Cahuzac (presque) innocenté

Jérôme Cahuzac
(Photo S. Toubon)

Le gouvernement a reçu une lettre de la banque suisse UBS qui « semble » démontrer que Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, n’a jamais eu de compte chez elle. Les recherches effectuées par la banque n’ont pas trouvé de compte fermé par lui et, en conséquence, n’indiquent pas qu’il en ait jamais ouvert, en tout cas depuis 2006.

LA PROCÉDURE suivie par le gouvernement est relativement obscure, de même que la méthode utilisée par UBS, qui aurait pu dire tout simplement si, oui ou non, elle avait eu un jour un compte au nom de M. Cahuzac. Cette façon étrange de l’innocenter est sans doute due à sa volonté de garder ce qu’elle peut du secret bancaire. Ce matin, Jérôme Cahuzac a déclaré que, dès lors qu’il a conservé ses fonctions après que les autorités françaises ont lu le contenu de la lettre, cela ne pouvait signifier qu’une chose : que Mediapart, le site d’informations qui l’a mis en cause, est incapable d’étayer ses accusations.

L’obsession du Watergate.

On n’en est pas surpris. D’emblée, le rôle du seul témoin à charge dans cette affaire paraissait suspect, d’autant que l’enregistrement d’une conversation dans laquelle un homme à la voix brouillée, censé être Cahuzac, s’inquiétait de l’existence de ce compte, n’était pas du tout probant. Les vigoureuses dénégations de l’intéressé associées au harcèlement intempestif de Mediapart, tout de même incapable de fournir une preuve définitive, ont fait le reste : l’opinion a plutôt pris partie pour le ministre du Budget.

Si son innocence est confirmée, Mediapart, dont on ne niera pas qu’il a souvent fait des révélations autrement plus utiles, devra en subir les conséquences. Depuis le Watergate, Carl Bernstein et Bob Woodward  ont fait des émules, mais le journalisme d’investigation doit produire des informations sûres. Publier une nouvelle incertaine revient à prendre le risque de diffamer celui qu’elle accuse. Mediapart, engagé à gauche, est un site qui a trouvé une audience et la prospérité en attaquant Nicolas Sarkozy. Son directeur, Edwy Plenel, sait que la crédibilité du site dépend de la capacité de ses journalistes à dénicher maintenant des scandales à gauche. En prenant pour cible le très sérieux et compétent Jérôme Cahuzac, ils semblent ne pas avoir eu la patience de recouper leurs informations avant de les diffuser. Quand on se dresse contre le pouvoir, il faut le faire à bon escient et, surtout, il faut savoir renoncer à une « révélation » fallacieuse.

Chacun son métier.

Mediapart ne manquera pas de dire qu’une erreur (non confirmée pour le moment) ne suffit pas à le discréditer; que les journalistes qui le critiquent sont les mêmes qui, ne faisant jamais la moindre révélation, ne contribuent guère à l’émergence de la vérité ; que, au sein de la profession, on le jalouse. Mais à chacun son métier : il faut des journalistes qui enquêtent et d’autres qui les rappellent à leur déontologie. Contre M. Cahuzac, Mediapart s’est d’ailleurs livré à un  harcèlement en distillant peu à peu ses maigres informations. Il l’a fait pour que l’on parle de lui plus longtemps, mais, de cette manière, il a soumis M. Cahuzac à la torture. On n’est pas sûr enfin que, en prenant pour cible un homme dont les compétences sont utiles au pays, Mediapart, dès lors qu’il s’est trompé, ait rendu un grand service à la France.

M. Cahuzac livre des combats tous azimuts. Il s’est permis de dire ce matin que l’État pourrait prendre une participation dans PSA, plombé par ses pertes de 2012. Aussitôt, le ministère de l’Économie a publié un communiqué pour dire le contraire. Le ministre du Budget doit penser que quand on a de tels amis au gouvernement, on n’a vraiment pas besoin, en plus, d’être mis au pilori par la presse.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Cahuzac (presque) innocenté

  1. POTTIER dit :

    « Si son innocence est confirmée, » par qui ?
    vous y croyez vraiment à l’innocence de cet homme ?
    Bien sûr, il y a toujours la présomption, mais, à moins que tout le reste (son parcours professionnel « atypique » et ses omissions fiscales) ne soit que des mensonges, son intelligence alliée à une personnalité cynique ne prêchent guère pour son intégrité !

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