Le temps manque

La solitude de Netanyahu
(Photo AFP)

Le conflit entre Israël et le Hamas a déclenché une pléthore de protestations aussi vivaces dans le camp palestinien, où l’on déplore les victimes civiles, que dans le camp israélien où l’on réclame la libération des plus de 200 otages qui sont encore aux mains des terroristes.

LES VICTIMES ont un destin inégal. Quatre otages ont été libérés, ce qui accentue la souffrance imposée aux autres ; l’aide alimentaire et énergétique n’arrive qu’au compte-gouttes à Gaza ; l’invasion, considérée comme imminente, tuera encore de jeunes soldats, des otages et un nombre élevé de civils gazaouis. Les familles des otages protestent. Elles manifestent contre le gouvernement israélien qui a perdu toute crédibilité et cache son impuissance sous des airs mystérieux, comme s’il avait, dans cette affaire, une martingale infaillible.

Un pays divisé.

L’unité retrouvée des Israéliens, après les massacres commis par le Hamas le 7 octobre, est en passe de disparaître. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a promis de se remettre en cause et de reconnaître ses responsabilités au terme des combats. Façon de ne pas répondre aux protestations des Israéliens, lesquels semblent souhaiter que le processus soit inversé, le changement de gouvernement intervenant avant la liquidation du Hamas et le rapatriement des otages.

La détresse de « Bibi ».

Tout se joue dans un contexte de communication grossière et excessive, les chiffres annoncés par le Hamas n’étant pas fiables. C’est dans la vieille tradition du terrorisme de désigner ses victimes comme des coupables et de s’innocenter. C’est intolérable pour Israël qui cherche, sans l’avoir trouvée à ce jour, une méthode pour recouvrer sa crédibilité militaire. Pour Netanyahu, commence un long séjour dans la solitude. Il n’a plus d’amis : les nouveaux membes du gouvernement sont loyaux, mais entendent les objections des Occidentaux ; à tenter d’éliminer le Hamas, il accélère sa propre chute : en essayant d’apaiser l’opinion de son pays, il augmente son propre discrédit.

Sur le désir de vengeance.

Il ne faut pas avoir peur des mots : Israël veut se venger d’un affront qui a déchiré son tissu social. Et en dépit des effforts occidentaux pour distinguer le projet politique de la vengeance, il n’est pas inutile que l’État juif continue à faire peur à ses pires ennemis. Du Sud global au Nord sibérien, le seul langage de la diplomatie, c’est la force, le rouleau compresseur, la terreur. Toutes techniques inapplicables à Gaza et qui seront néanmoins appliquées. La guerre en Ukraine a réveillé les démons qui agitent les forces du mal et les suceurs de sang. C’est clair : il faut quelqu’un d’autre que Netanyahu pour résoudre le problème et c’est par lui qu’il faut commencer.

Fous de Dieu.

On propose cette analyse, mais sans grand enthousiasme. Pour le peuple israélien, il est extrêmement difficile de ne pouvoir compter sur le gouvernement après une tragédie qui restera dans les annales. Non seulement cela ne s’est jamais produit, mais c’est à partir de la connivence entre le peuple et le pouvoir que l’impasse a été créée. Il n’y a pas une once d’humanité chez les colons qui tirent sur des enfants palestiniens ; il y en a encore moins chez des fous de Dieu qui décapitent des nourrissons. On a envie de leur crier à tous : un enfant est sacré, une femme est sacrée ! On massacre, on assassine, on torture au nom de la religion. Elle a bon dos. Coran ou Torah, jamais le crime n’a été édicté en loi, de sorte que ceux qui prétendent s’appuyer sur des textes sont de fieffés menteurs.

Imagination bloquée.

Il est inconfortable de renvoyer le Hamas et Israël dos-à-dos. C’est le meilleur moyen de glisser vers l’antisémitisme. Lequel fait sur les ondes le triomphal retour qui empoisonne les sociétés, y compris la nôtre. En revanche, on a le droit d’être très exigeant avec Israël. C’est une nation démocratique, qui a montré que toute atteinte au droit et à la séparation des pouvoirs met dans la rue la moitié de la population. Mais la démocratie doit exister pour tous et pas seulement pour les juifs. Israël n’a pas besoin de territoires, mais de paix. Ce qui indigne, c’est que la violence bloque l’imagination. Qu’est-ce qui gênerait les colons s’ils devaient vivre en territoire palestinien et s’ils payaient leurs impôts à l’Autorité palestinienne ? La solution à deux États ouvre un boulevard d’idées (échange de territoires, double nationalité, projets communs aux deux États) inépuisable. Mais les Palestiniens, dirigeants et citoyens, doivent reconnaître que l’affreuse violence du Hamas et de ses alliés (l’Iran) empêche la paix.

RICHARD LISCIA

 

 

 

 

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Une réponse à Le temps manque

  1. Doriel pebin dit :

    Bravo pour ce billet lumineux d’humanité qui montre qu’il ne faut pas laisser le monopole de la parole aux extrémistes de tous bords. Il y a encore des gens raisonnables et sensés, des deux côtés heureusement.

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