seule réforme novatrice. Puis, ils ont fait des  concessions à LR pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, ce qui impliquait un changement moins profond et des économies moins importantes sur les comptes de l’État. Tout cela uniquement pour éviter le recours au 49/3, l’article de la Constitution qui permet au pouvoir de passer une loi sans vote.

Un privilège féodal.

Personne ne l’a remercié de faire cet effort, pourtant démocratique. La macronie se targue de mettre tout sur la table, de négocier, mais les syndicats affirment exactement le contraire. Ils reprochent à la Première ministre de les avoir reçus l’un après l’autre au lieu d’avoir discuté avec tous en même temps. La réforme n’est pas nulle, elle vise à un équilibre structurel, elle élimine les régimes spéciaux qui ont toujours été un privilège féodal, elle contraint le législateur à n’envisager que des pensions égales à 1 200 euros par mois, elle prend en compte les cotisations des retraités qui ont repris un travail, elle offre l’espoir sérieux d’une pension solide pour les décennies à venir, il sera tenu compte de la pénibilité de certains emplois, des annuités versées par les cotisants.

Même pas une révolution.

Mais bien sûr, les Français devront s’habituer à travailler deux ans de plus, ce qui, compte tenu de la longévité et de la qualité de vie des seniors, n’est pas un outrage à la décence. En fait, elle va transformer un déficit croissant en gains permettant d’améliorer le montant des pensions. Ce n’est pas une révolution, tous les pays européens ont déjà prévu des carrières jusqu’à 65, 66 ou 67 ans. Ils n’ont pas été mis à feu et à sang par les actifs. Ils n’ont provoqué que des colères passagères. Il y a, chez les Européens, une maturité qui n’a pas encore contaminé la France.

Fallait-il la faire ?

Le résultat, c’est l’incertitude. Le gouvernement ne peut pas abandonner un projet qui a exigé de lui tant d’efforts. Il ne peut pas accorder à la gauche une victoire qui n’aurait pas lieu si nous avions subi le 49/3. Et il est vrai que, pour Macron, cette réforme signera ses deux mandats, passera à la postérité si les syndicats finissent par baisser les bras. Nous allons avoir un hiver rigoureux, pas seulement à cause de la température : manifestations, émeutes, interventions des black blocs, la totale. Le prix de la réforme, nous le paierons immédiatement en chaos, en diminution de la croissance, en pertes matérielles. C’est là que le débat sur la nécessité d’une réforme ressurgit avec une force qui abrutit les partenaires sociaux : le jeu en vaut-il la chandelle ?

Le sang-froid de Borne.

Emmanuel Macron tire sa légitimité d’une réélection vers laquelle il ne s’est pas avancé masqué. Il a toujours dit qu’il ferait cette réforme. Il lui a sacrifié beaucoup de ses intentions. Il voulait le « en même temps », il a dérivé à droite ; il voulait séduire la gauche, ou une partie de la gauche, tout en se rapprochant de LR, il n’a pas réussi ce binôme. Il voulait une réforme unique, sans précédent dans les annales, il se contente de modestes changement au régime par répartition. Il est facile de lui jeter la pierre, mais la réforme des régimes dee retraite n’est pas un sujet de conversion, c’est ce qu’il y a de plus près d’une guerer civile. Au passage, on donnera un coup de chapeau à Élisabeth Borne, dont le sang-froid fait merveille.

RICHARD LISCIA

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