Insubmersible
(Photo AFP)
Objet de 37 chefs d’accusation, l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, a plaidé non coupable. Il est mêlé à diverses affaires, à commencer par le rôle qu’il a joué le 6 janvier 2021 dans le sac du Capitole. Logiquement, il devrait passer du temps en prison. Mais, même condamné, il resterait éligible.
L’IDÉE selon laquelle sa carrière politique est déjà terminée est donc une extrapolation sans rapport aucun avec sa popularité, qui reste immense, et la certitude qu’il reste le meilleur candidat du parti républicain. Dans les sondages, le gouverneur de Floride, qui n’est pas, lui non plus, un ange de la démocratie, a vingt points de retard. La popularité de Trump n’a aucun sens. Les États-Unis sont prospères et on peut en accorder à Joe Biden tout le mérite : l’inflation recule sérieusement, la hausse des taux d’intérêt sera abandonnée ces jours-ci, les salaires augmentent et l’emploi souffrira à peine du ralentissement économique.
Une insolente démagogie.
Ce qui veut dire que le meilleur candidat n’a pas besoin d’être un parangon de vertu, que les actes illégaux de Trump, dans les affaires et dans la conduite de l’État pendant la durée de son mandat ont augmenté et non affaibli sa posture ; sa richesse est celle de l’homme qui a réussi ; sa simplification systématique des problèmes qu’a nécessairement la plus grande nation du monde séduit ses électeurs ; il a confisqué la droite pour le compte de l’extrême droite et oppose à la gauche modérée la démagogie la plus insolente, faisant régner au parti républicain ses idées sulfureuses.
Subversion.
Il n’est pas impossible, toutefois, que la somme de ses crimes et délits mis au jour par la justice fédérale et locale finissent pas lasser les meilleurs de ses soutiens. On ne le voit pas traîné devant une cour de justice pour subversion au moment où il triomphera pendant la campagne des primaires. Il ne se croit pas lié au système des pouvoirs et contre-pouvoirs, il brigue une charge dont son premier soin sera de la détruire. Il abattra un à un ses adversaires républicains, puis démocrates, et finira par tirer sur sa propre personne.
Ce qu’il fera de l’Amérique.
Il y a une telle absence de raison dans ses comportements versatiles qu’il fera de l’Amérique, comme ce fut le cas lors du mandat qu’il a obtenu, le champ clos des bizarreries et des défaites économiques et sociales. Les contradictions psychosociologiques de ses électeurs, aveuglés par son étrange charisme, s’effaceront peut-être quand, à la place de la prospérité, il apportera à tous les Américains le chômage et le début de l’appauvrissement. Il abandonnera l’Ukraine à son sort. Il sera le meilleur ami de Vladimir Poutine, le pire ennemi de l’Europe qu’il considère comme plus perverse que la Chine.
Le juste milieu.
Il n’est pas rassurant que l’Amérique et le monde ne soient plus protégés contre cette malédiction que par un homme âgé et affaibli, qui vient de faire une lourde chute et souhaite gouverner jusqu’à 86 ans. Ce qui se passe dans ce pays nous concerne tous mais seuls les Américains votent chez eux, et c’est bien naturel. Ce qui n’empêche pas Joe Biden d’avoir relancé l’économie et de rassembler toute la gauche sous sa tente. Il ne serait plus là que l’extrême gauche, les adeptes du wokisme, les combattants hystériques de l’anti-racisme et les déçus du consensus se déchaîneraient contre le parti démocrate, que Biden a placé dans le juste milieu. Au discours tonitruant de Trump répond le souffle court de Biden, à la démagogie le réalisme et la vérité des faits, au populisme le rappel des lois.
Voilà pourquoi la tâche de Joe Biden est si complexe : au lieu du plat pimenté de Trump, Biden propose une soupe digeste. Ce qui n’exalte pas devient vite ennuyeux. Mais aucune méthode n’est efficace si elle ne repose pas sur la patience et l’équité.
RICHARD LISCIA