L’IVG dans la Constitution

Macron : « Tiens, une affaire facile ! »
(Photo aFP)

C’est d’un consensus  qu’est née l’idée d’inscrire l’IVG, ou interruption volontaire de grossesse, dans la Constitution. Elle sera adoptée non par  référendum mais par un vote solennel d’au moins trois-cinquièmes du Congrès.

S’IL N’Y AVAIT que l’IVG, la France serait un paradis politique. Selon un sondage Ifop publié il y a un an, 86 % des personnes interrogées sont favorables à l’inscription de l’IVG dans la Loi fondamentale. Membre de la France insoumise, Mathilde Panot a soumis une proposition de loi à l’Assemblée garantissant aux femmes le droit d’IVG. Puis le Sénat a montré qu’une révision de la Constitution était possible. Finalement, Emmanuel Macron, qui a compris que l’adoption d’une révision se ferait sans mal, s’est emparé de l’affaire et a annoncé un calendrier : projet de loi soumis au Conseil, puis adopté en Conseil des ministres et loi appliquée dès le début de l’an prochain.

Rendre l’IVG irrécusable.

Du coup, Mme Panot a retiré son projet. On notera que, pour éviter les protestations de ceux qui sont viscéralement opposés à l’IVG, le terme « liberté » (d’obtenir une IVG) a remplacé celui de « droit ». Ce qui ne change rien au fond de l’affaire. Seule Marine Le Pen s’est moquée de la nouvelle disposition, non parce qu’elle serait hostile mais parce qu’elle n’en voit pas l’utilité. Ce faisant, elle prêche pour la paroisse. L’idée de Macron, suivi par la plupart des élus, c’est de rendre l’IVG pratiquement irrécusable. Si l’interruption volontaire de grossesse n’est pas inscrite dans la Constitution, n’importe quel gouvernement (mais surtout un gouvernement d’extrême droite), s’efforcerait de supprimer l’IVG.

Aux États-Unis, une liberté réduite.

L’histoire de la lutte pour les droits des femmes a montré qu’un droit acquis peut-être perdu à la faveur d’une évolution de la société ou d’un nouveau   gouvernement. Les États-Unis sont la meilleure preuve de ce que nous avançons ici, puisque la Cour suprême américaine laisse désormais à chaque État le droit de pratiquer ou non une IVG. Le résultat est que les femmes vivant dans des États conservateurs sont obligés de se rendre dans des États libéraux pour obtenir un avortement. Ce qui n’est pas autre chose que la réduction d’une liberté.

Même Marine Le Pen…

La France a changé, et dans le bon sens. Et le message laissé par Simone Veil, qui a réussi à obtenur du Parlement l’adoption de l’IVG (sous certaines conditions) a modelé les esprits. Les moins réductibles au changement de mœurs sont souvent gagnés par la morale laïque et rejettent les impératifs religieux. Dans un pays déchiré entre le conservatisme sous toutes ses formes et le libéralisme, voilà un sujet dont Macron a compris qu’il était consensuel et que, si Mathilde Panot était pour l’IVG, c’est qu’il y aurait une majorité écrasante pour voter la loi. D’ailleurs Marine Le Pen n’a pas dit que le Rassemblement national ne la voterait pas.

Le sale boulot.

Bien entendu, il s’agit d’une victoire de la femme française, mais c’est aussi un moment exquis d’unité nationale, denrée de plus en plus rare sous notre latitude. Les médecins qui me lisent ne sont pas, comme on le sait, très enthousiastes au sujet de l’IVG, ou plutôt ils n’aiment pas être naturellement désignés pour faire ce que d’aucuns appellent « le sale boulot ». Comme tout le monde, ils ont le droit d’avoir des convictions religieuses et politiques. On le comprend d’autant mieux qu’une fois l’IVG verrouillée dans la Constitution, la capacité à y échapper pour les soignants sera nulle.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à L’IVG dans la Constitution

  1. Jean Vilanova dit :

    Bien avant la loi Veil, je soutenais déjà le droit à l’IVG avec toute la force de ma jeunesse et de mes modestes moyens c’est-à-dire mon verbe, ma parole, mon enthousiasme. Je n’en tirais aucune fierté tant, pour moi, ce combat relevait de l’évidence. Il fallait gagner et conduit par Madame Veil, si courageuse, de si haute tenue sous les invectives, les femmes ont gagné, nous avons tous gagné ! Le temps a passé. Sur un tel sujet, mon âme est resté de granit. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais je suis juriste, un vieux juriste désormais, un juriste d’expérience, alors je me montre circonspect quant à l’introduction de ce droit dans la Constitution. Je sais n’être pas le seul dans mon ex-milieu professionnel (hélas, je suis retraité, quel ennui… mais je garde l’œil ouvert), y compris parmi nombre de constitutionnalistes. La Constitution de 1958 est notre loi fondamentale, notre boussole. Certes, il convient de la faire évoluer eu égard aux évolutions de la société. A ce titre, elle n’a nulle valeur de « texte sacré ». Pour autant, c’est « d’une main tremblante » qu’il convient d’y toucher. Or il me semble qu’au cours des dernières décennies, c’est au burin et non plus d’une main tremblante que le législateur s’y est employé (j’allais écrire « s’y est attaqué »). En effet, si la Constitution a fait l’objet de 5 révisions entre 1958 et 1991, on n’en compte pas moins de 19 depuis 1992. C’est beaucoup. Peut-être trop ? Je ne sais pas. Toutefois nous devons nous interroger sur la pertinence de nombre de ces révisions dont la multiplication pourrait finir par affaiblir le texte fondateur de notre République. D’autant que parmi elles, il en est d’inutiles voire de franchement négatives (par exemple l’introduction du principe de précaution en 2005). De surcroît une question sociétale, quelle que soit son importance et celle-ci l’est au plus au point a-t-elle sa place dans un tel texte ? Je ne le crois pas. Quittant maintenant le strict domaine du droit, abordons un autre terrain. Le droit à l’IVG est-il menacé dans notre pays ? Même si certains esprits obscurs en rêve, trop souvent à voix haute d’ailleurs, je ne le pense pas. Il y a consensus dans notre société sur la protection de ce droit, ce qui est tout à son honneur. Quant à la trumpisation des esprits qui s’avère réelle, je garde encore espoir que sous nos latitudes, Les Lumières continueront de l’emporter sur un tel affaissement même si le combat demeurera rude en l’espèce. Enfin, je ne veux pas faire un vilain procès à notre président en le soupçonnant, par cette démarche nouvelle, de faire diversion, de faire de la communication. D’autres le feront, le font déjà à ma place. Las, le débat mérite bien mieux que cela !

  2. Etienne Robin, néphrologue dit :

    D’accord avec la prudence avisée de M. Vilanova. Hélas, 80 % des Français, qui étant favorables à la liberté d’avorter, en déduisent un peu vite qu’il faut l’inscrire dans la Constitution, ne sont ni prudents ni avisés. Ils sont impatients.

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