Un budget schizophrène

L’impôt, réflexe pavlovien
(Photo AFP)

Le grand progrès du projet de budget pour 2014, c’est les quinze milliards d’économies sur la dépense publique. Il présente néanmoins trois défauts : il aggrave le déficit, qui sera de 4,1 % au lieu des 3,7 prévus, ce qui rendra encore plus difficile le désendettement ; il accroît la pression fiscale de trois milliards que seuls les ménages supporteront, ce qui minera la consommation, d’autant que la TVA va augmenter ; il déclenche non seulement les critiques habituelles, mais un conflit avec les Verts, ulcérés par l’absence d’éco-taxe sur le diesel.

ON N’ACCORDERAIT pas trop d’importance à la fronde (sincère) des écologistes, qui menacent de ne pas voter le budget et de quitter le gouvernement, si on ne craignait que le gouvernement finisse par céder à leurs exigences. De la même manière, il n’existe pas de budget qui satisfasse tout le monde et il n’est pas surprenant que celui-ci provoque des cris d’orfraie. Mais, en l’occurrence, le gouvernement continue à nous cacher des choses, par exemple des taxes nouvelles qui seraient destinées à réduire le déficit de l’assurance-maladie, ou des décisions qu’il n’a pas encore prises, comme il l’affirme à propos de la taxe diesel. En outre, malgré une baisse de la dépense d’État de 15 milliards, l’ensemble des dispositions ne correspondent pas aux objectifs que le pays est censé viser.

Pas de pause fiscale.

Tout d’abord, prévoir trois milliards de taxes supplémentaires sur les revenus des ménages, qui s’ajouteront à la hausse de la TVA, après nous avoir bercés pendant l’été avec une belle idée de pause fiscale revient un peu à se moquer du monde. Surtout si sont appliquées les taxes concernant divers produits considérés comme dangereux pour la santé qu’annonce « le Parisien » de ce matin. S’il s’agissait de récupérer trois milliards, peut-être fallait-il porter à 18 milliards la réduction de la dépense publique ?

Ensuite, on s’aperçoit que le pouvoir n’a pas perdu le réflexe quasi-pavlovien d’augmenter la pression fiscale quand il cherche à se rapprocher de l’équilibre budgétaire. Il est dopé aux impôts, intoxiqué, et, tout en prenant des mesures pour ménager les foyers les plus pauvres, il n’hésite pas à prendre des mesures qui concernent absolument tous les foyers. Nous avons donc un budget schizophrène qui améliore d’un côté les dispositions fiscales relatives aux revenus les plus bas, mais n’épargnent pas les mêmes revenus, soumis à des taxes payées par l’ensemble de la population.

Une baisse improbable.

Enfin la baisse des dépenses publiques n’est qu’un objectif dont on n’est pas sûr qu’il sera atteint. Elle est à la fois indispensable et intolérable pour les ministères qui ne savent plus comment financer leur fonctionnement au jour le jour. Elle n’aura pas lieu sans des arbitrages politiques courageux du Premier ministre. Elle nécessitera des sacrifices susceptibles de freiner la croissance et c’est pourquoi les économies risquent d’être inférieures aux 15 milliards que s’est assignés le gouvernement. Or le projet de budget pour 2014, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, éloigne le but à atteindre à la fin de l’année prochaine, c’est-à-dire 3,7 % de déficit. Après avoir bénéficié du sursis de deux ans que la Commission de Bruxelles lui a accordé, le gouvernement s’adjuge une nouvelle facilité, celle de ne pas atteindre les 3,7 prévus pour 2014, et de fixer un nouvel objectif, 4,1%, qui pourrait bien être dépassé, à cause des querelles internes de la majorité, des difficultés à baisser la dépense, d’une insuffisance des rentrées d’impôts due à une croissance affaiblie par les coups portés au pouvoir d’achat et, donc, à la consommation.

Dans ces conditions, à quel moment du quinquennat la barre mythique du déficit budgétaire égal ou inférieur à 3 % de la richesse nationale sera-t-elle atteinte ?

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Un budget schizophrène

  1. A3ro dit :

    Il est dommage qu’une réflexion comme celle-ci, somme toute très logique et pondérée, soit cantonnée à ce blog et à votre chronique du « Quotidien », et pas reprise par l’essentiel de la presse grand public*. C’est ce genre d’analyse que les gens doivent entendre, pas les déclarations syndicales et/ou politiques ou la pseudo-info « Priorité au direct ».

    *J’exclus « le Point », qui, bien que tirant dans le même sens que vous sur ces questions là, est un peu trop va-t-en guerre contre Hollande et était un peu trop complaisant avec Sarkozy à mon goût.

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