LE MINISTRE de l’Économie se défend de songer à l’élection présidentielle. Il s’agit pour lui de mettre fin aux clivages partisans qui nous ont fait tant de mal. Il voudrait, en quelque sorte, rassembler toutes les bonnes volontés pour engager les réformes qui nous sauveront du marasme, de l’immobilisme et de la dépression nerveuse. La première impression est qu’il va un peu vite, qu’il ne dispose pas encore des atouts nécessaires, qu’il est trop jeune peut-être (38 ans) et que, déjà, il inspire moins un consensus que les sarcasmes de la gauche. Mais, très vite, on se dit (surtout si on est en colère contre une stagnation socio-économique qui dure depuis au moins trois bonnes décennies) : pourquoi pas ? Pourquoi faudrait-il un homme plus âgé ? Pourquoi hésiter à prendre ce virage alors qu’on n’a cessé de soutenir toutes les réformes qui remettraient le pays d’aplomb et que lui, Macron, est certainement l’un des leaders les plus réformistes de l’époque?
Une complication électorale.
Je ne sais pas si, sans vouloir l’admettre, il pense à se présenter en 2017, mais j’ai une certitude : sa présence réaffirmée sur la scène politique, avec ses réseaux et ses soutiens, avec ses idées fortes qu’il continue à marteler, avec son optimisme à l’opposé de la déprime de nos gouvernants, va apporter une complication de plus aux échéances électorales de 2017. Car Emmanuel Macron n’est pas, contrairement à ce qu’il veut faire croire, équidistant de toutes les tendances idéologiques. Il n’habite pas un continent nouveau que personne n’avait découvert avant lui. Et s’il prend des idées ici ou là, s’il les malaxe à sa manière, s’il en fait de nouveaux objets, il est fort bien défini par les sentiments qu’il inspire. Martine Aubry juge qu’il se situe à droite et, de son point de vue, à la droite de la droite. Le patronat le considère comme l’un des siens. Jean-Pierre Raffarin accueille la création de « En marche » avec le sourire et envisage aussitôt de collaborer avec ce nouveau parti. La gauche voit déjà dans sa nouvelle initiative la confirmation de tout ce qu’elle lui reprochait, à commencer par une ambition presque obsessionnelle qui lui a fait supporter sans jamais se fâcher les piques, flèches et hallebardes de tous ces gauchistes sinistres qui mettent le respect de leurs propres convictions au-dessus de l’intérêt bien compris du pays.
Bon pour Hollande ?
M. Macron peut donc choisir une forme de neutralité apolitique, il ne manquera pas d’ennemis pour lui dire exactement ce qu’il est et pour le replacer là où il ne veut pas être mais où il sera le plus vulnérable à leurs agressions. Le chef de l’État était-il au courant de la manoeuvre, l’a-t-il encouragée, ou au contraire a-t-il lui aussi été pris par surprise ? Selon nos informations, M. Macron l’a informé, d’abord parce qu’il ne fallait pas pousser trop loin la provocation, ensuite parce qu’il lui aurait présenté un exposé quelque peu complexe où sa démarche aiderait M. Hollande. En effet, qui cette auto-intronisation du jeune ministre dessert-elle le plus ? La droite, pardi! Voilà un homme qui vient de la gauche, qui séduit l’électorat de la droite, et surtout, qui concurrence les réformistes affichés que sont Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire. Et qui M. Macron agace-t-il le plus ? Manuel Valls, pris de vitesse, qui a trouvé plus dynamique que lui, plus iconoclaste que lui, et même plus maître de ses nerfs que lui.
Je n’irai pas plus loin dans la prospective politique car M. Macron a peut-être allumé une mèche qui va faire long feu au lieu de dynamiter le paysage traditionnel des partis. Mais il faut veiller sur cet homme comme le lait sur le feu.
RICHARD LISCIA
La meilleure manière de surveiller le lait sur le feu est peut être de le faire de l’intérieur donc d’adhérer à ce mouvement En Marche! c’est gratuit