Le choc des légitimités

Olivier Dussopt à l’Assemblée
(Photo AFP)

Le gouvernement et les syndicalistes s’accusent réciproquement de se comporter en institutions illégitimes. Il y a du vrai dans ce qu’ils disent, même si la colère n’excuse pas des actes que la loi sanctionne. 

LE PROBLÈME vient de ce que les textes ne sont pas appliqués. D’une part, le gouvernement utilise trop les recours autoritaires, comme l’article 49/3 de la Constitiution, pour faire passer des décisions sans vote ; d’autre part, les syndicats étendent leur droit à faire grève à des actes de blocage, d’empêchement des salariés à se rendre sur leur lieu de travail et à faire la police sur les routes et les ronds-points, tous actes que la loi interdit.

Le nouveau droit de grève.

Les pouvoirs publics pour leur part, ne contournent pas la loi. Ils sont confrontés à de vieilles habitudes, acquises au cours de l’histoire des conflits sociaux, qui ont remplacé le droit par des actions illégales. Vous aurez peut-être remarqué que ces comportements ne sont jamais sanctionnés et sont  apparentés des initiatives licites, qui n’ont pourtant jamais existé dans le droit de grève français. Un autre élément favorise le penchant des Français à juger courageux non seulement la grève mais aussi les blocages : les sondages d’opinion qui créent un terreau fertile pour les actes d’intolérance et menacent la démocratie, ce dont les syndicalistes se moquent, eux qui voient dans le « système » la source de tous les maux dont souffre le peuple.

Les maîtres de l’économie.

La grève et ses succédanés est donc une grande entreprise d’inversion des valeurs : tout d’abord, des camarades syndiqués deviennent les maîtres de l’énergie et de l’économie, ce qui leur permet d’infliger à leurs concitoyens toutes sortes de nuisances, par exemple l’abolition de leurs libertés, qui en font des victimes alors que c’est au nom du peuple que le bazar s’installe. Ensuite, pour autant que les caisses syndicales le leur permettent, ils tentent de camper sur la grève aussi longtemps qu’ils sont protégés par le non-paiement des salariés aux grévistes.

De gauche ou de droite.

Si l’on prend un peu de distance par rapport aux événments, on s’aperçoit que toutes les grèves sont organisées en marge de la loi par des gens qui crient leur douleur pour faire croire qu’ils souffrent intensément, mais qui n’hésitent jamais à prendre sur leurs concitoyens un ascendant que rien objectivement, ne leur confère. C’est dans ce contexte plutôt grave et alarmant que se forment de vains débats. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ayant décidé tout seul que la réforme était « de gauche », le pays a réagi par des quolibets nationaux. Car elle n’est ni de gauche, ni de droite et c’est peut-être la seule qualité qu’elle ait. Observez cette crise : les syndicats font de la politique comme jamais, le pouvoir agit comme s’il était totalement indifférent à l’idéologie, l’agitation, la confusion, la communiation, parfois incompréhensible, noie dans les mots la réalité du terrain.

Remaniement ?

Emmanuel Macron ne peut pas nier l’état de déliquescence du pays, bien qu’il ait contribué à cette immense désordre. Il est attaqué par tous et très mal défendu par les siens, soit qu’ils sont incompétents, soit qu’ils parlent assez pour jeter de temps à autre une grenade dégoupillée. On se demande, bien sûr, vers quel chaos nous courons tous ensemble :  49/3, dissolution, ou encore remaniement, qui pourrait être gouvernemental, c’est-à-dire avec changement de Premier ministre.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Le choc des légitimités

