Une refonte de la justice

Eric Dupond-Moretti
(Photo AFP)

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a annoncé hier une restructuration de son ministère en obtenant un budget qui passe de 9,6 milliards d’euros à 11 milliards, prévoit déjà le recrutement de nouveaux fonctionnaires, dont 1 500 magistrats et une réduction des délais pour les affaires en cours.

DEPUIS qu’il été nommé place Vendôme, M. Dupont-Moretti n’a cessé, en dépit des critiques et sarcasmes, de déployer des efforts pour rénover son ministère engorgé par de trop nombreuses affaires non réglées. Son principal problème n’est pas seulement le traditionnel manque de moyens, il réside dans ses relations personnelles avec une magistrature qui a une dent contre lui. Un contentieux les oppose à propos de l’affaire Sarkozy ; des magistrats ont procédé à une vaste écoute des avocats, allant même jusqu’à écouter les conversations téléphoniques du ténor des prétoires, qui n’avait rien à voir avec cette affaire. Ce qui a conduit M. Dupond-Moretti à intenter un procès aux magistrats du parquet national financier.

Une situation peu confortable.

De sorte que l’ancien avocat s’est retrouvé juge et partie, situation peu confortable pour lui et pour la magistrature, qui ne cesse dénoncer, depuis, la collision entre la fonction passée et la fonction présente de l’avocat devenu Garde des Sceaux. Lequel a maintenu sa plainte, ce qui, selon  les deux grands syndicats de la magistrature, est contraire à l’éthique et à la déontologie. On devine donc que son travail considérable de ministre n’a pas été apprécié autant qu’il l’aurait pu l’être, même si nombre de magistrats saluent ce qui ressemble bien à une réforme profonde, susceptible d’améliorer l’application des lois en France.

La cause, c’est lui.

Comme on le sait, le ministre et avocat a un caractère bien trempé, bien peu disposé aux concessions auxquelles doit se plier tout membre du gouvernement. Il donne le sentiment d’être encore en train de plaider devant la Cour. L’idée qu’il dit la vérité en toute occasion fait bon marché des subtilités dans les négocations syndicales. Au fond, c’est un grand nostalgique des batailles en faveur de l’avortement et contre la peine de mort. Il n’y a plus de grande cause à défendre, et voilà que la cause, c’est lui.

Proximité avec Macron. 

Au moment où son gouvernement annonce que le « quoi qu’il en coûte, c’est fini », chaque année, il obtient du président Macron des subsides propres à améliorer l’action judiciaire. Ce qui fait la valeur de M. Dupond-Moretti, c’est sa proximité avec le chef de l’État. La justice n’est pas seul ministère en déshérence, il y a aussi la Santé, par exemple, et d’autres départements dans la détresse. On a le sentiment d’abord que M. Macron souhaite renforcer la position personnelle de M. Dupond-Moretti et ensuite qu’il est sincère dans sa campagne pour redresser un secteur en perdition.

Décidé à rester. 

Dans les réactions des magistrats, on trouve les sincères, qui prévoient carrément des jours radieux pour une profession jusqu’à présent abandonnée par les pouvoirs publics, les sceptiques sincères et les sceptiques par aversion pour Macron et son ministre. Mais les magistrats auraient tort de s’inscrire durablement dans leur hostilité aux décisions récentes : il est clair que M. Macron ne veut pas larguer M. Dupond-Moretti et qu’ils ont intérêt à parlementer avec lui car il est assuré de rester là jusqu’à la fin du mandat actuel du président de la République.

RICHARD LISCIA

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