Grèce : crime de lèse-télé

Antonis Samaras
(Photo AFP)

Le gouvernement grec a arrêté la diffusion des programmes de la télévision publique en coupant l’électricité. Il a déclenché une grève nationale et les sévères critiques du monde entier. Sa décision, à la fois bizarre et désespérée, traduit davantage son désarroi que sa brutalité.

LES COMMENTATEURS, en Grèce et ailleurs, voient dans le geste du Premier ministre, Antonis Samaras, une mesure de type fasciste assimilée à la suppression de la liberté d’expression et à la censure. L’extinction des écrans est certes brutale et excessive. Mais son inspiration politique ne doit pas être trouvée dans une dérive autoritaire du gouvernement. Ce serait plutôt le contraire.

Deux mille emplois à sacrifier.

M. Samaras et ses porte-parole jurent que la mesure est temporaire et que le Premier ministre va mettre sur pied un nouveau projet de télévision publique. Ils rappellent que celle-ci est d’un coût prohibitif pour des programmes de qualité médiocre. Ils cachent à peine l’essentiel, à savoir que les contrôleurs européens de l’évolution économique de la Grèce exigeaient la suppression de 2 000 emplois dans la fonction publique et que, en détruisant les 3 800 postes de travail des chaînes publiques, M. Samaras remplit son programme sans difficulté et peut, du même coup, obtenir la nouvelle tranche d’aide qui doit être versée à la Grèce dans quelques jours.

L’hypocrisie est largement partagée entre le gouvernement et ceux qui évoquent le totalitarisme là où, en réalité, règnent la faiblesse et l’indécision. Les réformes exigées par l’Union européenne, la BCE et le FMI ont causé des souffrances considérables au peuple grec. Salaires et retraites ont diminué, le pouvoir d’achat est presque inexistant, les impôts trop élevés. Malheureusement, ces sacrifices n’ont pas permis à la Grèce de retrouver la croissance, en dehors de quelques signes indiquant un regain de compétitivité de l’économie grecque, en récession depuis cinq ans. Les gouvernements qui se sont succédé depuis le début de la crise n’ont pas réussi à lancer les réformes essentielles : le pays n’a toujours pas de cadastre, ce qui exclut les impôts fonciers, il n’a pas contraint l’Église orthodoxe à se soumettre à l’impôt, pas plus qu’il n’a obligé les armateurs à contribuer au redressement des comptes, pas plus qu’il n’est parvenu à vendre les sociétés nationales.

Erreur psychologique.

De sorte que les riches sont plutôt épargnés et que la classe moyenne et les pauvres subissent une perte insupportable de pouvoir d’achat. M. Samaras aurait dû savoir qu’un peuple scandalisé depuis cinq ans par des mesures injustes auxquelles échappent les puissants n’attend que le premier geste incongru ou démesuré pour descendre dans la rue. C’est d’autant plus regrettable que les Grecs, en réalité, ont fini par comprendre pourquoi ils devaient fournir des efforts presque inhumains ; ils ont compris la gravité de la crise et ils s’y sont adaptés. Que le pouvoir soit incapable d’aller chercher l’argent là où il se trouve et les économies dans un service public hypertrophié est consternant.

Si on comprend bien, la troïka (UE, BCE et FMI) n’est pas plus efficace dans le recouvrement des impôts grecs et dans la réduction de la dépense publique que le gouvernement d’Athènes. Ce qui ne l’empêche pas de lui serrer la vis. Tant que la justice fiscale ne règnera pas sur la Grèce, il y aura des grèves générales, des manifestations et des émeutes. L’absence de civisme n’est ni chez les jeunes, dont une majorité est au chômage, ni chez des salariés appauvris par cinq ans d’austérité, ni chez les retraités poussés vers la misère. Elle est chez tous ceux qui ont les moyens de payer et refusent de le faire, sans se soucier le moins du monde de la souffrance populaire.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Grèce : crime de lèse-télé

  1. woznica dit :

    Cessons de faire payer les contribuables européens pour des Grecs qui exonèrent le clergé, les armateurs, et les fonctionnaires qui touchent leur salaire mais ne font rien

  2. La panique grecque (cela y ressemble) ne serait-elle point en lien avec les actuelles difficultés turques ?

    Un article ancien mais éclairant …

    http://www.marianne.net/La-Grece-est-endettee-mais-surarmee-Cherchez-l-erreur_a207086.html

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