Des vacances bien ordonnées

L’an dernier, Hollande partait en train pour Brégançon
(Photo AFP)

Quel est le sujet qui fâche ? La dette, les retraites, l’emploi, la baisse des dépenses publiques ? Que nenni. Le sujet qui agace les ministres, c’est les vacances. Le président leur a donné 16 jours, pas un de plus, et leur a intimé l’ordre de se présenter le lundi 19 août pour un séminaire avant le conseil des ministres du 21. Le 10 juillet dernier, il leur a envoyé une circulaire exigeant d’eux qu’ils ne s’éloignent pas du territoire national (sauf pour se rendre dans les DOM-TOM), qu’ils soient joignables à tout instant, qu’ils laissent toutes leurs coordonnées  à l’Élysée, qu’ils rappliquent sur le champ en cas de crise. Agacés ? Non, enragés.

LES MINISTRES  se plaignent. Ils sont épuisés par une crise qui les a obligés à travailler sans relâche. Ils invoquent le besoin de se « ressourcer », d’être en forme avant de repartir du bon pied ; ils en seraient presque à invoquer Léon Blum et les congés payés. Bref, 37 ministres réduits à revendiquer comme n’importe quel camarade syndiqué. Et, bien sûr, à se plaindre du patron. Parce que, justement, François Hollande est un stakhanoviste, un homme qui adore son job, un vacancier contre son gré qui n’a pas du tout aimé son séjour de l’été dernier à Fort-Brégançon, lequel, coïncidence ou rapport de cause à effet, a amorcé la baisse de sa cote de popularité.

Et la France, alors ?

Cette année, il pourrait se contenter de résider à La Lanterne, dans le parc du château de Versailles, qui fut la seconde résidence du Premier ministre jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy se l’approprie à la barbe de François Fillon, sans autre forme de procès. M. Hollande, lui, n’a pas encore rendu La Lanterne à Jean-Marc Ayrault, qui, à ce jour, ne l’a pas demandée. « Il n’y a que lui qui s’ennuie à Brégançon » : c’est ce qu’un ministre important aurait déclaré au « Monde », la semaine dernière. Apocryphe ou non, ce témoignage en dit long sur la rancoeur des ministres traités en hommes de troupe dont on limite les permissions.

Mais le plus drôle, c’est que les membres du gouvernement, en tout cas les mécontents, ne se posent pas la question de savoir si l’état actuel de la France n’exige pas une vigilance de chaque instant. Ils sont plus prompts à dénoncer les travers caractériels du président qu’à présenter une évaluation exacte, donc alarmante, des difficultés nationales. On ne tombera pas dans la démagogie presque naturelle que cette mini-crise de société inspirera à l’opposition et aux citoyens exaspérés par la baisse de leur pouvoir d’achat, souvent contraints de rester chez eux par manque d’argent. On peut même dire que travailler avec le président, ce n’est pas Byzance : il a réduit les salaires de ses ministres, et maintenant il les « exploite » en diminuant le nombre de leurs jours de congé. Ils lui renvoient à la figure sa propre philosophie de gauche, qui conduit souvent à l’indulgence au nom des droits de l’homme, donc des ministres.

Séances de désintoxication.

Cependant, on se pose, une fois de plus, la question toute bête qui hante chaque esprit normal : quelle est cette motivation irrésistible qui conduit femmes et hommes à se faire élire à des postes dont le fardeau est accablant et les risques extrêmes ? Comment peuvent-ils croire qu’ils additionneront le plaisir de vivre et l’ivresse du pouvoir ? Le président de la République joue, dans cette affaire, un rôle éminent. Il apprend à ses subalternes à se désintoxiquer : il les prive du cumul des mandats, et leur démontre qu’ils sont là non pour se pavaner dans l’or et la pourpre des palais de la République, mais pour se sacrifier. Il fait de l’ascèse la poutre porteuse de sa gouvernance. Ascèse ? Pour M. Hollande, le travail est inséparable du plaisir, de sorte qu’il prend son pied à gouverner, alors que les ministres ont besoin, eux, d’échapper de temps en temps aux dures contraintes du combat politique.

RICHARD LISCIA

 

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