La meilleure des Europe

La grève, forcément
(Photo AFP)

La Commission européenne semblait, ces temps-ci, vouloir prendre son essor. Dans deux cas précis, elle a agi de façon indépendante, sans se soucier des réactions en France et en Allemagne : bien qu’Angela Merkel ait refusé sans nuances tout protectionnisme contre les panneaux solaires chinois, elle a décidé de taxer leur importation en Europe ; et elle a voulu lancer la réorganisation du contrôle aérien dans l’Union. Dans les deux cas,  elle a subi les vives critiques de Paris et Berlin.

SUR LE FOND, la Commission avait pourtant raison. Le libre-échangisme ne saurait s’accompagner de dumping. Les Chinois subventionnent les ventes à l’étranger de leurs panneaux solaires, qui font vivre 400 000 de leurs salariés et ils ont fait du marché leur monopole, privant les Européens d’une source de croissance. Bien entendu, la riposte chinoise ne s’est pas fait attendre : Pékin a décidé de taxer les vins en provenance d’Europe, ce qui a consterné les viticulteurs français. Dans le cas du contrôle aérien, la décision de Bruxelles a déclenché une grève des contrôleurs qui s’est traduite aujourd’hui (la grève se poursuit jusqu’à jeudi) par la suppression de 1 800 vols en France. Aussitôt, les gouvernements français et allemand estimaient que les commissaires européens allaient trop vite en besogne et que la réforme n’était pas urgente.

Un courage à bon marché.

Elle permettrait en tout cas de faire des économies car elle diminuerait de façon notable le nombre de centres de contrôle. Paris et Berlin reculent devant l’obstacle, les grèves de contrôleurs étant toujours très dures et se traduisant par un chaos très impopulaire dans le transport aérien. Certes, on peut toujours dire qu’il est facile, pour Bruxelles, de prendre des décisions dont les pays membres paient les conséquences économiques et sociales. Ou que la Commission fait preuve d’un courage qui ne lui coûte rien. Mais enfin, le courage, ce n’est pas ce qui caractérise vraiment les gouvernements européens.

Ce qu’indiquent ces péripéties bizarres dans les relations entre la Commission et les États-membres, c’est l’absence, à Bruxelles, d’un pouvoir doté d’une dimension politique et capable d’imposer des mesures utiles à l’Union plutôt qu’à chacune des nations qui la composent. Mais si un tel pouvoir est absent, c’est bien parce que les gouvernements n’ont pas voulu créer une autorité qui finirait par leur imposerait sa volonté. C’est de cette manière qu’a été choisi, pour présider l’Europe, un homme, Herman von Rompuy, dont la discrétion fait les délices d’une presse ironique et prompte à abattre les gens qui manquent de caractère. Pourtant,  le président européen ne peut donner que ce qu’il a :  il est la créature de Mme Merkel et de Nicolas Sarkozy, qui craignaient de nommer un homme dont la dimension eût été comparable à celle d’un Jacques Delors. Ni la France ni l’Allemagne n’ont voulu d’un président européen susceptible de leur tenir la dragée haute. Ils en ont eu plus que pour leur argent : l’Union, très affaiblie par la crise, est aussi dans une impasse institutionnelle qui l’empêche de trouver les moyens nécessaires à sa relance économique et politique.

Les Chinois et les contrôleurs aériens ont très bien compris qu’ils pouvaient régner en divisant dès lors qu’il n’existe pas de gouvernement européen mandaté par les Vingt-Sept qui tiendrait un langage unique. Aujourd’hui, Mme Merkel a déclaré que la Commission allait renoncer à taxer les panneaux solaires chinois, sans nous expliquer pourquoi l’Union devait se priver d’un secteur d’activité appelé à se développer. Et il y a tout lieu de croire que l’affaire des contrôles aériens va s’arranger, puisque ni Paris ni Berlin ne veulent s’engager dans un rapport de force avec les contrôleurs. Tout va bien dans la meilleure des Europe.

RICHARD LISCIA

 

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