Obama : mais oui, une victoire

Maîtres du jeu
(AFP)

L’accord conclu entre la maison Blanche et le Congrès, qui permet d’éviter la fameuse « falaise fiscale », a été décrit partout dans le monde comme tout à fait insuffisant. Il l’est sans doute au regard de ce qu’il reste à  faire pour commencer à désendetter l’Amérique. C’est néanmoins un accord historique qui a probablement permis aux États-Unis et au monde d’échapper à une nouvelle récession. 

LE THÈME CENTRAL de la querelle, décidément interminable entre le parti républicain et le président Barack Obama, n’est pas financier ou économique, mais politique. Le  « Speaker of the House », ou président (républicain) de la Chambre des représentants, John Boehner, s’était engagé publiquement, il y a deux ans, à empêcher la réélection de M. Obama. Sur ce point, il est clair que M. Boehner a perdu. Ultralibéral ou non, le parti républicain ne pouvait plus croire, au lendemain du 6 novembre 2012, et alors que le président n’avait pas encore entamé son second mandat, qui s’ouvre le 20 janvier prochain, qu’il allait persister dans cette approche belligérante. Tea Party et autres illuminés décidés à en finir avec le « big government » ont eu, avec les élections de 2012, l’occasion de se rendre compte que leur obstructionnisme est très mal perçu par le peuple américain et qu’il leur faut, de toute urgence, s’ils veulent continuer à exister, réviser de fond en comble leur idéologie, pour la rapprocher des nouvelles réalités ethniques des États-Unis.

Une négociation entre sourds-muets.

M. Obama n’a pas fait autre chose pendant la discussion de sourds-muets entre démocrates et républicains que de laisser ses adversaires mariner dans leur propre angoisse : ils pouvaient bien s’accrocher à leurs vieilles lunes et considérer toute hausse de la fiscalité comme une abjection socialiste, ils ne causeraient que leur propre perte. Il a, mais un peu seulement, pratiqué la politique de l’abîme en leur donnant le choix entre un accord, aussi minimal fût-il, et l’enfer d’une taxation aveugle accompagnée d’une réduction tout aussi aveugle des dépenses publiques. Un peu comme les chevaux du lac Ladoga pris entre l’incendie et la noyade.

Le texte prévoyant 6 000 milliards de dollars d’économies budgétaires en dix ans à partir de 2013 par une combinaison de hausses d’impôts applicable à tous, y compris la classe moyenne et une réduction draconienne des dépenses, date de juillet 2011. M. Obama avait donc réussi il y a dix-huit mois à donner une date précise à la fin de l’irresponsabilité incroyable des législateurs américains. Les républicains avaient accepté le diktat parce que, déjà à l’époque, il était essentiel pour eux de réduire l’hostilité croissante qu’ils inspiraient à leurs électeurs. Bref, à la fin du mois de décembre, ils n’étaient pas en position de claquer la porte au nom d’une idéologie dont se moque l’Américain moyen. Ils étaient forcés de montrer qu’ils participaient positivement à la gestion raisonnable du pays.

Des concessions d’Obama.

De son côté, le président a fait quelques concessions. La hausse des impôts ne touchera que les foyers diposant de 350 000 dollars par an et non 250 000, comme le souhaitait le président. S’il a accepté un accord a minima, c’est parce qu’il a le temps de franchir les diverses étapes qui l’attendent : il va falloir encore négocier sur la réduction des dépenses, impératif catégorique dans le cadre du désendettement. L’Amérique a accumulé 16 000 milliards de dollars de dettes, six fois plus que la France. Son déficit budgétaire est de 8 % quand nous, Français, visons 3 % pour cette année. Toute décision sera politique. Il est certes possible de diminuer les coûts (prohibitifs) de la santé aux États-Unis. Mais les républicains, toujours sur le sentier de la guerre fiscale, veulent se saisir du prétexte pour démanteler la réforme de l’assurance-maladie votée par le Congrès et validée par la Cour suprême. M. Obama tient à cette réforme comme à la prunelle de ses yeux, car elle est emblématique de ses efforts pour humaniser la société américaine et pour protéger la classe moyenne.

Le message qu’il envoie aux républicains est subliminal : « L’Amérique profonde a changé, pas vous. Les minorités vont bientôt devenir la majorité et vous ne faites rien pour elles. Si vous voulez rester dans l’opposition stérile ad aeternam, continuez à me combattre. »

RICHARD LISCIA

 

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