Munichois et va-t-en-guerre

Transfert d’un blessé à Soledar
(Photo AFP)

La guerre en Ukraine a créé deux camps : celui qui pense que Poutine doit être défait et expulsé du territoire ukrainien et celui qui estime qu’il faut le ménager parce qu’il dispose de l’arme nucléaire. La guerre a duré presque un an et elle a montré que la négociation n’aura pas lieu si elle n’est pas précédée par une déroute des forces russes.

POUR ceux qui soutiennent l’indépendance totale de l’Ukraine, la Russie est l’agresseur et l’Ukraine, la victime. La question des « lignes rouges » à ne pas franchir est désormais caduque : il y a longtemps que Poutine les a franchies, d’abord en envahissant son voisin, ensuite en commettant des crimes de guerre, notamment en prenant les civils pour cibles, enfin en mentant chaque jour sur les intentions de son pays.

Réduire l’Ukraine en cendres ?

L’Ukraine, elle, demande des armes de plus en plus efficaces et compliquées, dont l’acheminement n’est pas facile et réduira à terme les moyens de défense de l’Europe. Mais tous ces arguments sont balayés par la gravité de la situation : ce n’est pas Zelensky qui prend des risques, c’est Poutine ; ce n’est pas l’Ukraine qui a le plus gros stock d’armes nucléaires dans le monde ; ce n’est pas l’Ukraine qui menace d’employer une arme atomique qu’elle n’a plus, c’est le Kremlin qui n’omet jamais de rappeler à  l’OTAN qu’il peut réduire en cendres la totalité de l’Ukraine.

Bakhmout, non ; Soledar oui.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est capable de le faire et que, malgré quelques succès militaires minimes dans le Donbass, il est aux abois. Déjà, l’évolution de la bataille montre qu’il ne peut pas conduire une guerre par Wagner interposé, qu’il recrute des jeunes et des détenus, qu’il n’a pas le temps de les former, qu’il en a fait de la chair à canon et que même la prise de Soledar par sa soldatesque ne veut rien dire : les Russes n’ont pas conquis Bakhmout, ils ont donc pris Soledar à la place, une petite ville.

Pas de solution de rechange.

La vérité est que Vladimir Poutine n’a pas de solution de rechange et que, en réalité, s’il le pouvait, il utiliserait la bombe pour vaincre Zelensky, qu’il a besoin d’une victoire introuvable et qu’il ne peut être achevé que si l’Ukraine obtient des chars d’assaut lourds. Les Occidentaux peuvent satisfaire les besoins des Ukrainiens sans changer d’un iota l’équilibre de la terreur : même Poutine sait que la bombe atomique est l’arme de dernier ressort et que,s’il l’utilise, il a signé sa propre condamnation à mort et celle de la Russie.

Même s’il est fou…

Vous direz qu’il est facile de soutenir les Ukrainiens jusqu’à ce qu’ils meurent tous dans les combats et jusqu’à ce que l’Europe soit vitrifiée. Mais on ne déclenche pas une guerre nucléaire sans être soi-même pulvérisé. Quel que soit le caractère de Poutine et même s’il est fou, il ne l’est pas au point où il est assuré d’être rétribué largement au cas où il tenterait une agression qui ne serait en réalité qu’une fuite en avant et une terrible erreur de jugement.

La Russie peut être vaincue.

Il n’y a pas de va-t-en-guerre à Kiev. Il n’y a que des Ukrainiens dont le choix est à la fois simple et sinistre : ou bien ils gagnent cette guerre ou bien ils la perdent et la face de l’Europe sera changée pour des décennies, peut-être des siècles. Défendre les libertés jusqu’à une telle rupture ? Personne n’a jamais dit qu’il était facile de battre Poutine. La première année de guerre a montré les failles nombreuses de l’armée russe. La deuxième est la simple leçon de la première : les Russes sont faibles et peuvent être vaincus.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Munichois et va-t-en-guerre

  1. Jean Vilanova dit :

    Poutine n’utilisera pas la bombe atomique parce qu’il sait qu’il signerait alors son arrêt de mort. Or cet homme est un pleutre qui a peur de la mort. Il n’est que de voir son comportement au moment de la crise de Covid où il se tenait éloigné de plusieurs mètres de tous ses interlocuteurs, y compris des membres de son état-major. Et à la différence du président Zelensky, jamais il ne s’est rendu sur le front soutenir ses soldats. Trop risqué !
    Il n’est qu’un petit voyou blafard au regard vide, emmuré dans son palais de stuc. Il finira comme finissent nombre de dictateurs : liquidé par ses séides.