  1. Jean Vilanova dit :

    Emmanuel Macron me paraît un peu perdu. Au cours des dernières semaines, il a, selon moi, multiplié les volte-face ou les impairs. D’abord son virage sur l’aile à propos de la guerre au coeur de l’Europe où il dit d’abord qu’il ne faut pas humilier le pays agresseur, la Russie (personne ne le veut d’ailleurs) puis lorsqu’il exprime, enfin, le juste souhait de sa défaite et la victoire de l’Ukraine. Et que penser de son voyage quand même assez raté en Afrique ou encore des critiques acerbes et conjuguées des pays du Maghreb contre la France ? Ces jours-ci, se mettre en même temps à dos l’Algérie ET le Maroc, il faut quand même le faire ! Maintenant, voici un projet de retraite bancal, défendu par des gens dont on se demande où ils ont appris l’art de la dialectique ainsi que celui du tempo d’ailleurs… Après d’autres présidents (Mitterrand, Chirac, et même le général De Gaulle, c’est dire), Emmanuel Macron semble touché par la malédiction du second mandat. Bon, ceci dit, je ne crois pas qu’il soit beaucoup aidé par ses équipes. Je me rappelle avoir beaucoup ri – mais jaune quand même – quand sa ministre Agnès Panier-Runacher a parlé des pauvres comme, je la cite, »des Français en situation de sobriété subie »ou lorsque le ministre de la Justice a été appelé à comparaître en justice lui-même. Sans même évoquer Gérald Darmanin qui, tel le vendeur d’élixir de jeunesse se déplaçant de ville en ville dans sa carriole nous a servi, non pas des mensonges (ce serait rendre trop d’honneur à ceux à qui il s’adresse, c’est-à-dire nous) mais des bobards à la suite des incidents au Stade de France. Vraiment, Alfred Jarry et Eugène Ionesco qui doivent se retourner dans leur tombe font petit bras à côté !
    Emmanuel Macron n’a pas su – ou voulu – s’entourer de personnalités du calibre politique nécessaire. Je pense qu’il en paie aujourd’hui le prix. Et la France avec lui.

  2. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci pour cette analyse lucide. Mettons-nous une seconde à la place du président actuel. Les crises mondiales se succèdent depuis 4 ans et nos leaders syndicaux et politiques de tous bords ne vivent et ne voient que leur petit monde sans aucune vision écosystémique et esprit de civisme collectif. La guerre en Ukraine, l’énergie, l’inflation etc…, bof ! L’important c’est la retraite à 63 ans (60 pour Le Pen). Critiquer est la partie la plus facile. Le faire de façon systématique comme c’est le cas avec le président actuel est la porte ouverte au populisme et à la fuite des hommes ou femmes politiques de haut niveau. Il n’y a que des coups à gagner et de la haine à récolter. Bonjour aux démagogues et sortez d’avance vos mouchoirs pour pleurer bientôt quand la situation s’aggravera inévitablement devant cette démission collective d’intelligence ou cette pandémie de paresse intellectuelle ! Merci en tout cas pour vos analyses.

  3. Dominique BELLECOUR dit :

    Vous évoquez la déliquescence du pays, je dirais plutôt la décadence du pays car il ne s’agit plus seulement d’un « déclinisme » économique et social : il y a aussi et surtout une crise culturelle et civilisationnelle. Par ailleurs, vous vous demandez vers quel chaos nous courons tous ensemble, mais vous n’avez pas évoqué la possibilité d’une Révolution. Or il me semble que les conditions seront bientôt réunies : l’inflation galopante sur les denrées alimentaires et bientôt le reniement au consentement à l’impôt car lorsque la plupart des médecins libéraux seront déconventionnés (56 % des réponses au sondage du QDM) et que l’hôpital se sera effondré (trois quarts des PH envisagent de quitter l’hôpital dans les 5 prochaines années selon un autre sondage), les Français n’accepteront plus de payer la CSG et tout le reste sans avoir de retour sur investissement. Et ce collapse des deux piliers de notre système de santé (la médecine libérale et hospitalière) va arriver très bientôt, d’ici à la fin du quinquennat d’E. Macron. Si d’ici là la Révolution n’arrive pas, le RN aura un boulevard devant lui pour 2027, pour le meilleurs ou pour le pire !

    Réponse
    Mais bien sûr que j’ai évoqué la Révolution. Je ne suis pas loin de rejoindre votre point de vue cataclysmique, mais j’y ajoute quelques nuances. Il ne vous a pas échappé que le Sénat a voté l’article prolongeant les carrières de 62 à 64 ans. Tout n’est pas encore écrit.
    R. L.

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