Chine : craintes et espoirs

Un Xi en pleine forme
(Photo AFP)

Au terme du dix-neuvième congrès du parti communiste chinois, Xi Jinping a augmenté son emprise sur le pays-continent, réaffirmé la puissance de la deuxième économie du monde, écarté toute contestation, et renforcé un régime fondé sur le parti unique.

CERTES, Xi Jinping a diminué considérablement une corruption tentaculaire qui infectait tous les rouages de l’État. Mais il n’y est parvenu que par une répression d’une extrême sévérité qui s’étend au domaine politique. L’exaltation des immenses progrès de la Chine se nourrit du rejet de la démocratie parlementaire et du modèle occidental. Le nationalisme, exacerbé par la taille du pays, par sa démographie et par ses conquêtes économiques, permet à Xi de renouer davantage avec la tradition maoïste qu’avec celle de Deng Xiaoping. La main-mise du parti sur le peuple interdit tout espoir d’évolution en faveur du pluralisme et des libertés essentielles. Les provocations militaires, la réitération incessante du droit inaliénable de la Chine continentale non seulement à « normaliser » Hong Kong, mais à intégrer Taïwan, une conception des échanges commerciaux qui fait de la Chine la nation la plus favorisée sont aussi alarmants que la chasse aux dissidents, l’opposition à la liberté d’expression, à la contestation politique, à la variété des cultures.

Les exportations font la force.

Mais la Chine d’aujourd’hui, incitée par ses succès à jouer un rôle diplomatique plus important, semble moins menaçante que pendant la période de son ébullition maoïste. Xi amorce peut-être une sorte de retour idéologique à un régime sous la férule d’un homme providentiel, mais même les dictateurs doivent rendre des comptes au peuple quand les choses ne vont pas ; et désormais les Chinois auraient beaucoup à perdre si le parti se lançait dans des aventures géopolitiques. Comme on le constate avec la Corée du Nord, la Chine peut aussi avoir un effet apaisant sur les tensions, étouffer les bruits de botte, calmer la folie de Pyong Yang qui, pourtant, se réfère au maoïsme. S’il est vrai que l’Empire du milieu ne veut rien lâcher de son territoire, de ses intérêts, de ses ambitions, il est bien peu probable qu’il soit gagné par la déraison. On est admiratif devant le triomphe économique chinois, mais il ne faut pas perdre de vue que, sans le marché américain, il n’aurait pas eu cette dimension. C’est l’extraordinaire avidité des Etats-Unis et de l’Europe pour les importations à bon marché qui a assuré les Trente Glorieuses de la Chine.
Pékin adopte des comportements, comme la conquête d’ilots qu’elle transforme en bases militaires, ou tient un discours nationaliste, mais ne fait encore rien qui puisse mettre en danger son développement économique et social. Xi estime avoir déjà prouvé que la démocratie parlementaire n’est pas le meilleur des systèmes et, de fait, l’Amérique et l’Europe sont en crise et cherchent des solutions à leurs difficultés qui pourraient un jour passer par des changements institutionnels. En Russie, par exemple, Vladimir Poutine augmente son pouvoir en dénigrant l’Europe et l’Amérique systématiquement.

Le danger de la dette.

Cependant, le recul des démocraties ne signifie pas que la formule chinoise soit inoxydable. S’il y a une répression en Chine et en Russie, c’est bien parce qu’il y a d’abord une contestation. Aujourd’hui, Xi apparaît au monde comme un nouveau Mao : non seulement il a tous les pouvoirs mais il dirige une Chine riche. La seule question porte sur ce chariot bancal dont une roue est l’Etat policier et l’autre roue le développement économique. Comme si le peuple chinois, au sein duquel règnent de terribles inégalités d’ailleurs liées à l’économie de marché, se contenterait éternellement d’un régime qui le fait manger à sa faim en échange d’un dur labeur. L’histoire a largement démontré que, lorsque l’homme est rassasié, il commence à réfléchir. Un pouvoir écrasant est aussi celui qui a toutes les responsabilités. Quand le rythme de croissance a baissé il y a quelques années, la Chine a relancé l’économie en inondant le marché de liquidités. Aujourd’hui, son endettement est colossal, environ 250% de son produit brut. C’est ce qu’on appelle une bulle. Si elle explose, elle fera beaucoup de ravages et pas seulement en Chine. Le parti communiste devra alors s’en expliquer, d’autant que la classe moyenne, qui boursicote et n’a jamais connu que l’amélioration de son niveau de vie, sombrera dans l’amertume et le mécontentement.

RICHARD LISCIA

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