Réforme : timide esquisse

« Je ne suis pas un déserteur »
(Photo AFP)

Ce qu’on pense après avoir écouté Manuel Valls dimanche à la télévision, ce qu’on ressent après avoir entendu les réactions politiques qui ont suivi, ce que l’on perçoit du contenu du projet de loi Macron qui sera adopté mercredi en conseil des ministres, c’est que le Premier ministre, aussi ferme et engagé qu’il paraisse, est bridé par une gauche de la gauche qu’il a tenté hier de rassurer. 

OR LES RÉFORMES n’ont pas de couleur idéologique, elles sont le produit d’une urgente nécessité. Pour les engager, il faut une majorité qui y croit, il faut bousculer les bastions de gauche et de droite qui résistent au changement, il faut, en quelque sorte, aller plus vite que la musique, prendre l’opinion par surprise, passer, pratiquement, sur le corps de la démocratie. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Manuel Valls, depuis ce matin, est éreinté par l’opposition et par l’extrême gauche. Et pourtant, ce qu’il propose, à commencer par le contenu de la loi Macron qui n’est guère révolutionnaire, n’est pas de nature à garantir une relance de l’économie. On ajoute timidement sept dimanches ouvrables aux cinq existants ; on s’en prend aux professions libérales réglementées, mais avec des pincettes ; on encourage le transport par autocar, la belle affaire ; on réformera les prud’hommes ; on augmentera les cessions de participations de l’État.

La réforme du pauvre.

D’une part, les détails du projet, c’est-à-dire là où se situe le diable, ne sont pas encore connus. On ne sait pas encore, par exemple, comment seront rémunérés les heures de travail dominical ; d’autre part, rien de ce que propose le ministre de l’Économie ne semble capable de donner un coup de fouet à l’activité économique. C’est la réforme du pauvre. Elle n’est pas inutile, elle donne de la vigueur à la compétitivité, elle débloquera certains secteurs. Mais ce qu’on en sait semble indiquer que le chef du gouvernement a brimé son ministre, qu’il est obnibulé par le risque politique d’un nouveau conflit avec sa propre majorité. Son action, ses propos, ses idées ont déjà déclenché des torrents de critiques, mais il a à peine commencé son ouvrage et l’année 2015 se présente pour lui comme une course de haies. Même s’il est vrai que la gauche de la gauche n’est qu’une minorité, M. Valls peut-il progresser sans le soutien de toute la majorité et dans une confusion polémique incessante ?

Comment Valls peut compter.

Il a clarifié le débat sur ses relations avec François Hollande. Il restera jusqu’au terme du mandat présidentiel. « Je ne suis pas un déserteur », dit-il. Aussi bien personne ne songe à le lui reprocher en dépit des mauvaises langues qui affirment que le Premier ministre démissionnera dans un an pour se préparer à la présidentielle de 2017. Ceux qui, à gauche, l’abhorrent et réclament une autre politique n’ont même pas pensé à ce qui se passerait si M. Valls quittait Matignon : en seraient-ils pour autant débarrassés ? À l’inverse,  le chef du gouvernement, s’il a les ambitions qu’on lui prête, doit donner la pleine mesure des changements auxquels son nom doit être associé. C’est un homme qui inspire du respect dans la mesure où sait faire bonne figure face aux imprécations de ses amis qui ne le sont plus. Il a su éviter de parler de Nicolas Sarkozy et il a dressé d’Alain Juppé un portrait qui prépare une politique d’ouverture.

Mais la gauche n’aura pas l’occasion de s’élargir à d’autres courants. Une élection partielle dans l’Aube confirme le rejet du PS par l’électorat. Malgré l’ascension du Front national, la droite a une occasion sans précédent de gouverner seule à partir de 2017. Ce qui lui laisse largement le temps d’échouer avant même d’avoir pris les rênes du pays.

RICHARD LISCIA

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