  2. TAPAS92 dit :

    Il y a plusieurs niveaux de bombes atomiques. Bien sûr, l’utilisation d’une bombe atomique telle Hiroshima (x10 ou 100) n’est pas envisageable par les Russes sans qu’ils en paient un prix trop fort. Mais, l’utilisation d’une bombe atomique tactique (avec effet destructeur local, mais effet psychologique majeur … un peu comme l’arme chimique) peut être faite par les Russes. D’ailleurs, dans leurs manuels de combat, la bombe atomique tactique fait partie de la partie conventionnelle de la guerre.
    Par ailleurs, je ne pense pas (malheureusement pour les Ukrainiens) que la Russie puisse être battue. Elle a une réserve d’hommes (mal entrainés) et de matériels (obsolètes) qui suffit à « noyer » l’Ukraine à terme. La seule issue favorable possible est l’épuisement de la Russie dans une guerre qu’elle estimerait ne plus pouvoir gagner. Alors, elle se mettra à la table des négociations, en gardant un bout de territoire de Ukrainien (Crimée + Donbass, en laissant un accès à la mer pour l’Ukraine … mais en gardant la maitrise militaire en mer) . Revenir aux frontières internationales de l’Ukraine me semble illusoire. Malheureusement pour l’Ukraine … et pour l’Europe
    Quand à Poutine, ne pas croire que sa disparition serait une bonne solution. Ceux qui sont derrière sont pire

  3. Laurent Liscia dit :

    Je rejoins en gros le point de vue de tes lecteurs. Les Russes ont perdu en Afghanistan, ils perdront à nouveau en Ukraine. Les troupes n’ont pas le moral, et la population russe commence à comprendre qu’on lui a menti. On constate aussi que malgré les tergiversations, l’occident (GB, US, et meme Allemagne) solidifie son soutien aux Ukrainiens. Joe Biden ne fait même plus semblant de ne pas être un intervenant. C’est donc bien un conflit entre l’est et l’ouest, un nouvel épisode dans une guerre froide qui n’ayant jamais cessé est devenue chaude. Il n’y a pas de négociation possible, comme tu l’indiques, avant que les Russes ne se sentent obligés de négocier. En attendant, envoyons des chars, des canons et même des avions de combat, comme le souhaitent les Ukrainiens. Et espérons qu’au départ de Poutine, par la porte ou le tombeau, les Russes se réveillent et se demandent s’ils n’auraient pas plutôt besoin d’un Zelensky, plutôt que d’un autre mafieux. Voeu pieux.

  4. Annwn dit :

    Bonjour.
    Au-delà de toutes discussions sur qui a tort et qui a raison dans une guerre, est-il possible de mettre un terme définitif à la guerre, c’est-à-dire à toutes les guerres ?
    On ne pourra mettre un terme définitif à la guerre qu’en en connaissant la véritable origine. Car la guerre n’a pas toujours existé et a eu un commencement, suivi de son triste cortège de conséquences désastreuses : le mal, la misère et la mort.
    La lutte est d’instinct masculin. Si l’homme aime les combats c’est parce qu’il possède des facultés motrices qui ont besoin d’emploi. C’est pour avoir le plaisir de batailler, bien plus que pour défendre telle ou telle cause, pour venger tel ou tel affront. Le motif de la bataille lui importe peu. C’est la bataille elle-même qu’il aime et qu’il cherche. Et ce qui le prouve c’est que le pugilat (boxe, MMA, etc.) est, pour lui, un jeu amusant. Et ne voyons-nous pas, à chaque instant, les jeunes garçons se livrer sous nos yeux à des combats qui ont les motifs les plus futiles ou qui n’ont même pas de motif du tout ? L’instinct qui les pousse est le même que celui qui pousse les animaux à se poursuivre et à se battre, sans que leurs combats, qui sont leurs jeux, aient aucun motif. C’est lorsque les hommes vieillissent et perdent leurs facultés motrices, si exubérantes dans la jeunesse, qu’ils changent de manière de voir. Ils reviennent alors à des idées plus pacifiques, l’expérience leur a montré les conséquences désastreuses de la guerre à l’âge où la lutte n’est plus, pour eux, un besoin physiologique. Alors, seulement, ils s’aperçoivent que les batailles n’ont jamais conclu aucun différend mais en ont, au contraire, créé de nouveaux, qui restent à l’état de menace dans les nations, attendant l’occasion qui doit faire naître de nouvelles guerres.
    Les guerres extérieures ne sont que des projections et des extensions des guerres intérieures.
    Cette « lutte » de l’homme contre les ennemis qu’il porte en lui-même, c’est-à-dire contre tous les éléments qui, en lui, sont contraires à l’ordre et à l’unité, se retrouve dans la conception islamique de la « grande guerre sainte » (El-jihâdul-akbar) qui, contrairement à la « petite guerre sainte » (El-jihâdul-açghar) d’ordre extérieur et social, est de nature purement intérieure et spirituelle. Notons que le mot « guérison » a la même racine que le mot « guerre », car la guérison peut s’entendre, d’une part, comme la lutte et la victoire sur le désordre corporel qu’est la maladie, et, d’autre part, comme la lutte et la victoire sur les tendances désordonnées et inférieures que l’homme porte en lui-même.
    Ainsi, c’est dans l’histoire de l’évolution physiologique de l’homme que nous trouvons l’origine et la cause de la guerre.

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